G.I. Joe : The Rise of Cobra
Boom boom pow, yo Joe !
Je savais bien que je l’avais gardé. Alors que le générique de G.I. Joe vient à peine de se terminer, et que j’ai été ravi d’y retrouver le nom d’un ami parmi l’une des équipes de compositing [1], je monte les escaliers de mon humble demeure pour rejoindre le grenier où s’entasse une vie de consommateur. Si j’ai été obligé de me séparer au fil des années, de certains jouets comme le Pogo Assault Pod de Cobra – mais je me suis accroché au Skystriker -, je retrouve sans peine ce vestige de mon enfance. Un peu jauni, certes, mais tout de même : le G.I. Joe Order of Battle Official Handbook #4 de Mai 1987, et ses 31 pages de caractéristiques techniques des véhicules et vaisseaux de la série, parmi lesquels le Nightraven et autres submersibles Sharc présents dans l’adaptation de Stephen Sommers.
Pour autant que je m’en souvienne, G.I. Joe a toujours été affaire de technologie. Ce Rise of Cobra ne déroge pas à la règle et fait de la technologie son personnage principal, reléguant l’humain en arrière plan puisque, même au sein de ses multiples antagonismes, personnels et non nationalistes, c’est l’emprise de la technologie qui tire les ficelles. Pas question de laisser le camp des gentils l’emporter sur celui des méchants en terme de présence à l’écran : la narration-spectacle s’intéresse en priorité à celui qui possède la technologie la plus avancée, le gadget le plus cool, ou, au pire, du look le plus efficace. « That digital spit, Next level visual shit, [...] I’m on that HD flat » entonnent les Black Eyed Peas à la fin du métrage. Hi-Fi Joe.
Dans cette histoire qui conte l’avènement de Cobra, et reprend certaines figures de l’univers original de Hasbro, comme Mindbender et autre Storm Shadow, la technologie menace simplement de détrôner l’humain. Un vil marchand d’armes du nom de McCullen, héritier d’une longue lignée de pourvoyeurs de toutes les factions en opposition, souhaite se servir des Nanomites, créatures synthétiques indestructibles qui dévorent le métal sans restreinte, pour conquérir la planète. Son armée se compose certes de ninja et autres experts des armes à feu, mais surtout d’hommes grignotés par les parasites high-tech, insensibles à la peur et la douleur, et manipulables à souhait. Une affaire pour les Joes, l’élite des soldats du monde entier, qui vont passer leur temps à tenter de rattraper ce savant fou de notre futur proche, contribuer à détruire Paris alors que la Tour Eiffel s’effondre (très jouissive séquence à la géographie libre), et livrer combat sous les eaux glaciales du Pôle Nord.
Une seconde... des soldats du monde entier ? « G.I. Joe is the codename for American’s daring, highly trained special mission force.[...] G.I. Joe - A real American hero ». A mon époque, G.I. Joe représentait la toute puissance de feu américaine, un univers ultra-patriotique qui aurait certainement conservé sa fibre nationaliste dans les mains d’un autre entertainer haute définition – Michael Bay à tout hasard. Stephen Sommers lui, fidèle à sa filmographie, et même à Brendan Fraser le temps d’un cameo, vise véritablement le grand public, et retire à son film toute notion de nationalité ; ou, plutôt, les multiplie. Les Joes viennent de Corée, du Maroc, d’Afrique et, en dernière instance, des USA, sous les traits des nouvelles recrues, Duke et Ripcord. D’ailleurs, c’est finalement l’Amérique qui s’affronte elle-même dans le film, avec l’aide de nations extérieures, dans une neutralité globale certes utopique, mais très rafraichissante. Alors que tant d’autres auraient vanté la capacité d’ingérence de l’US Army, Sommers renie le patriotisme au point de baptiser l’armée de Duke « son » armée, sans couleur ni drapeau revendiqué. The Rise of Cobra ratisse tellement large, qu’il réunit à l’écran Christopher Eccleston et Marlon Wayans, fait même de Sienna Miller une blonde et une brune en une seule femme.
Rise of Cobra joue la neutralité au point de faire de chacun de ses protagoniste un héros, sans qu’aucun prenne le dessus sur l’autre. Au risque aussi, de n’en affirmer finalement aucun sous leurs armures bioniques, mais qu’importe : deux heures durant, ce spectacle massif et un peu lisse est d’une salubrité incroyable, sans grossièreté ni cruauté, entièrement rythmé par une inventivité visuelle qui préfère le foisonnement imparfait, comme tous les films de Sommers, à la minutie perfectionniste. C’est dénué de logique et d’enjeu durable, mais c’est agréable sans être jamais insultant. The Rise of Cobra est simplet, d’accord, mais il véhicule un cinéma global, qui ne méprise personne et ne pense qu’à divertir avec une force de destruction considérable, pas mal d’eye candy (merci Rachel Nichols) et un simple filigrane de critique intérieure. G.I. Joe : The Rise of Cobra, s’il ne fera jamais l’objet d’études universitaires, est d’une honnêteté telle qu’il parvient à incarner ce rêve américain qui s’étiole toujours plus : celui d’un héroïsme dont on peut tous, quelque soit notre nationalité, notre race ou notre QI, se réclamer le temps d’un divertissement aussi désuet que pointu. Du vrai héros américain à l’authentique blockbuster global : ça ne changera pas la face du monde, mais ce n’est pas si mal.
G.I. Joe : The Rise of Cobra est disponible en DVD et Blu-Ray, chez Paramount Home Entertainment France. Copie magnifique, quelques suppléments forcément orientés sur les effets spéciaux, et ce gimmick moderne de l’éditeur, d’une interactivité pseudo-holographique à partir de la webcam de votre ordinateur ; une édition en phase avec l’objet qu’elle véhicule.
Remerciements à Marion Lagarde et Way to Blue.
[1] Heads up, el Bichon !




