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Japon | Etrange Festival 2001

Le Cimetière de la Morale

aka Graveyard of Honor and Humanity - Jingi No Hakaba | Japon | 1975 | Un film de Kinji Fukasaku | Avec Tetsuya Watari, Yumi Takigawa, Tatsuo Umemiya, Noboru Ando, Kunie Tanaka

Un Scarface nippon, la gloire en moins : Dur, dur d’être un yakuza...

La "vie" d’Ishikawa (Tetsuya Watari), jeune yakuza contestataire dans le Japon troublé d’après-guerre...

Jingi no Hakaba, ou Le cimetière de la morale en français, n’est pas un film de yakuza dans le sens où on l’entend. Alors que d’habitude on a plutôt affaire à des êtres pour lesquels seul l’honneur de leur clan est en jeu, ici c’est l’inverse. Ishikawa n’en a rien à battre de ce qui peut arriver aux autres, y compris à son chef. Ce personnage campé par un Tetsuya Watari (Tokyo Nagaremono, Brother) à mille lieues de ce à quoi il avait habitué son public, est plus proche du Tony Montana de DePalma (Scarface /1983) que du Tony Carmonte de Hawks (Scarface /1932), mais comme je le disais plus haut, la gloire en moins, et ce n’est pas peu dire... Son parcours a tout d’une descente aux enfers... sans retour.

L’action du film se déroule donc dans un Japon qui se cherche en cette deuxième moitié des années quarante, où tout est à reconstruire, y compris les mentalités. Le racisme anti-gaijin (ici les américains et les chinois) est partout dans les rues, mais également au sein des forces de l’ordre, corrompues par les gangs locaux. Ce Japon en reconstruction est donc le terrain adéquat pour le développement de la criminalité, et par la même de la violence. Le "héros" du film, Ishikawa, est donc l’un des nombreux petits chefs de secteurs, à la tête de deux ou trois hommes, chargés de collecter les "dettes" des commerçants y étant installés. D’un naturel brutal, notre homme va provoquer des chefs de clans rivaux, sans réellement penser aux conséquences... Lorsqu’il se fait réprimander par ses supérieurs, il leur tient tête et en sortant, fait exploser la voiture de son chef, le tout dans la décontraction la plus totale ! Il sera banni du monde des Yakuza pour une durée de dix ans.

A partir de là, on comprend qu’Ishikawa n’a peur de rien et qu’il est prêt à tout pour arriver à ses fins. Mais a-t-il seulement un but ? Non, il avance droit devant lui en défonçant littéralement les obstacles qu’il rencontre, sans se soucier de ce qui pourrait/pourra lui arriver. Ishikawa va être entraîné dans une spirale sans fin faite de violence et de dépendance à l’héroïne. L’"amour", même s’il est fugace, y est présent sous les traits d’une jeune femme qu’il viola lors de leur première rencontre... Véritable raison de vivre de notre héros, elle sera emportée par la tuberculose. L’une des - nombreuses - scènes marquantes du film, est celle où Ishikawa quémande à ses "supérieurs" un bout de territoire afin de créer sa propre "famille" ; il est à genoux au milieu d’eux et devant lui se trouve le récipient qui contient les cendres et ossements de sa défunte épouse. A chaque refus qu’il essuie, il prend un morceau d’os dans sa bouche et le croque... dur ! (c’est le cas de le dire !). Puis, c’est l’univers carcéral...

Bon, encore une fois c’est une baffe que l’on se prend dans la figure avec ce film atypique et sans concessions (mais alors vraiment au-cu-ne !) sur le monde de la pègre nippone. Kinji Fukasaku est donc bel et bien un immense réalisateur dont l’univers serait à rapprocher de celui d’un autre génie du cinéma japonais, Seijun Suzuki. Ce qui est étrange, c’est qu’une certaine presse et certains critiques aient réussis à nous faire croire que Fukasaku n’était qu’un tâcheron du septième art, ou encore celui grâce auquel Kitano avait pu se mettre à la réalisation en abandonnant le projet Sono Otoko Kyôbo Ni Tsuki (Violent Cop /1989)... A plus de soixante-dix ans, ce très grand et talentueux réalisateur est enfin reconnu grâce à son Battle Royale, qui nous permet de découvrir tardivement une infime partie de son œuvre antérieure (plus d’une cinquantaine de films !). Actuellement en tournage, Fukasaku nous prouve que le talent ne se tarit pas avec les années. En tous cas, je suis heureux de pouvoir toujours être étonné, émerveillé, estomaqué par le cinéma, un art dont les principaux maîtres d’œuvre viennent aujourd’hui d’Asie. Y-aurait-il une concentrations de génies au Japon ? Certainement, car si l’ancienne garde (post Kurosawa, Ozu, Mizoguchi, Naruse) composée de Suzuki, Fukasaku, Oshima et j’en passe, est relayée par Miike and co., alors le cinéma n’est pas prêt de disparaître et nous promet de belles surprises...

- Article paru le mardi 28 août 2001

signé Kuro

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