Frailty
Bill Paxton... Acteur fétiche de James Cameron (Terminator - 1984, Aliens - 1986, True Lies - 1994, Titanic - 1997 ; mais aussi le magnifique Near Dark de sa future femme, Kathryn Bigelow, en 1987), capable de jouer tous les rôles du bon gars au salaud de luxe en raison d’un visage relativement "commun" (un peu comme William "TJ Hooker" Shatner). Le grand public retiendra certainement ses prestations dans Twister (Jan De Bont - 1996), Appolo 13 (Ron Howard - 1995) ou encore Vertical Limit (Martin Campbell - 2000). On lui préfèrera pourtant ses rôles dans The Last Supper (Stacy Title - 1995), Aliens et A Simple Plan (Sam Raimi - 1998), qui à eux seuls résument l’étendue de son talent. Une bonne gueule aussi à l’aise dans le blockbuster que dans la série B de luxe, Bill Paxton est l’un de ces acteurs sans histoires que l’on aime à retrouver régulièrement, un "guy next door" comme il en existe finalement beaucoup à Hollywood. A moins que...
A moins que cet homme soit complètement fou.
Né à Fort Worth, Texas (vous verrez c’est peut-être important pour la suite de cet article) en 1955, Bill décide donc de passer derrière la caméra à l’âge de 46 ans. Le choix d’un homme mur, conscient des possibilités de son métier. Un choix qui, pour un acteur, relève forcément d’une volonté significative d’expression. Ce choix se porte sur le scénario d’un jeune auteur débutant, Brent Hanley (à peine 30 ans), intitulé Frailty.
Le générique de Frailty nous expose, coupures de presse aidant, les agissements d’un tueur en série qui s’est affublé du sobriquet de God’s Hand (la main de dieu). Nous nous retrouvons ensuite en compagnie de l’agent Wesley Doyle (Powers Boothe, respect eternel) dans un bâtiment du FBI. Son assistant lui annonce qu’un certain Fenton Meiks l’attend dans son bureau. Pour quelle raison ? L’agent n’en a aucune idée, l’homme a déclaré qu’il ne voulait parler qu’à Doyle. En fait, Fenton Meiks tape fort, puisqu’il prétend connaître l’identité du tueur en série recherché : nul autre que son propre frère Adam. Sceptique, Doyle passe un coup de fil au Sheriff de la ville du Texas dont Meiks est originaire ; il se fait confirmer l’identité de son visiteur et apprend que ce dernier a dérobé une ambulance avec le corps de son frère pour se rendre jusque dans son bureau. Il reste donc à Fenton à s’expliquer, et surtout à convaincre Doyle de la véracité de son histoire... Et quelle histoire ! Meiks remonte une vingtaine d’années dans le passé, à une époque où son frère Adam et lui vivaient encore avec leur père (Bill Paxton). Leur mère étant décédée en lui donnant la vie, la maisonnée Meiks est donc exclusivement masculine. Fenton se souvient de cette période de sa vie comme d’une période heureuse, pendant laquelle le trio était autosuffisant. Ou tout au moins jusqu’au jour où son père les réveille, lui et son frère, en plein milieu de la nuit, pour leur faire part de leur mission sur Terre.
Papa Meiks déclare que le Seigneur lui serait apparu pour lui confier une mission : détruire les démons qui vivent au sein des hommes. Pour cela, il devrait recevoir trois armes, et surtout une liste de noms - autant de démons à éliminer. Ses enfants se doivent de plus de l’assister dans cette lourde tache. Les visions continuent et équipent l’homme investi d’une hache, d’une barre de fer... et la première liste lui est envoyée alors qu’il est en plein travail sous le chassis d’une voiture. Si le tout jeune Adam croit en la mission de son père, Fenton est persuadé que celui-ci est devenu fou, et qu’il est sur le point de devenir un meurtrier. Effectivement, le père ne tarde pas à ramener son premier "démon", qu’il élimine sous les yeux de ses deux enfants...
Sous couvert de "téléfilm", Frailty est en vérité un film d’horreur osé, courageux, fou - et par là-même difficilement défendable. Bill Paxton maquille l’intégrisme forcené de son propos sous une réalisation relativement classique, à la limite de la platitude, pour donner à l’ensemble un côté anodin. Et c’est justement cette approche anodine qui donne à Frailty ses galons de film barge, en en faisant une déclaration de guerre ouverte sur le vice, absolument assumée. Sans vous révéler le mot de la fin, le secret de Frailty réside dans le fait que Bill Paxton justifie et légitime parfaitement le comportement "ange vengeur" de ses personnages, les transformant en inquisiteurs armés des temps modernes. Faucheuses incarnés, Papa Meiks et ses fils ont leur lot de secrets (que je ne vous révèlerais pas ici), mais toujours est-il qu’il y a réellement des démons parmi nous, et qu’ils ont reçu l’autorisation de les éliminer.
C’est à contrecoup que l’on percute, en tant que spectateur, sur l’affront que peut représenter de nos jours - surtout aux USA - une entreprise comme Frailty. Fiction, ou alors traduction d’une idéologie forcenée qui illustre d’une certaine façon cette phrase empreintée à l’incroyable Irreversible de Gaspar Noé : "La vengeance, c’est la liberté de l’homme" ? Bill Paxton, incarnation de l’âme Texane extrême ? Difficile de trancher. C’est pourquoi, bien que Frailty soit un très bon film, il est difficile d’en défendre la démarche avec la conscience tranquille... Ce qui est certain, c’est que Bill Paxton est complètement et merveilleusement fou !
Frailty est encore présent sur vos écrans... alors faites le déplacement pour vous faire votre propre opinion !



