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Japon

Hiruko the Goblin

aka 妖怪ハンター ヒルコ - Yōkai hantā : Hiruko | Japon | 1990 | Un film de Shinya Tsukamoto | Avec Kenji Sawada , Masaki Kudô , Hideo Murota, Naoto Takenaka , Megumi Ueno 

Mis à l’index à cause de son obsession pour les yôkai et autres mythes, l’archeologue Reijiro Hieda (Kenji Sawada) reçoit une lettre de son beau-frère, Takashi Yabe (Naoto Takenaka), professeur dans un lycée de campagne. Ce dernier lui demande de le rejoindre pour enquêter sur une trouvaille qui pourrait redorer son blason : un mystérieux tombeau sous son établissement, dont Yabe est certain qu’il a été érigé pour enfermer un esprit maléfique. Mais Yabe ne résiste pas à la tentation d’explorer lui-même le vestige, et, rejoint bien malgré lui par une élève passionnée d’archéologie, Reiko Tsukishima (Megumi Ueno), tous deux disparaissent mystérieusement...
Lorsque Hieda arrive sur place, au grand dam de sa belle-famille qui lui reproche le décès de leur fille, il se retrouve à faire équipe avec Masao (Masaki Kudô), son neveu, et ne tarde pas à découvrir des cadavres décapités – dont celui de Reiko - dont les têtes génèrent d’affreuses araignées qui affolent l’équipement singulier de chasseur de yôkai de Hieda.

Second film de Tsukamoto après Tetsuo, Hiruko the Goblin a toujours bénéficié d’un statut à part dans l’oeuvre du réalisateur : il s’agit d’un film de studio, plus ou moins de commande (car la Shochiku lui a en effet laissé une immense liberté en dépit de lui avoir proposé l’adaptation des œuvres du mangaka Daijirô Morohoshi), avec un budget et une équipe sensiblement plus conséquents que ceux de ses autres productions. Et surtout, il ne s’agit pas d’un film urbain, environnement qui a longtemps façonné le travail de Tsukamoto. Plus lumineux, plus léger, Hiruko the Goblin lorgne du côté des films de fantômes traditionnels, de l’héritage de Nobuo Nakagawa et autres Kwaïdan, et non de celui de la mouvance cyberpunk. Dans la première décennie du réalisateur – jusqu’à son Gemini, donc – Hiruko the Goblin détonne.

Pourtant, si la campagne y remplace la ville, et la tradition la modernité, Tsukamoto reste fidèle à des protagonistes dont les corps sont transformés sous la pression de contraintes socio-culturelles. Ici, le folklore japonais s’approprie le dos du jeune Masao (qui s’orne des visage de chaque nouvelle victime de Hiruko), travestit l’innocence de la jeune Reiko, et pèse plus largement sur ceux qui y consacrent leur vie. Ce sont ici les mythes et les traditions, et non le métal et la ville, qui transforment et s’incarnent. Pour autant, l’équipement bricolé par Hieda pour traquer le surnaturel pourrait parfaitement avoir été bricolé à partir de morceaux prélevés sur le corps monstrueux de l’ “homme” de Tetsuo.

Visuellement aussi, même au milieu de cette verdure et d’une lumière qui lui permet de retrouver l’ombre que la ville ne lui offre plus [1], Tsukamoto reste lui-même : ses personnages apparaissent toujours derrière les brumes de chaleur qui matérialisent le basculement propre à son cinéma, sa caméra est souvent asservie à leurs déplacements. Ce dernier point est d’ailleurs le pont qui nous permet de rejoindre Sam Raimi et les deux premiers Evil Dead, qui ne sont jamais loin de cette adaptation du manga Yokai Hunter de Daijirô Morohoshi. Le Kojiki – recueil ancestral des mythes fondateurs japonais - tient lieu de Necronomicon, le héros brandit une tronçonneuse, le démon éponyme évolue en vue subjective et se déplace parfois en stop motion, les créatures maléfiques aiment la musique et l’humour côtoie l’horreur grand guignol et quelques geysers de sang. Autant de choses qui font de Hiruko the Goblin un film réjouissant, ancré dans une époque mais pour autant aucunement vieillot, et, comme tous les Tsukamoto, une réussite !

Merci à Carlotta Films pour l’édition française de la restauration 2K de Hiruko the Goblin, disponible en Blu-ray (et DVD via Mad Movies). La copie est magnifique, et les suppléments, bien qu’assez courts, restent intéressants, notamment grâce à la pertinence toujours concise de Shinya Tsukamoto. On y découvre notamment que même s’il cède à la facilité d’avouer un hommage à la créature de The Thing de John Carpenter, il avait imaginé l’araignée à tête humaine avant l’existence du film.
En guise de complètement de lecture, je vous renvoie à l’excellent article de Kuro de 2003.

[1Cf les suppléments de l’édition proposée par Carlotta Films.

- Article paru le mercredi 17 avril 2024

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