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Chine

A Time to Love

aka Qing ren jie | Chine | 2005 | Un film de Huo Jianqi | Avec Vicky Zhao Wei, Lu Yi, Cui Minjie, Zhang Qian, Ding Yujia, Liu Mu, Song Xiaoying, Wang Dianhua, Xing Jiaodang, Yi Ren,

The sins of the fathers…

Qu Ran et Hou Jia ont toujours habité le même immeuble, et sont amis depuis l’enfance. Qu Ran, la plus jolie fille du quartier, n’a de sourires que pour Hou Jia qui chérit cette amitié avec une certaine fierté. Les enfants grandissent et l’affection aussi, même si celle-ci hésite à se trouver un visage plus adulte. Qu Ran, plus exclusive encore que dans son enfance, a fait de Hou Jia l’un de ses seuls amis, et il semblerait que tout son univers gravite autour de lui. Hou Jia est toujours aussi heureux d’être le bénéficiaire de cet incroyable sourire, dont il profite simplement. Pourtant sa mère voit cette amitié d’un mauvais œil ; un jour, elle explique à Hou Jia qu’elle ne veut plus les voir ensemble, car c’est la famille de Qu Ran qui a conduit son père au suicide plus de dix ans auparavant. Hou Jia se braque tout d’abord, repoussant lontemps son amie, pour mieux découvrir que son amitié s’est transformée en amour. Les deux jeunes gens vont alors se découvrir une parenté avec les amants de Verone d’un certain Shakespeare, tenter de percer le secret qui oppose leurs familles et vivre leur amour contre toute animosité parentale…

Si de premier abord A Time to Love a tout du récit classique d’amours contrariées, le film de Huo Jianqi est une œuvre touchante qui parvient à se détacher du tout venant du mélodrame asiatique. Histoire de l’amour d’une vie, contrecarré par une hérédité de tristesse et de douleur, c’est un film d’autant plus rare et intéressant qu’il ne fait pas partie des œuvres d’émancipation, émotionnelles et politiques, façon Une jeunesse chinoise [1], mais bien des films soutenus et récompensés par le Bureau des Films chinois. Un film forcément mesuré donc, aussi bien dans son discours amoureux et d’opposition filiale, que dans son inscription implicite dans une ouverture culturelle de la Chine vers le monde extérieur, et plus particulièrement occidental.

Car en décidant d’affirmer un parallèle conscient avec Roméo & Juliette, plutôt que d’en constituer une simple déclinaison, A Time to Love tisse un lien évident avec l’héritage de la Révolution Culturelle Chinoise. « C’est comme si cette histoire était restée enfouie pendant des centaines d’années, attendant qu’on la découvre. » Qu Ran et Hou Jia, profondément chinois, se reconnaissent en ces amants italiens, dépeints par une plume anglaise, en point de voir toutes les adaptations de la pièce, des films aux ballets, de se fasciner pour ses diverses représentations. Bien que, dans un soucis de consensus subtil, Huo Jianqi choisisse de n’expliciter que le caractère affectif de cet intérêt compulsif, miroir exagéré d’une relation impossible, on distingue très nettement les contours d’une ouverture culturelle prononcée, presque célébrée dans son désir d’exhaustivité.

Qu Ran et Hou Jia trouvent dans Shakespeare la force de vivre leur amour à un niveau non plus affectif mais passionnel, forcément destructeur. En tenant tête à leurs parents, ils s’opposent à un héritage historico-culturel traditionnel et prennent leur destin en main, chinois « nouveaux ». Pourtant le bonheur n’est pas si simple à trouver, car l’opposition au système ne peut se faire que dans la douleur et dans la peine : il est impossible de se séparer de sa famille – la Mère Patrie – si facilement. Bien que A Time to Love reconnaisse la force et la valeur de l’amour des deux jeunes adultes, vecteur de renouveau, de remise en question, il les condamne à être laissés pour compte dans cette occidentalisation partielle de la Chine. Et ce moment propice à l’amour qui donne son titre au film, de disparaître sans que Qu Ran et Hou Jia aient pu en profiter. Une conclusion triste mais cohérente, sacrifice demandé par le système en échange d’une reconnaissance, qui parvient à respecter le cahier des charges de la censure chinoise tout en affirmant une personnalité forte. Huo Jianqi a pour lui une caméra très habile à défaut d’être virtuose, affirmant la maîtrise de plans séquences et de cadrages délicats, mais surtout l’aura si particulière de la gracieuse Zhao Wei [2].

A Time to Love est disponible en DVD chinois, sous-titré en anglais.

[1L’excellent et très charnel film de Lou Ye, sorti l’an passé sur nos écrans, vient d’ailleurs d’être édité en DVD.

[2L’actrice a été plusieurs fois primée pour sa prestation.

- Article paru le lundi 4 février 2008

signé Akatomy

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