A Night in Nude
Quatrième film de Takashi Ishii, Nûdo no Yoru est aussi celui grâce auquel il acquit une certaine renommée internationale...
...et ses thèmes de prédilection sont déjà au rendez-vous. Jugez plutôt ; Nami ( !) Tsuchiya (Kimiko Yo), une femme travaillant dans un "club privé", exploitée et abusée, décide de laisser tomber cette vie qui ne lui convient plus. Malheureusement pour elle, Kozo Namekata (Jinpachi Nezu), son "boss", ne l’entend pas comme ça... Se faisant passer pour une provinciale en visite dans la capitale, elle fait la connaissance d’un homme qui se fait appeler Jirô Kurenai (Naoto Takenaka), sensé l’y guider... Nami décide alors de se débarrasser de Namekata et demande à Kurenai de s’occuper de faire disparaître le corps. C’est alors que Tatsu Sendo (Kippei Shiina), un jeune homosexuel violent et amoureux fou du défunt patron de boîte, se met bille en tête de le retrouver coûte que coûte...
Voici un film qui dès le départ nous plonge dans un univers typique de son auteur ; Nami, le personnage fétiche d’Ishii, encore une fois violée dans sa jeunesse et exploitée par un homme méchant, est ici malgré tout plus "manipulatrice" que réelle victime (disons qu’elle est une victime devenue manipulatrice pour assouvir sa vengeance...). Une fois n’est pas coutume, car dans Nûdo no Yoru le véritable élément manipulé est un homme, brillamment interprété par Naoto Takenaka, en proie à une vie passée désormais loin derrière lui et à ses cauchemars. On peut dire sans se tromper qu’il est l’un des héros les plus malchanceux qui soient... tout ce qu’il tente se retourne contre lui. Il est le martyr tout désigné d’une société qui lui est hostile, dans laquelle il n’a plus sa place, et devient malgré lui, le complice de la vengeance de Nami ; la violence dont il est victime de la part de ce monde extérieure va le changer à tout jamais...
Ishii, cinéaste de la femme par excellence, offre dans son Nûdo no Yoru, un rôle en or à l’un de ses acteurs favoris, l’extrêmement talentueux Naoto Takenaka que l’on a pu voir, entre autres, dans Gonin et Freeze Me. Entourée d’excellents acteurs, eux aussi des habitués du réalisateur, tels Jinpachi Nezu (Gonin, Yoru ga Mata Kuru, Kuro no Tenshi vol.1) et Kippei Shiina, rôle principal du sublime Shinjuku Kuro Shakai China Mafia Senso (Les affranchis de Shinjuku /1995) de Takashi Miike, la troublante Kimiko Yo (Hiruko the Goblin, Gonin 2) représente LA femme selon Takashi Ishii ; violée, abusée, soumise, mais consciente de son pouvoir, qu’elle pourra d’ailleurs exercer à sa guise sur ce pauvre homme en perdition pour parvenir à ses fins, même si les sentiments qu’elle éprouve à son égard vont finir par la rattraper... A propos d’acteurs, notez une participation, et en mini-jupe s’il vous plaît, du très prolifique Tomorowo Taguchi (Tetsuo, Dangan Runner, Gohatto, Dead or Alive,... et j’en passe !).
Takashi Ishii signe une fois de plus un très beau film, qui finalement n’est qu’une histoire d’amour "à la" Ishii, dérangeant, violent, désespéré, le tout mis en scène d’une manière qui lui est très personnelle, dans laquelle le montage a une importance capitale puisqu’il compose littéralement ses images comme il conduirait un orchestre, en y insérant des zooms (rajoutés parfois au montage, ce qui donne un effet très particulier), des ralentis, des solarisations ou autres effets stroboscopiques. La texture de la pellicule utilisée a elle aussi son importance chez le réalisateur, qui visiblement se sent plus à l’aise avec un matériau au grain assez poussé (la plupart du temps), ce qui a pour effet une certaine dureté des images, voire même une brutalité primaire qui par là-même contraste avec l’aspect de ses héroïnes... Chose assez rare (du point de vue des effets spéciaux) chez Ishii pour être soulignée, une séquence onirique, ou plutôt cauchemardesque, dans laquelle Naoto Takenata se voit enfoncer une arme dans le crâne : effet garanti et réussi, faisant - largement - penser à Videodrome de David Cronenberg... Nûdo no Yoru est un film passionnant, qui nous fait entrer de plein pied dans l’univers très particulier et torturé de Takashi Ishii tout en laissant présager de ses futurs œuvres, telles Yoru ga Mata Kuru et autre Freeze Me... A découvrir de toute urgence...
PS : Un grand merci à l’Etrange Festival pour les photos.
DVD, pas vu | Pioneer - ArgoPictures | NTSC | Zone 2 | Format : 1:1:85 - 4/3 | Ne contient pas de sous-titres.


