Concrete
Seventeen Evil Resume.
Adaptation du livre de Jôji Atsumi détaillant les circonstances du meurtre de Junko Furuta [1], Concrete transpose la réalité de ce fait divers épouvantable – 44 jours de torture avant de trouver la mort aux mains de ses quatre tourmenteurs et d’être coulée dans du béton au fond d’un baril - dans une fiction plus englobante, dans le but annoncé de montrer un crime juvénile « naître dans un environnement d’inhumanité » [2] Le réalisateur Hiromu Nakamura se propose donc de suivre Tatsuo, transposition fictive du criminel Jo Kamisaku, depuis ses frasques étudiantes jusqu’à sa condamnation pour le meurtre de la jeune Misaki. Exercice périlleux et décrié à sa sortie, tant la démarche tient de l’exploitation la plus froide.
Point de racolage à la There is a secret in my soup et autres Daughter of Darkness pourtant, le film de Nakamura se veut sérieux, intimiste, claustrophobe. Sans la moindre coloration, le réalisateur nous présente le parcours détestable de l’odieux Tatsuo, depuis ses rixes en salle de classe jusqu’à son intronisation au sein des yakuza, ponctuant les étapes de sa jeune vie par autant de coups portés à sa mère. Près de la moitié de Concrete est ainsi consacrée à ce portrait de déshumanisation. Contrairement à ce qui est annoncé par le distributeur pourtant, l’environnement de Tatsuo n’est pas particulièrement épouvantable. Si inhumanité il y a, elle apparaît ancrée au fond de cet anti-héros, indissociable de sa détestable maturation.
Vols, racketts, viols… l’escalade aboutit à l’enlèvement de la jeune Misaki, par un Tatsuo désormais flanqué de ses propres hommes de mains, membres du gang juvénile des « Dragon God ». Un « simple » viol dérape en appropriation totale ; Misaki est enfermée chez l’un des membres du groupe, abusée de toutes les façons, battue, humiliée. Sans raison. Elle devient pour ces adolescents un simple objet, défouloir quotidien de leurs diverses frustrations et de leur ennui. L’incarnation explicitée de la perte de leur innocence, comme semble le traduire Nakamura au travers du mauvais trip de Tatsuo, tentant désespérement d’attraper des plumes blanches qui restent hors de sa portée. Plus en colère que jamais à l’issue de cette compréhension, Tatsuo rue la « coupable » de coups, comme si oblitérer l’innocente lui rendrait cette candeur qu’il n’a jamais possédée.
Il est difficile d’apprécier un projet du calibre de Concrete. Ses qualités cinématographiques sont régulièrement évidentes – le cadrage est très soigné, et certaines idées visuelles sont très fortes, comme cette scène où Misaki se nourrit de fleurs qui ont servi, quelques temps auparavant, à l’humilier sexuellement – mais c’est justement là que naît le malaise. Beaucoup de Cat III sont regardables car ils sont insolents, vulgaires et mal bouclés. L’extrême est plus facile à appréhender que la violence habillée d’une terne banalité, ainsi que le propose Hiromu Nakamura, à mille lieux des débordements épouvantablement graphiques d’un All Night Long. Le réalisateur fait subir à Miki Komori (Kill Woman) un supplice éprouvant, exprimé en creux et en tuméfaction, au travers de ses silences et du vide qui s’empare rapidement de son regard, seul substrat reconnaissable de son innocence à la fin du film. Malheureusement, le réalisateur offre étrangement, au dernier moment, le luxe de la compréhension et d’apparents regrets à son principal bourreau. Au travers notamment d’une image certes très belle – un oiseau blessé au creux de sa main – mais trop humaine pour qu’on puisse accepter de l’en faire bénéficier, au même titre que ses larmes sans valeur. Une générosité que beaucoup trouveront, à juste titre, mal venue dans le cadre de ce « curriculum de méchanceté », loin d’être mauvais mais impossible à aimer.
Concrete fut un temps disponible en DVD au Japon, sans sous-titres, sous la bannière de son distributeur Benten Entertainement.
[1] Cf. « Concrete-Encased High School Girl Murder Case » sur Wikipedia.
[2] Cf. le site officiel de Benten Entertainement, http://www.benten.org/.




