A Devilish Homicide
Lee Shi-mak se rend à une exposition de tableaux. A son arrivée toute fois, le bâtiment est vide, à l’exception d’une toile qui le plonge dans un trouble profond puisqu’elle dépeint une certaine Ae-ja qu’il n’a pas vu depuis plus de dix ans. A l’arrière du taxi censé le ramener chez lui, Lee se rend compte que le chauffeur a choisi une autre destination. Il proteste et demande à descendre, mais abandonne lorsqu’il constate qu’en ce premier mai, les fantômes sont légion dans la campagne environnante. Le véhicule l’amène dans la résidence d’un peintre qui a peint une étrange toile rouge d’Ae-ja. Lee cherche à en savoir plus mais l’artiste, incohérent, semble paniquer à l’approche de pas à l’extérieur de son atelier, et, après lui avoir confié le tableau, supplie son invité de se cacher sous un lit s’il ne veut pas mourir. Une femme entre dans la chambre et assassine le peintre puis s’écroule, inerte. Lee constate qu’il s’agit d’Ae-ja, telle qu’il l’a vue la dernière fois, et décide de l’amener chez son ami le docteur Park, lequel décède dans d’étranges circonstances après avoir ausculté cette femme pas vraiment vivante. Et Ae-ja, elle, disparaît à nouveau...
Peu nombreux sont les films datant de l’âge d’or du cinéma sud-coréen [1] visibles aujourd’hui, si l’on excepte quelques pièces maîtresses de l’œuvre de Shin Sang-ok [2] et la récente ressortie de l’emblématique The Housemaid de Kim Ki-young en DVD. A Devilish Homicide, surprenant film d’épouvante de Lee Yong-min, s’inscrit dans cette époque de prospérité cinématographique, et s’affirme comme le penchant coréen, intéressant autant que déconcertant, d’un certain cinéma pratiqué par Nobuo Nakagawa au Japon quelques années auparavant, et notamment de l’excellent Black Cat Mansion avec lequel il partage un fantastique quelque peu félin.
L’un des seuls écueils de A Devilish Homicide tient à une construction, originale à l’époque, qui se heurte à une barrière linguistique à laquelle les sous-titres anglais de l’édition DVD coréenne ne rend certainement pas justice. Ainsi met-on beaucoup de temps à comprendre pourquoi Lee Shi-mak s’intéresse autant à la dénommée Ae-ja, qui semble vouloir lui enlever toute sa famille, puisqu’il s’agit de sa première femme. D’abord film d’épouvante, le métrage de Lee Yong-min joue la carte de l’explication a posteriori en faisant en second temps la lumière sur l’odieux drame d’Ae-ja. Si dans cette seconde partie le film se veut plus traditionnel dans sa mise en scène d’une méchanceté familiale – se faisant tout de même violemment critique des changements de mœurs et valeurs de l’époque – A Devilish Homicide vaut surtout pour son tableau fantastique contrasté. Participant à l’étrangeté du métrage, le noir et blanc de l’image joue de noirs profonds et d’ombres limitrophes, de symétries architecturales et de pièces et autres couloirs étrangement vides, pour instaurer un climat presque onirique qui détonne avec la facilité avec laquelle les différents protagonistes acceptent les manifestations surnaturelles qui s’abattent sur leur famille.
A Devilish Homicide en tout cas, avec sa revenante tour à tour félin et femme à comportement de chat, instaure un fantastique discret et dérangeant ; notamment lorsque, sous l’apparence de la mère du héros, l’esprit vengeur lèche avec une certaine obscénité les enfants de Lee dans leur sommeil. Même les quelques images explicitement fantastiques du film – dans lesquelles la véritable nature d’Ae-ja se révèle sous la forme d’une patte de chat à la place de la main, par exemple, – parviennent à être crédibles dans leur caractère non spectaculaire. L’attitude des protagonistes déteint sur le spectateur, et l’on accepte nous aussi aisément ce fantastique d’un autre temps, qui résonne encore aujourd’hui dans chaque film de fantôme vengeur issu d’Extrême-Orient. On constate ainsi que, d’une certaine façon, le cinéma horrifique coréen n’a pas tant évolué en quarante et quelques années, et que les thèmes qui le nourrissent aujourd’hui étaient déjà abordés, ou du moins esquissés, dans ce très agréable homicide diabolique, qui se permet même une énucléation que n’aurait pas reniée Nakagawa.
A Devilish Homicide est disponible en DVD coréen sous-titré anglais. L’image, bien que non anamorphique et tirée d’un master abimé, est tout à fait honorable. L’étrange bande-son du film, composée d’effets sonores régulièrement inappropriés, sature par contre facilement.
[1] Lire à ce sujet A Short History of Korean Film sur l’incontournable site de Darcy Paquet.




