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Gamera tai Shinkai kaijû Jigura - Gamera vs Zigra - Deep Sea Monster
Un film de Noriaki Yuasa
Scénario de Nisan Takahashi
Avec Koji Fujiyama, Reiko Kasahara, Isamu Saeki, Yasushi Sakagami, Mikiko Tsubouchi, Arlene Zoellner, Gloria Zoellner

Dans la seconde moitié du 20ème siècle, les hommes ont entrepris de nombreux voyages dans l'Espace. Ainsi le Japon a-t-il par exemple installé une base sur la Lune. Quel est d'ailleurs ce vaisseau qui s'en rapproche? Et si, en dehors des humains, il existait d'autres créatures avides d'exploration et de maîtrise de l'Espace? Alors que la soucoupe fait disparaître la base nippone à l'aide d'un rayon qui rappelle celui de Jiger dans Gamera vs Jiger, le narrateur nous assène cette dernière phrase pré-générique: "cette histoire est un avertissement pour l'humanité". Qu'à cela ne tienne, tout ça s'annonce plutôt sympathiquement péremptoire…

…du moins dans un premier temps. Car une fois le générique terminé, le spectateur constate avec effroi que le sursaut Gamera vs Jiger s'est déjà éteint au sein de la Daiei, et que les protagonistes du film sont plus jeunes que jamais. Kenichi tout d'abord - ou Ken tout court - est le fiston d'Ichikiwa, chercheur en vie marine au Sea World de Kamogawa. Sa tante s'occupe de ses voisines, les deux petites filles de M. Wallace - collègue américain d'Ichikawa -, la transparente Margie et surtout l'imbuvable Helen, qui assène affirmation sur affirmation en recevant à chaque fois le "okay" monotone de Ken. Après un parallèle de montage relativement déconcertant, entre Ken et une jeune baleine tous deux en pleine séance de soins dentaires, l'avertissement annoncé commence à prendre forme. Nous rejoignons en effet Ichikawa et Wallace, en mission d'analyse sur une plage nippone on ne peut plus polluée. Alors qu'ils s'apprêtent à déjeuner, nos deux scientifiques atterrés découvrent deux passagers clandestins dans leur embarcation: Ken et Helen bien sûr. Ensemble, ils vont être témoins de l'arrivée du vaisseau envahisseur sur notre planète. Le bateau et ses occupants sont désintégrés par le rayon de la soucoupe…
…et se retrouvent rematérialisés à l'intérieur de celle-ci, grâce au pouvoir du "rayon de quatrième dimension à pouvoir de transfert instantané"! Ils sont accueillis par une belle extraterrestre comme toujours humanoïde et "nippophone", qui démontre l'étendue de son pouvoir en faisant subir à Tokyo un tremblement de terre de force 13 - le troisième d'une telle force après ceux de force 12 qui ont ravagé le Pérou et l'Arabie peu de temps auparavant. Cette représentante de la planète Zigra, venue dans son "Zigra Star Spaceship", explique que son peuple vivait dans l'eau de leur planète, mais qu'ils l'ont polluée au rythme de leur progrès technologiques. Les "Zigrans" veulent donc coloniser la Terre avant que ses eaux soient à leur tour condamnées, et y vivre en faisant de l'humanité leur garde-manger…

Pourquoi, mais pourquoi Noriaki Yuasa et Nisan Takahashi, respectivement réalisateur et scénariste attitrés de la série, se sont- ils à se point enfoncés dans l'infantilisation de leur bébé? Sans queue ni tête, ce septième et dernier véritable épisode de la période dite "classique" de Gamera - bien que ce soit le premier Kaijû Eiga écologique -, est une véritable disgrâce, même pour un Kaijû déjà très nettement en perte de charisme, et ce en dépit d'un sixième opus remarquable. Dans Gamera vs Zigra c'est bien simple, notre quota de tortue géante se limite à deux-trois apparitions, au cours desquelles Gamera se fait de plus très largement humilier par le monstre titre issu du vaisseau envahisseur (le reste du temps, il est bien trop occupé à être immobilisé la tête en bas dans l'océan, avec juste un pied hors de l'eau).
Les effets spéciaux pour la majorité touchent le fond du fond, sept ans après un premier opus de haut niveau, et les incrustations notamment sont épouvantables. On aurait presque pu dire que la technique du "dry for wet" mise en place pour le tournage des séquences sous-marines parait maîtrisée, mais l'équipe technique abuse rapidement des effets lumineux de remous et entreprend de transformer ces fonds marins en espèce de discothèque aquatique (et de toute façon la technique est trahie par le fait que Gamera parvienne à cracher des flammes sous l'eau).
Et au fond de cette eau à deux reprises, Gamera affronte Zigra, poisson/oiseau géant et télépathe capable d'hypnotiser les humains afin que leur cerveau réagisse comme celui d'un dauphin. A peine protégée dans sa carapace, n'osant plus pointer le bout de son nez, Gamera accepte sa défaite, consciente de la débâcle de la série, et se fait taillader, impuissante et oui, ridicule.

Pour tout vous dire, le seul passage mémorable de ce Gamera vs Zigra qui ne nous montre même pas l'un de ses fameux tremblements de terre, pas un immeuble détruit ni une prise de catch, est aussi celui qui marque le suicide public de son Kaijû en plein crépuscule. Il faut le voir pour le croire mais, après avoir terrassé Zigra sans mérite, Gamera se saisit d'un rocher, et le frappant sur le dos du monstre, se rend compte qu'elle peut faire… de la musique! Du coup elle entonne le début de sa propre theme song, avant d'être relayée par une bande-son survoltée et de danser au son de sa gloire passée. Même Minilla - le fils de Godzilla - n'avait pas osé.

Pour Gamera ça y est, le rideau est tiré. Les difficultés de la Daiei empêcheront le tournage programmé de Gamera vs Leoman en 1972, puisque la société en banqueroute cessera ses activités de production jusqu'en 1978- et peut-être rétrospectivement, est-ce mieux ainsi. Notre Kaijû, honteux, ne daignera même pas vraiment tourner de nouvelles scènes pour cette aberration conceptuelle que sera Space Monster Gamera neuf ans plus tard, et pourtant le film se fera quand même (cf… le prochain article!). En attendant son véritable réveil en 1995, il ne nous reste malheureusement plus qu'à contempler les vestiges de cette première série, massacrée sur l'autel d'une la popularité puérile. Gloups!

Akatomy - le 21.08.03