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Gamera tai Daimaju Jaiga - Gamera vs Jiger (War of the Monsters - Monster Invade Expo 70)
Un film de Noriaki Yuasa
Scénario de Nisan Takahashi
Avec Tsutomu Takakuwa, Kelly Varis, Katherine Murphy, Kon Omura, Junko Yashiro

Comme beaucoup de japonais, la famille Kitayama attend avec impatience l'ouverture de l'Exposition Universelle, programmée du 15 mars au 13 septembre 1970 dans la région d'Osaka. Tandis que son père apporte les dernières touches sur une série de submersibles pour enfants à destination d' "Expoland", le jeune Hiroshi piétine face au retard de Keisuke - l'un des responsables du chantier de l'Exposition pour lequel sa grande sœur Miwako a par ailleurs le béguin. Keisuke en effet doit l'amener visiter le site grandiose; en route il lui explique l'objectif de l'Exposition. Cette édition 1970 (troisième tentative japonaise après celles de 1912 et 1940) a pour thème "le progrès et l'harmonie pour l'humanité". Les pays représentés doivent participer à une réflexion sur l'utilisation néfaste des progrès industriels, et envisager de nouvelles applications, salutaires et pacifiques à long terme. Notre avenir cependant n'est pas la seule préoccupation de Keisuke, qui regrette une méconnaissance de l'Histoire des hommes. Ainsi de nombreux mystères subsistent, comme cette statue de 33 pieds de haut sur Whistler Island ("l'île du siffleur") qui va être rapatriée au Japon pour l'évènement. Arrivé à ce stade de son explication, Keisuke est interrompu et est témoin de la panique d'un envoyé culturel de Whistler Island: le dénommé Gibo terrorisé, parle de malédiction. "Jiger… Jiger…"
C'est ainsi que nous nous retrouvons sur le site d'excavation de la statue, en compagnie du Dr. Williams et de l'équipage du Nankai Maru. Alors que des hélicoptères s'apprêtent à hélitreuiller la statue jusqu'au bateau, Gamera fait son entrée en scène et s'interpose. Williams et ses hommes interprètent cela comme une agression, et ouvrent le feu sur la tortue géante en dépit des protestations de ses enfants Tommy et Susan, qui affirment que Gamera est leur ami - c'est du moins ce que leur a toujours dit Hiroshi.
Le Nankai Maru est déjà loin de l'île quand une créature gigantesque, cousine lointaine du tricératops, sort du sol à l'endroit où se trouvait auparavant l'édifice de pierre. Gamera s'apprête à affronter Jiger, pour éviter qu'il ne rejoigne Osaka…

Raaaampaaaaaaage!!!

Après un Gamera vs Viras décevant, et un Gamera vs Guiron de bien meilleur niveau mais encore hésitant quand au rôle de notre Kaijû en forme de tortue, Gamera vs Jiger délaisse les Uchu Kaijû (monstres de l'espace) et autres extraterrestres humanoïdes et infantilisant, pour revenir aux sources du Kaijû Eiga et nous offrir l'un des épisodes les plus complets de la première série (1965-1980) des aventures de Gamera.
Ce retour aux sources, on le ressent très rapidement en dépit d'une nouvelle version du thème très "Récré A2" de Gamera en accompagnement du générique, entièrement constitué d'images des épisodes précédents. Notre héros cette fois, n'est plus un petit enfant mais quasiment un adolescent; bien entendu il partage la vedette avec un jeune américain, symbolique récurrente qui pourrait presque faire office d'introduction aux buddy movies des années 80.
Ensuite, Gamera vs Jiger s'enrichit de thèmes plus ou moins explicites, parfaitement absents des quatrièmes et cinquièmes aventures de la série: réflexion classique des japonais sur leur propre industrialisation, le paradoxe de leur évolution scientifique cohabitant avec de lourdes traditions, ou encore l'exclusion de l'étranger avec cette première réaction du Dr. Williams face à une créature inconnue… Nisan Takahashi profite du thème de l'Exposition Universelle d'Osaka pour livrer un scénario qui lui sert d'illustration à la fois pertinente et divertissante. Un tel choix est rarement contemporain, et renforce l'impact de ce sixième opus parfaitement maîtrisé - Gamera vs Jiger en deviendrait presque un film initiatique.
Enfin, troisième point révélateur, la rapidité avec laquelle le premier combat intervient dans l'histoire et, après une première défaite de Gamera, débouche sur des scènes de destruction massives si chères non pas à Lilo & Stitch, mais au Kaijû Eiga dans sa définition même. C'est d'ailleurs en revenant au rampage qu'on se rend vraiment compte des faiblesses des épisodes 4 et 5…

Que ce soit dans ses combats ou dans les nombreux détours du scénario avant l'affrontement final, Gamera vs Jiger est un film fantastique varié et surprenant. Les combats sont tour à tour drôles (Gamera qui emmène Jiger dans les airs pour le laisser retomber sur le sol, plusieurs fois de suite) et très sérieux (Gamera luttant contre sa quasi-crucifixion au début du film, tel JCVD dans l'inestimable Cyborg d'Albert Pyun). Les théories scientifiques développées par Takahashi frôlent quant à elles le merveilleux. Tenez par exemple: Gamera se fait piquer par un dard rétractile, dissimulé dans la queue de Jiger. Il s'effondre laissé pour mort, et devient peu à peu transparent. Face à cette anémie évidente et après analyse d'une radio de Gamera montrant une tâche noire dans ses poumons, un scientifique nous livre une étonnante théorie - documentaire à l'appui. Gamera serait comme cet éléphant piqué par je ne sais quel insecte, dont la trompe est obstrué par les larves en développement que le parasite y a enfanté. Sympa, non? Du coup, Hiroshi et Tommy grimpent dans un des fameux submersibles cités en début d'article, et pénètrent dans le corps de Gamera afin d'éliminer… l'enfant de Jiger qui s'y développe effectivement tranquillement!!!

"Gamera, Gamera.
You're wonderful, Gamera.
You're wonderful, Gamera.
Sunday, Monday, Tuesday, Wednesday.
A big monster's in the way.
A deep-freeze monster, come what may.
It leaped, it jumped, go-go-go.
You've jet propulsion, we know.
You're wonderful, Gamera.
You're wonderful, Gamera."


Avec ses affrontements explosifs, les esquives délirantes de Gamera face aux flèches de Jiger, la bataille intra-pulmonaire à coup de fréquences téléphoniques, les coups de pied portés par Gamera à son adversaire au sol et la façon dont il s'acharne sur sa tête, cette astuce de notre tortue qui s'enfonce des poteaux électriques dans les "oreilles" pour ne plus subir les hautes fréquences émises par le rayon ultra-destructeur de Jiger, ses maquettes détruites à tout bout de champ et ses théories humanistes, naïves et touchantes... ce sixième opus des aventures de Gamera se charge magnifiquement de lui rendre le beau rôle, et d'en refaire un Kaijû digne de ce nom: Gamera is wonderful, c'est vrai, et Gamera vs Jiger est un film exceptionnel!

Akatomy - le 18.08.03