Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Tadjikistan | Festival du film asiatique de Deauville 2010

True Noon

Tadjikistan | 2009 | Un film de Nosir Saidov | avec Yuriy Nazarov, Nasiba Sharipova, Nasriiddin Nuriddinov et Shodi Sleh

Un grand hebdomadaire culturel jugeait naïve la morale du Chant des mers du Sud selon laquelle nous sommes tous métissés. Nul doute que ce qualificatif pourrait être de nouveau utilisé pour décrire ce film en provenance du Tadjikistan sur la nécessité de l’amitié entre les peuples (d’Asie centrale). Il y a pourtant parfois des vérités évidentes qui méritent d’être répétées. Le spectateur s’en rendra compte en ouvrant simplement son journal. Même si True Noon est enraciné dans la réalité historique, il n’en reste pas moins une fable et doit être pris comme tel.

Dans un pays non identifié d’Asie centrale, Nilufar va bientôt se marier avec le fils d’un voisin. Elle seconde le responsable de la station météorologique du village, un vieux Russe du nom de Kirill. Depuis quelques temps déjà, il n’a plus de nouvelles de sa famille : le « centre » ne répond pas à la radio et ses lettres lui sont retournées. Il comprend pourquoi lorsqu’une frontière est construite à proximité du village, bouleversant la vie de de ses habitants. Ils ne peuvent plus aller au village jumeau, où se trouvent l’école et le docteur, et où habitent amis et parents. Les deux promis sont désormais séparés par des barbelés, auxquels des mines vont être ajoutées pour faire bonne mesure afin de rendre la frontière étanche.

Le réalisateur Nosir Saidov signe un film simple et beau à une époque où complexité et longueur injustifiées gâchent de nombreux films. Grâce au soin apporté au cadre et à la lumière, il met en valeur la beauté de son pays, le Tadjikistan. Comme le plan récurent du village et de la vallée noyés dans la brume au petit matin, d’où émergent des maisons dominées par des peupliers.

True Noon fait revivre une époque révolue, celle où les pays d’Asie centrale appartenaient à un seul pays, l’URSS, et le moment où son effondrement les a séparés. Les apparatchiks au pouvoir ont simplement conservé les frontières définies par Staline, commissaire du peuple aux nationalités avant son accession au poste suprême. Ils ont officialisé une frontière tracée arbitrairement, qui a abouti à des situations aussi absurdes que l’incorporation de Samarkand et de Boukhara, hauts lieux de la culture tadjike, à l’Ouzbékistan [1].

Nosir Saidov dénonce ces frontières artificielles entre des "peuples frères". Mais le réalisateur laisse la politique totalement hors-champ. Le pouvoir reste une entité distante, auquel il est fait référence sous l’appellation du centre. Même les soldats érigeant la frontière ne sont que des exécutants. Il s’intéresse aux gens du commun et à leur vie de tous les jours. Lors d’une magnifique séquence où Kirill et le père de la mariée descendent la rue principale du village en side-car, il nous fait découvrir la vie du village : les élégantes, les gamins qui jouent, les anciens qui discutent...

Le réalisateur a pris la décision hautement symbolique de faire d’un Russe - de l’étranger qui aurait pu servir de bouc émissaire bien pratique et pour cause - le héros de son film. Il s’agit d’ailleurs du personnage dont la nationalité est évidente. Pour les autres habitants du village, il ne donne pas d’indications claires. Je vous livre une clé : leur chapeau donne de précieuses indications.

True Noon est un film nostalgique par certains aspects, mais pas angélique. Si Nosir Saidov fait l’éloge de l’amitié entre les peuples [2], il sait que la route y menant est semée d’embûches. Les vaches ne seront pas les seules à sauter sur des mines.

True Noon faisait partie de la compétition officielle de la 12ème édition du Festival du film asiatique de Deauville (2010).

[1Sur la fabrication des nations en Asie centrale, on lira l’indispensable La nouvelle Asie centrale d’Olivier Roy.

[2Une guerre civile a fait plusieurs dizaines de milliers de morts entre 1992 et 1997, marquée notamment par des haines entre régions.

- Article paru le dimanche 28 mars 2010

signé Kizushii

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