Haemoo
De bonnes fées se sont penchées sur le berceau de Haemoo, première réalisation de Shim Sung-ho, scénariste de Memories of Murder, dont le réalisateur Bong Joon-ho est ici co-scénariste et producteur.
Cheol-joo est le capitaine d’un bateau de pêche, dont la vétusté l’oblige à interrompre par anticipation une campagne de pêche. Son armateur souhaiterait le mettre à la casse pour toucher la généreuse somme offerte par le gouvernement pour réduire les surcapacités de production de l’industrie de la pêche. Cheol-joo ne l’entend pas ainsi et souhaite racheter le rafiot. Nous sommes en 1998, en pleine crise asiatique, et le capitaine ne voit d’autre solution pour gagner beaucoup d’argent que d’utiliser son navire pour faire de la contrebande. Le passeur de la ville lui propose de transborder des passagers clandestins sino-coréens dans les eaux internationales avec pour charge de les débarquer en Corée. Leur arrivée à bord va créer des tensions entre eux et les membres de l’équipage, mais aussi entre les pêcheurs jusqu’à ce que la situation échappe à tout contrôle...
Sans doute trop gâté par les studios hollywoodiens prolixes en effets spéciaux, les scènes de mer m’ont laissé un peu sur ma faim. Certains cadrages serrés semblent avoir pour unique but d’éviter d’avoir à réaliser un trucage. Cela étant dit, Haemoo est particulièrement bien filmé, Shim Sung-ho ayant fait appel pour l’image au collaborateur de Bong Joon-ho pour Snowpiercer et Mother, Hong Kyung-pyo. Grâce à un sens aigu du cadrage, il fait très bien ressentir la promiscuité de la vie dans un bateau, et filme certaines scènes en utilisant des angles très orignaux.
A défaut d’effets spéciaux bluffant, l’ancien scénariste sait créer des trajectoires de personnages et ce sont elles qui emportent le morceau dans Haemoo. Ses personnages ne sont pas complexes, mais leurs comportements, qui semblent anodins et même parfois risibles à nos yeux au début du film, ne le sont plus lorsqu’ils sont poussés à des extrêmes par des circonstances exceptionnelles. Il n’est alors plus question de rires dans la salle.
Shim Sung-ho ancre les premières minutes de son film dans la réalité, en montrant la vie commune dans le bateau, et maintient Haemoo dans un registre naturaliste, si ce n’est dans la partie finale où le vernis de la civilisation disparait. Son but est de montrer que les hommes d’équipages sont des être humains tout à fait normaux, comme vous et moi, malgré les actes qu’ils vont commettre.
Maître à bord après dieu (il abuse même ici de ses prérogatives), le capitaine prêt à tout pour conserver son bateau est joué par Kim Yoon-suk. L’acteur, que les spectateurs français ont déjà pu voir dans The Chaser et The Murderer, fait preuve une nouvelle fois d’une belle intensité de jeu en interprétant ce personnage se transformant en sociopathe. Le second protagoniste principal et représentant plus digne de la race humaine, Dong-sik, est moins bien servi en étant interprété par un chanteur de K-pop plutôt fadasse. Il partage heureusement souvent l’écran avec Hong-mae, la jeune immigrante, dont il s’est épris. L’actrice Han Ye-ri est plus à même de transmettre les émotions de cette jeune femme, de la crainte à la gratitude en allant jusqu’à la terreur. Le réalisateur évite la plupart des écueils de leur relation, si ce n’est un coda inutile.
Haemoo était le film d’ouverture de l’édition 2014 du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP).
Remerciement à l’équipe du festival, notamment à Marion Delmas.






