A Chinese Tall Story
La quête du moine Tripitaka et de ses trois disciples, parmi lesquels le Roi Singe Sun Wukong et son bâton magique, les amène à faire une halte dans la ville de Shache, où ils sont assiégés par le Tree Demon et son armée de créatures ailées. Pour éviter que son maître ne se fasse dévorer par le démon végétal, ce qui confèrerait à ce dernier la vie éternelle, Wukong l’attache à son célèbre bâton à l’aide de fil d’or – qui ressemble étrangement à de la barbe à papa – et l’expédie dans le ciel, loin du champ de bataille. Alors que Wukong et ses confrères sont faits prisonniers par les forces du mal, Tripitaka atterrit dans un village d’étranges créatures, vaguement maléfiques et complétant leur apparence humaine d’une langue reptilienne.
Persuadés, à cause de son bâton doré, qu’il s’agit là de Sun Wukong, les habitants du village confient la captivité de Tripitaka à la très vilaine Meiyan, réputée frigide, convaincus qu’aucune séduction ne pourra la compromettre. C’est sans compter sur l’usure verbale du mo lei tau [1], qui noie spectateurs et protagonistes dans la confusion et amène le duo à faire affaire ensemble, au service d’une trame absurde visant à transformer Tripitaka, moine simplet qui perd de vue sa quête de la plus haute importance, en bandit meurtrier, avant de le dévorer ; tout en l’aidant à sauver le Roi Singe, à repousser les forces du démon arbre avec l’aide d’ancêtres pré-glaciaires expatriés sur une autre planète, venus chercher l’une des leurs qui s’est écrasée dans les grottes du village, et autres rebondissements improbables. Tout ça pour s’épancher en sentiments amoureux, d’une force telle que les tourtereaux Tripitaka et Meiyan en viennent, tenez-vous bien, à s’opposer aux Dieux eux-mêmes. Ben voyons.
Nonsense is my business...
Il ne fait aucun doute que Jeff Lau est depuis longtemps l’un des piliers de l’humour cantonnais nonsensique, genre qui brille encore de temps en temps de quelques éclats étonnants, à l’image par exemple, de Protégé de la Rose Noire. Il ne fait aucun doute non plus que le cinéma déployé dans A Chinese Tall Story, dont le titre déjà, laisse grandement perplexe, divisera éternellement les spectateurs occidentaux. Dans sa première demi-heure, riche en rebondissements, combats numériques dantesques et autres numéros dansés, le silly talk propre au genre manque à plusieurs reprises de donner le vertige aux initiés comme aux néophytes, et ce d’autant plus que Nicholas Tse y brille d’une candeur déconcertante. Son personnage, volontairement agaçant, incarne parfaitement le double tranchant du mo lei tau : il fragilise le film autant qu’il le consolide, héros pénible mais aussi merveilleux souffre douleur. Le plus difficile dans cette exposition bavarde, où Charlene Choi ne ferme jamais les vannes de son monologue sans queue ni tête, étant tout de même d’appréhender le propos de Chinese Tall Story.
... and business is good !
L’ovni de Jeff Lau toutefois, possède les qualités de ses défauts. Si le manque de rigueur crée une narration confuse et souvent injustifiée, la liberté affirmée de Jeff Lau agrémente le film d’un enthousiasme contagieux. La générosité du bonhomme explose dans un flot incessant d’idées, certes aberrantes mais très satisfaisantes. Les effets spéciaux ont dix ans de retard comme toujours à Hong Kong, mais Chinese Tall Story ne s’en offusque guère et surcharge son film de délires numériques, notamment à partir du bâton transformiste, capable d’incarner un petit vaisseau (à même d’emmener nos héros faire la loi au paradis) autant qu’un mecha gigantesque armé d’innombrables canons rotatifs. Meiyan passe du laideron au charme enfantin de Charlene Choi, démon puis extraterrestre doté d’ailes d’anges, sans aucune justification autre que de déborder les attentes du public. Fan Bing-Bing incarne un merveilleux extraterrestre crocheté de blanc, accroc au tabac et mue par des émotions lesbiennes, le Roi Singe parodie In the Mood for Love, et, au cœur de son mélange volontairement anachronique de fantasy et de science fiction, A Chinese Tall Story prône une liberté amoureuse sans concession, qui parvient, on ne sait comment, à être rafraichissante.
Alors oui, ce prédécesseur à la nouvelle incartade de Jeff Lau, Metallic Attraction : Kungfu Cyborg, se situe forcément le cul entre deux chaises, un peu enfantin pour les adultes, et trop brutal et incohérent pour les enfants. Ça tombe bien : Sancho se prélasse justement toujours avec joie dans cet entre-deux merveilleux, que le cinéma de Hong Kong, éternel insolent, ne manquera jamais de peupler de son inventivité ouvertement mercantile.
A Chinese Tall Story est disponible en DVD HK dans une très belle édition chez Joy Sales, et sort le 12 novembre – aujourd’hui même ! - en DVD et Blu-Ray français chez WE Productions.




