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Japon

Hinokio

aka Hinokio : Inter Galactic Love | Japon | 2005 | Un film de Takahiko Akiyama | Avec Mikako Tabe, Kanata Hongô, Masatoshi Nakamura, Ryo Kato, Yuta Murakami, Ryoko Kobayashi, Mieko Harada, Sachie Hara

"Où est le vrai toi en ce moment ?"

L’image d’un monde dévasté, en proie à la tourmente... Une représentation certainement fidèle du chamboulement vécu par le jeune Satoru Iwamoto, lorsque sa mère décède des suites d’un accident de voiture. Incapable de se mouvoir, Satoru hérite d’une interface nouvelle avec le monde : un robot fait de titane, de plastique et de bois Hinoki (une variété japonaise de cyprès), ce qui lui vaut lorsqu’il pénètre pour la première fois dans une salle de classe, le surnom de Hinokio. La jeune Jun Kudo voit d’un drôle d’œil l’arrivée de ce nouvel élève par proxy ; flanquée de ses deux acolytes perturbateurs, Kenta et Jouichi, elle mène dans un premier temps la vie dure à l’intermédiaire technologique. Il n’y a guère que Sumire, la chef de classe, qui prenne sa défense. Pourtant lorsque Satoru/Hinokio se voit offert par cette dernière, la possibilité de dénoncer les exactions de ses camarades, il n’en fait rien. L’attitude de Jun à son égard change alors, et les deux deviennent rapidement amis. Car il s’avère que ces enfants ont quelque chose en commun : la perte d’un parent. Dans le cas de Jun, il s’agit de son père qu’elle n’appréciait guère, bien qu’elle ne se souvienne plus pourquoi. Satoru lui, sait pourquoi il déteste le sien : il le tient pour responsable de la mort de sa mère, dont la disparition lui a ôté tout désir de vivre et communiquer, plongeant dans un monde virtuel quand il n’approche pas le réel par le biais de son interface privilégiée. Ce monde virtuel est celui de Purgatory, jeu online dissimulé au sein de Cybercity et auquel on accède en acceptant de mourir de façon vidéoludique. Un jeu étrange, limitrophe, qui semble interagir avec le monde réel, et qui agit tel une drogue sur les plus jeunes, comme le démontre l’absence de plus en plus fréquente de Kenta en classe. Pour Satoru, difficile de faire la part des choses dans ce monde de distance et d’apparences, puisqu’il n’avait même pas réalisé au départ, en raison de son physique androgyne et de son comportement de garçon manqué, que Jun était une fille, lui préférant la plus évidente Eriko Akishima...

Un robot résolument moderne, pourtant fait de matériaux aussi distincts que le titane et le bois : Hinokio le film, est une œuvre à l’image de son insolite protagoniste, complexe et faite de sentiments variés, tendre et dure à la fois. Car en dépit de son caractère infantil apparent, le film de Takahiko Akiyama est un film résolument adulte, qui parvient à traiter de sujets aussi divers et pour certains difficiles que l’amitié, la jalousie, l’isolement, la disparition, la culpabilité, l’abus et le suicide, sous l’enveloppe pertinente d’un essai sur la notion d’avatar.

L’introduction dans le film de l’élément fantastique ne se fait pas au travers du robot comme on aurait pu l’imaginer en découvrant les visuels promotionnels du film. Hinokio n’est pas un être exceptionnel a priori, car il ne nous est pas présenté comme tel. Le comportement des enfants à son égard renforce l’atténuation de notre surprise, puisque dans leurs railleries, Jun et ses compères traitent Satoru/Hinokio comme n’importe quel nouveau venu, dans toutes les écoles du monde. Le véritable élément fantastique de Hinokio est donc ailleurs, dans ce jeu, Purgatory (« Rengoku ») qui reste longtemps en toile de fond avant de repasser au premier plan, dans la dernière partie de l’histoire. Jeu viral, élément récurrent du cinéma japonais contemporain dans sa notion d’incitation insidieuse à l’oubli - voire la destruction - de soi, Purgatory fait écho à la situation vécue par Satoru, qui a choisi de vivre au travers d’un avatar similaire à celui des jeux en ligne. Hinokio lui permet en effet de découvrir un nouveau monde - une école qu’il ne connaît pas, ses élèves, mais aussi les rues qu’il ne peut plus, pour le moment, arpenter - sans le ressentir physiquement. Une situation normale dans un jeu, triste dans la vie, qui sera bouleversée par l’installation à l’insu de son père, développeur de Hinokio qu’il désigne sous le nom de 603, d’un programme bêta de retour de force, visant à faire ressentir à celui qui commande un robot tout ce que celui-ci vit. Comme le contact de Jun, qui perce peu à peu la carapace de Satoru... L’avatar gagne alors en réalité ; mais le garçon pour sa part, continue de s’aliéner, acceptant désormais de ressentir à distance, refusant de rencontrer Jun « en vrai ».

Dans le rôle de Jun, la jeune Mikako Tabe est absolument fantastique (sa prestation lui a d’ailleurs valu en 2006, le Blue Ribbon Award de la meilleure nouvelle actrice). Cette adolescente, que nous avons pu retrouver il y a peu au générique de Route 225, possède une conscience de jeu remarquable, autant qu’une conscience physique qui a certainement participé à son choix lors du casting, tant elle incarne l’androgynie charmante à la perfection. La création de son personnage passe autant par le dialogue que par l’attitude, et participe à la réalité de sa relation avec l’entité Hinokio, merveille de maîtrise technologique. Dans son design déjà, Hinokio est étonnant : il est épuré et élancé, et la variété de ses matériaux, la maladresse de ses déplacements lui confèrent une humanité très particulière, délicate, en dépit de son inexpressivité faciale. Cette délicatesse, c’est aussi celle de la mise en scène de Takahiko Akiyama, qui filme cette interface Homme-Homme (et non pas Homme-Machine) avec pudeur et intelligence. La scène où le robot, seul, rentre chez lui pour se recharger est à la fois triste et très belle, tout comme celle du pique-nique, au cours de laquelle Hinokio est relié à un petit générateur pour profiter d’une meilleure autonomie. Satoru enfin, est incarné avec justesse par Kanata Hongô, tour à tour effrayant, dans son humanité pessimiste, trop adulte, et émouvant, dans son portrait d’un enfant, confronté à la naissance de l’attraction pour l’autre.

La véritable réussite de Hinokio ne réside donc pas dans ses prouesses technologiques, mais bien dans ses derniers instants, qui parviennent à donner une cohérence fantastique et une justification narrative à son background sur les personnalités plurielles, empruntées, intermédiaires. La peur de la distanciation laisse alors la place à une foi étonnante en l’amitié et en l’amour naissant, et Hinokio se permet d’être optimiste en dépit de la gravité extrême du parcours effectué jusque-là. Car si la rencontre physique n’a jamais vraiment eu lieu entre les deux enfants, la rencontre des âmes elle, reste bien réelle. Elle ouvre la porte à des retrouvailles potentielles et émues, le jour où Jun sera devenue, et ce au premier coup d’œil, une femme, force de vie à même de vaincre n’importe quel avatar pour révéler un être véritable.

Hinokio

Hinokio est disponible en DVD japonais sous-titré anglais chez Shochiku Home Video (l’édition d’origine n’existe plus, mais le titre a été réédité en version « budget »), mais aussi en DVD HK chez Asia Video ou encore en Corée chez Widemedia Korea, eux aussi sous-titrés.

- Article paru le mercredi 25 avril 2007

signé Akatomy

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