Dead Ball
Jubei Yakyu s’était pourtant juré de ne plus jamais jouer au baseball... Enfant, il avait tué son père d’un lancer fulgurant, sous le regard de son frère Musashi. Adulte, Jubei, véritable vigilante, est le délinquant le plus recherché du Japon. Arrêté pour avoir tué une cinquantaine de personnes en une semaine, il est incarcéré dans la prison gérée par Frau Ishihara, « salope ségrégationniste nazi » (pour reprendre à peu de choses près les mots du film) qui croît en la réhabilitation par le baseball. Ishihara tente par tous les moyens de convaincre Jubei, qui partage sa cellule avec Megane [1], pleutre puceau binoclard, de rejoindre l’équipe des Pterodactyl Gauntlets. Sur un terrain qui n’aura rien d’un traditionnel diamant, simple prétexte à la notation d’exécutions plus gores les unes que les autres, Jubei et ses coéquipiers criminels finiront par affronter les redoutables psycho-chagasses de la Saint Black Dahlia High School...
Il se peut que la figure de Jubei Yakyu [2] vous rappelle quelque chose, puisque Tak Sakaguchi, alors en pleine effervescence post-Versus, incarnait en 2003 le personnage, issu de l’imagination du mangaka Man Gatarou, dans la première réalisation de Yudai Yamaguchi : Battlefield Stadium. Fort d’une dizaine de films plus ou moins appréciés – dont le culte Meatball Machine – Yamaguchi trouve en 2011 en l’existence du label Sushi Typhoon, prétexte à une nouvelle incursion sur les traces de Jubei, forte (ou faible, c’est selon) d’une excentricité mitigée...
Dead Ball démarre pourtant sous les meilleurs auspices : son réjouissant traumatisme originel, l’arrivée de Jubei en prison en mode Snake Plissken (superbe boucle synthétique à l’appui), la présentation très second degré de Frau Ishihara et une première confrontation complètement absurde (au cours de laquelle Sakaguchi distribue des mandales par téléphone !?!)... Ca sent l’hystérie dense et maîtrisée, et le gimmick de la cigarette – il suffit à Jubei de tendre la main hors champ pour trouver une clope à fumer – parfait l’introduction. Rapidement néanmoins, le gimmick ne fait plus effet, la densité s’efface et laisse entrevoir une totale absence d’histoire et de rigueur : Dead Ball est véritablement sans queue ni tête, n’a qu’un « match » à mettre en scène, et ses excès font finalement pâle figure face à ceux de ses congénères, autrement plus riches – Tokyo Gore Police et Helldriver notamment. Je peux comprendre l’enthousiasme de Yamaguchi à filmer les membres de Saint Black Dahlia High School – notamment cette demoiselle couverte de cicatrices, érotique à souhait – mais même ces dames ne sauraient porter un film à l’ossature si superficielle.
Cela ne veut pas dire que Dead Ball n’est pas sympathique ou que je me sois ennuyé en le regardant - je me suis même bien marré ; néanmoins il expose les faiblesses des caractéristiques marginales de l’entreprise Sushi Typhoon, lorsque celles-ci sont considérées comme un simple cahier des charges open bar. C’est cool, gore et pipi-caca, on y parodie aléatoirement Avatar ou Re-Animator, on y mange du vomi et on se demande ce que la belle Mari Hoshino (Sayonara Midorin-chan) est venue faire ici, mais même les chouettes débordements sanguinolents bricolés par Nishimura, ne suffisent pas à faire passer l’ensemble de l’apéro provocateur au véritable film malade. D’ailleurs, sa conclusion ne se donne pas la peine d’être cohérente, Yamaguchi n’essayant même plus de relier ses exubérances par une narration digne de ce nom... Dead Ball est divertissant, barré et transgressif - jusqu’au coude même, le temps de brutales fouilles anales signées Frau Ishihara, qui fait pour ainsi dire ses courses dans les intestins de ses nouveaux prisonniers - mais jamais vraiment subversif ; et il ne transcende jamais, comble du film de baseball, son pitch initial. N’est pas Yoshihiro Nishimura qui veut !
Dead Ball est disponible partout, y compris en France (en DVD et Blu-ray chez Elephant Films), c’est dire !





