A Bloody Aria
Bully-revenge.
Park Young-sun, un professeur de musique renommé, profite d’une audition de l’une de ses anciennes élèves, In-jeong, pour laquelle il est membre du jury, pour s’offrir une escapade loin des platitudes de la vie conjugale. Après avoir volontairement grillé un feu rouge et s’être pris une amende par un policier peu conciliant, il renouvelle son délit provocateur sous les yeux de l’intéressé et dissimule ensuite sa Mercedes neuve aux abords d’une rivière désertée. Prétextant un besoin de sobriété, il invite In-jeong à le rejoindre au bord d’un feu de camp, où ses véritables intentions se révèlent. Encourageant son élève à incarner le rôle d’une femme amoureuse, il lui impose un baiser exagéré, puis tente de s’approprier sa virginité. In-jeong parvient à s’échapper, laissant Park Young-sun seul dans sa voiture face à la réalité de son acte... Un peu plus loin dans la forêt éparse qui jouxte la plage désolée, deux voyous martyrisent un lycéen qu’ils avaient enfermé dans un sac en toile. Sur la plage, le professeur voir arriver un insolite et crasseux personnage, qui utilise des souris nourries à la mort au rat pour piéger des rapaces, qu’il achève à l’aide d’une batte de baseball. In-jeong elle, solicite l’aide d’un homme en scooter pour rejoindre un bus qui la ramènera chez elle, à Séoul... Et tout ce petit monde, par la force d’un hasard réfléchi, se retrouve à nouveau sur la berge, autour d’un Park Young-sun asiégé par tous ces hommes qui se connaissent et paraissent enclins à une certaine violence, alors que le lycéen laissé pour mort, revient à lui dans sa prison de toile...
Etrange objet que ce Bloody Aria, seconde réalisation de Won Shin-yeon (The Wig). Evoluant en roue libre dès la première confrontation entre son protagoniste adultère wannabe et le flic incarné par Han Suk-kyu, A Bloody Aria se caractérise rapidement par son ambiance de violence latente. Rentrant dans le champ subreptiscement grâce au sac contenant le lycéen - reprenant à Audition sa première manifestation de terreur, quoique de façon nettement moins insistante -, puis par la tentative de viol du professeur de musique sur In-jeong, cette violence va rapidement occuper le premier plan, au travers des différents protagonistes instables de ce survival insoupçonné. Bong-yeon (Lee Mun-shik) et ses acolytes, et notamment le chasseur simplet, oscillant entre la gentillesse et la brutalité de mots emplis de menaçe, en viennent rapidement aux mains, et esquissent par des souvenirs verbaux, le véritable propos du film : une réminiscence de violence étudiante, univers de railleries faites par des bully légendaires et de destruction psychologique de l’autre, qui va entraîner le film vers sa sanglante et cohérente conclusion, en se servant de la colère extériorisé de l’étudiant souffre-douleur. Et, alors que A Bloody Aria se pare initialement d’allures de Délivrance, puis de rape-revenge potentiel coréen, Won Shin-yeon de définir un genre nouveau : le bully-revenge. De victime prévisible, In-jeong devient comme nous, simple spectatrice de cette reconstruction d’une destruction.
A Bloody Aria est un film curieux, huis clos à l’air libre qui, prenant d’abord un tour d’humour noir et de violence, contextuelle et presque second degré, s’impose à terme comme un grand film malade, ultraviolent et psychologiquement destructeur. Won Shin-yeon sur The Wig, avait déjà joué justement, à déjouer les attentes de ses spectateurs en transformant un film d’épouvante au pitch improbable en supplice psychologique puissant ; le réalisateur reprend ici son stratagème, passant de la fausse comédie redneck au véritable film d’horreur humain, A Bloody Aria étant un film d’exploitation sérieux dans lequel la vengeance se mange (très) froide, assaisonnée de coups désirés et de litres de sang. La trame, apparemment absente, se dessine discrètement au fil des interventions discrètes du personnage interprété par Han Suk-kyu. Bien que celui-ci reste extérieur au drame qui se joue sur la berge, on devine rapidement que c’est son implication, ainsi que celle de l’objet qu’il recherche au téléphone, qui détiennent les clés du dénouement de l’histoire.
S’il y a une chose que A Bloody Aria a bien mérité, c’est sa recommandation aux adultes : psychologiquement et visuellement, c’est, autant pour le cinéma coréen dans lequel il fait vraiment figure d’outsider, qu’au niveau mondial où il s’installe aux côtés des films les plus vicieux de ces dernières années, une œuvre brutale, abusive, remarquable dans sa simplicité et la noirceur de son étude tourmentée des conséquences de railleries juvéniles. Une violence façonnée dès le plus jeune âge qui redéfinit les rapports humains au point d’en constituer le cœur, noirci et pourrissant, mais proprement fascinant. Et Han Suk-kyu, d’ordinaire du bon côté de la force, est remarquable dans son interprétation d’un homme qui n’en est pas un - ou alors peut-être trop ? -, au milieu d’être qui s’affirment, conditionnés par un rapport d’humiliation, comme de simples chiens, tel que le revendique le déroutant Lee Mun-shik. Impressionnant.
A Bloody Aria est disponible en DVD coréen (édition deux disques), chez l’éditeur HB Entertainment, sous-titré en anglais.




