Beijing Rocks
Les désillusions d’une poignée de jeunes chinois dans une société qui ne leur ressemble pas...
Michael (Daniel Wu), jeune musicien hong-kongais de bonne famille éduqué aux States, se voit contraint de quitter l’ex-colonie suite à une "altercation" dans un bar... Nous n’en savons guère plus (...dans un premier temps). Sous la pression exercée par son paternel (Richard Ng), il part en Chine continentale afin de réfléchir et d’écrire de nouvelles chansons, sa maison de disque le menaçant de rompre le contrat qui les unit à tout moment. A Beijing, Michael fait la rencontre d’un groupe de Rock local [1], emmené par Ping Lu (Geng Le), jeune homme rebelle dans l’âme et amoureux fou de Yang Yin (Shu Qi), une jeune fille un peu paumée. Très vite, Michael et le groupe vont partir sur les routes de Chine et ainsi traverser des dizaines de petits villages afin d’essayer d’acquérir une certaine notoriété et, pourquoi pas, décrocher un contrat ; mais la vie d’artiste dans un pays comme la Chine n’est pas une chose facile, et nos jeunes amis vont tomber de désillusion en désillusion...
Beijing Rocks est un film sur la jeunesse chinoise ; jeunesse en total décalage avec la société qui l’entoure. Cette jeunesse opprimée, prisonnière malgré elle de ses racines, qui se cherche entre deux mondes, celui de leur vie de tous les jours dans un pays où les droits de l’hommes sont quasi-inexistants, et celui qu’ils vivent par procuration grâce aux vêtements, magazines, musiques, venus d’occident. L’art en lui-même est perçu comme un acte de rébellion ; Yang Yin, qui se retrouve incarcérée quelques jours, en fera les frais : "(...) il est interdit de rire, de chanter (...)"... mais personne ne peut empêcher personne de penser.
En dehors du fait de dénoncer le système chinois, Beijing Rocks met le doigt sur les différences qui opposent Hong Kong et la mère patrie ; à la fois un mépris des continentaux vis à vis des anciens colonisés (Michael se voit affublé du sobriquet "paysan" à longueur de temps), et de manière moins affichée, une envie teintée de jalousie, pour une vie toute autre, telle le prouvera Yang Yin qui dans l’intimité dira à Michael : "(...) l’obscurité n’est pas la même ici et à Hong Kong ; à HK, on peut toujours tendre le bras et allumer la lumière, tandis qu’ici, on ne peut qu’attendre dans l’angoisse que le soleil réapparaisse (...)"... édifiant.
Au fur et à mesure que le film progresse, on en apprend beaucoup sur les deux personnages masculins principaux ; la base de leurs ennuis, de leurs craintes, proviennent de la même origine ; leurs pères respectifs. Être "bien vu" par son père, réussir pour lui prouver quelque chose. C’est l’amour paternel (inavoué dans un premier temps), une reconnaissance par le père, qui fait avancer nos deux héros. Pathos, pathos, quand tu nous tiens...
C’est à Mabel Cheung que l’on doit la réalisation de Beijing Rocks, l’une des rares réalisatrices du cinéma hongkongais, qui réalisa The Autumn’s Tale (avec Chow Yun-Fat et Cherry Chung /1987), ou encore The Soong Sisters (1997) et City of Glass (1998). Sa distribution, sans failles, comprend l’excellent Daniel Wu, que l’on pu voir dans Bishonen, Purple Storm, et plus récemment dans Cop on a Mission ou Born Wild ; à ses côtés dans le rôle de Ping Lu, l’acteur chinois Geng Le (In the Heat of the Sun, Dirt), et Shu Qi... Shu Qi, est-il nécessaire de rajouter quelque chose, si ce n’est qu’elle est une fois de plus bouleversante dans un rôle magnifique... et n’oublions pas le mythique Richard Ng [2], l’un des acteurs hongkongais qui traverse les décennies, avec près de soixante-dix longs-métrages à son actif, et ce dans tous les genres, même si son style de prédilection (auprès du public) est la comédie.
Avec Beijing Rocks, on est une fois de plus bien loin des schémas hollywoodiens classiques ; les destins tragiques de nos héros (à différents degrés), les désillusions rencontrées qu’ils ne peuvent surmonter, la difficulté de rester soi-même dans une industrie où tout doit être pré-digéré (l’industrie du disque est une parabole sur la société moderne), les incompréhensions entre deux générations, bref, une montagne de déconvenues se dresse face à une jeunesse et à ses idées qui finalement restera impuissante, et s’effacera sans que personne ne s’en rende compte...
DVD | Megastar - Media Asia | NTSC | All Zone | Format : 1:1:85 - 16/9 | Images : De belles couleurs pour un ensemble convenable sans plus, la compression étant visible à certains moments... ce qui est franchement dommage, aux vues de l’année de production du film (2001). Le transfert anamorphique apporte malgré tout un petit plus. A noter, quelques petits sauts de télécinéma. | Son : Un 5.1 capable de très bonnes choses lors des séquences musicales (très bonne dynamique des basses), mais un peu en retrait dès lors qu’il s’agit de retranscrire des ambiances sonores.
Langue : Version originale en mandarin (agrémentée de quelques dialogues en cantonais). | Sous-Titres : Chinois traditionnel, chinois simplifié ou anglais.
Suppléments : Petit making of (18’) malheureusement uniquement sous-titré en chinois, fin alternative (16/9, plus ou moins sous-titrée), trailer, teaser, clip musical, synopsis, mini bio/filmos de Mabel Cheung, Alex Law (prod. & scénariste), Daniel Wu, Shu Qi et Geng Le.
[1] Le rock chinois, appelé également le Yao Gun.
[2] Acteur génial vu dans la série des Pom Pom, celle des Lucky Stars, ou encore dans Future Cops, Dr. Mack, et des dizaines d’autres films. Il a écrit et réalisé Murder Most Foul en 1979, et on lui doit le script de The Yellow Panther (1977).


