Bullets of Love
Andrew Lau qui s’essaye au polar à la Johnnie To / Wa Kai Fai, avec en prime Asako Seto dans le rôle féminin principal - ça valait bien le coup de le tenter, non ? Alors on oublie un instant les a priori, et on se lance avec enthousiasme et discernement dans la vision de ce Bullets of Love monté par Danny Pang (co-réalisateur et auteur de Bangkok Dangerous et The Eye)...
Sam (Leon Lai) traque depuis plus de trois ans un criminel incarné par Terence "Vicious" Yin (Hot War, Martial Angels), Night, ainsi que son bien nommé comparse, Day. Lorsqu’il parvient enfin à appréhender Night - non sans s’être fait tirer dessus - c’est à sa petite amie Ann (Asaka Seto), avocat de son état, que l’affaire est confiée. En dépit du manque de preuves nécessaires au maintien de l’inculpation du supposé criminel, Ann parvient à faire condamner Terence à passer 5 petites années en prison. Ce dernier, lorsqu’il sent que le procès bascule, se permet de condamner Ann par anticipation, déclarant qu’elle est d’ores et déjà morte. Et c’est un fait : lors d’un voyage à Paris avec son homme quelques semaines plus tard, Ann se fait exécuter [1] par Jojo (Saki Hayakawa), femme fatale perverse au service de Night, et obsédée par Sam.
Trois ans plus tard, on retrouve Sam exilé sur Lamma Island [2]. Le flic est devenu pêcheur et coule des jours tranquilles auprès des habitants locaux. L’arrivée sur l’île d’une japonaise prénommée You (... Asaka Seto !), portrait craché de feu Ann, va quelque peu bouleverser cette seconde vie...
Comme c’est souvent le cas avec les polars HK, Bullets of Love démarre vite et plutôt bien. Le pré-générique, au cours duquel un homme pourtant conscient de son état de cible se fait descendre en pleine rue par un sniper (ou devrais-je dire une "snipeuse"), nous fait rentrer de façon brutale dans le sujet. L’utilisation du son et du montage en phases opposées (musique et sons aggressifs sur les ralentis, quasi-silence sur les plans en vitesse normale) permet à Andrew Lau et Danny Pang d’aboutir à une introduction pour le moins captivante. Une fois le générique passé cependant, la répétition abusive de cette démarche contribue à une destruction progressive du suspense plutôt que l’inverse, les accélérations de la caméra étant généralement parfaitement injustifiées - sans parler de certaines multiplications de plans, à faire pâlir de jalousie tous les aspirants Michael Bay.
Si le seul problème de Bullets of Love était le côté abusé de son montage tape-à-l’œil, ça ne serait finalement pas si grave ; seulement celui-ci renforce les déséquilibres d’une narration déjà trop décousue. En tentant de s’inscrire dans une démarche de double rythme narratif (action/contemplation), Andrew Lau oublie de choisir son camp. Comme pour rester dans le cadre d’une structure "en bobines", les scènes de vie sont souvent rythmées à la manière de scènes d’action, ce qui ne serait pas un mal en soi si le but du jeu n’était pas justement d’installer un faux climat de bien-être et de calme, pour mieux le perturber sur la fin du film (à la manière de Where a Good Man Goes, Expect the Unexpected ou encore Beast Cops). La cohabitation constante et maladroite des deux approches se fait donc au détriment de chacune ; Andrew Lau trahit trop tôt le fin mot de l’histoire, qui du coup apparaît comme un simple concept, fascinant (bien que très morbide) et sous-exploité.
Reste que Bullets of Love nous permet d’apprécier la présence trop rare de l’actrice japonaise Asaka Seto (croisée lors du dernier Festival du Film Asiatique de Deauville, à l’occasion de la diffusion de A Woman’s Work avec Shinya Tsukamoto) : son visage se serait parfaitement prêté à une véritable définition de son personnage, au potentiel terriblement gâché. Quant à Leon Lai, entre ce film et le coréen Dream of a Warrior, peut-être serait-il temps de se cotiser pour le sortir de la panade, non ?
On saluera tout de même - dans un dernier effort de partialité - l’effort louable quoique non transformé d’un réalisateur en perte de vitesse. Mais la bonne volonté ne suffit pas toujours...
Bullets of Love est disponible en VCD et DVD HK chez Deltamac.
La compression du VCD est dans l’ensemble correcte même si certains travellings sont épouvantables.
La copie est au format et les sous-titres sont dans les bandes noires - ce qui est déjà pas mal !
[1] Dans un ascenceur de l’Arche de la Défense, depuis... Notre Dame !!!!
[2] Ile proche de Victoria Harbour à Hong Kong, accessoirement lieu de naissance de Chow Yun-Fat.



