Hysteric
Road-movie initiatique destructeur...
Mami, jeune femme dont la vie est synonyme de monotonie, travaille dans une usine et prend des cours du soir... Un soir, alors qu’elle s’abrite de la pluie sous un pont, elle fait la rencontre d’un jeune homme, Tomoaki. Ils vont prendre un café. Tomoaki la fait rire... mais ses propos contiennent une certaine hostilité à l’égard de la société. Ils deviennent amants. Obsédé par la mort, le jeune homme va peu à peu entraîner Mami dans son univers de violence. Désoeuvrés... Les petits délits vont se succéder jusqu’à ce que les évènements les dépassent, et qu’ils commettent l’irréparable...
Parmi les nombreux films réalisés par Takahisa Zeze [1], Hysteric est certainement le plus "connu" du grand public nippon, voir même le seul à posséder une véritable reconnaissance internationale. Pourtant je dois bien avouer qu’il ne m’a pas réellement convaincu...
Au premier abord, Hysteric puise ses sources chez les plus grands, de Nagisa Oshima (Seishun Zankoku Monogatari - Conte Cruel de la Jeunesse /1960) à Terrence Malick (Badlands - La Ballade Sauvage /1973). La sexualité exacerbée du jeune couple, le goût inconsidéré d’un certain risque, les crimes commis sans réelle conscience de l’acte... bref autant de thèmes récurrents d’un certain cinéma dit de la jeunesse, clairement dénonciateur d’une société qui a fait d’eux ce qu’ils sont devenus. Au niveau de la structure du film en elle-même, il apparaît flagrant que Zeze a vu le chef-d’œuvre de Malick. Il en restitue la construction narrative grâce à l’apport de la voix off féminine, qui paraît légèrement détachée des évènement... Mais au-delà des référence qu’il peut avoir, Hysteric est un film à part entière, qui possède une vie filmique ; je stopperai donc ici tout comparaison futile.
Hysteric est présenté un peu partout comme un road-movie, qui comme son nom l’indique est un film qui se passe sur les routes, dans lequel - la plupart du temps - les protagonistes voyagent. Alors pour s’en tenir aux termes corrects, je dirai plus volontiers du film de Zeze qu’il s’agit d’un run-and-stop-movie... ou d’un road-movie statique. Lorsque l’on parle de road-movie, l’immobilité laisse présager un voyage intérieur qui fera progresser les personnages, si ce n’est physiquement, au moins mentalement, jusqu’à arriver à une sorte de leçon tirée des évènements, voir même à une certaine évolution de leur caractère. C’est le cas dans Hysteric. Mais jusqu’à un certain point...
Tomoaki est attiré par la mort... du moins le croit-il. Sa morne vie lui donne l’impression que la mort est une fin en soi, et qu’il y trouvera, paradoxalement, le sens de sa vie sur Terre. Un style de vie irréfléchi et brutal, en même temps qu’un engrenage dans la violence facile et gratuite s’offre à lui. Mami, quant à elle, subit... mais ne désapprouve par vraiment le comportement de son compagnon. Elle semble être attirée par cette sorte de souffrance psychologique... voir masochiste. Aime-t-elle vraiment Tomoaki ? Difficile de répondre simplement à cette question... Oui, dans le sens où tout ce qu’elle fait lui est dicté par amour. Non, car elle tente à plusieurs reprises de s’échapper de cette vie qu’elle endure, de manière plus ou moins consentante...
Le film de Takahisa Zeze n’est pas dénué d’intérêt, bien loin de moi cette idée...non. Le problème, selon moi, vient du couple en vadrouille. La cause de Tomoaki et Mami n’est pas défendable à mes yeux. Pourquoi ? C’est simple, ils ne m’apparaissent pas sympathiques. Cela peut paraître réducteur et simpliste aux yeux d’analystes, je vous le concède... Peu importe la manière dont chaque spectateur perçoit le cinéma, chacun y trouve des sensations différentes, et là n’est pas le problème... Des héros au premier abord "non-sympathiques", peuvent le devenir aux yeux du public. Pour ma part (et pour prendre un exemple concret et parlant), les deux héroïnes de Baise-Moi (Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi /2000), Nadine et Manu, peuvent sembler à certains exaspérantes, voir détestables... à mes yeux pas du tout... le capital sympathie (mention spéciale à Raffaëlla Anderson) que j’éprouve à leur égard n’est à aucun moment entamé... bref, là n’est pas le sujet principal de ces deux films (qui ont pas mal de points communs). Le cinéma pour moi est avant tout un ressenti, et je suis conscient que l’état d’esprit dans lequel on aborde un film fait beaucoup dans notre jugement final... Faire un film est difficile. Les critiques devraient se le rappeler plus souvent. L’écriture - et la parole - sont des armes capables de détruire une œuvre en quelques mots...
Takahisa Zeze choisit (intelligemment) deux jeunes acteurs peu connus du grand public pour interpréter le couple (auto)destructeur. Hijiri Kojima et Kouji Chihara. On a pu voir la jeune femme dans Atsumono (Shunsaku Ikehata /1999), Swing Man (Tetsu Maeda /2000) ou encore Akai Hashi no Shita no Nurui Mizu (De l’Eau Tiède sous un Pont Rouge - Shohei Imamura /2001). Quant à Chihara, il s’est fait remarqué dans PornoStar (Poruno Sutâ - 1998) de Toshiyaki Toyoda, avant de le retrouver dans Unchain (dans le lequel il est le narrateur) en 2000. Il retrouvera Takahisa Zeze un an après Hysteric, dans l’ultra sympathique Rush !. Si les deux jeunes acteurs ne possèdent pour le moment qu’une reconnaissance minime, on ne peut pas en dire autant du reste du cast ; du génial Shingo Tsurumi (Tonda Couple, Gonin 2, Samehada Otoko to Momojiri Onna...) à Susumu Terajima (Sonatine, Distance, Koufuku no Kane), en passant par Kimiko Yo (Nûdo no Yoru, Gekka no Ran), Hiroshi Abe (Crazy Lips, Platonic Sex) et Jun Murakami (I am an SM Writer, Red Shadow - Akakage, Travail), c’est à un festival de visages connus que nous avons droit tout au long du film.
Le sentiment que j’ai pu éprouver à la vision d’Hysteric - film non dénué d’une certaine poésie -, assez mitigé, ne doit en aucun cas être pris au pied de la lettre. D’un côté, la mise en scène de Zeze possède de nombreux points intéressants qui méritent de retenir l’attention (plus particulièrement sa structure temporelle éclatée au départ, pour finalement se retrouver "en place" sans que le spectateur ne soit à aucun moment dans le vague)... d’un autre côté, ses héros sont un peu trop "déshumanisés"... Même si un soubresaut scénaristique apporte un élément plus qu’intéressant dans le dernier quart du film, Tomoaki retombe dans une sorte de violence verbale, physique et psychologique qui empêche - selon moi - toute "rédemption" à son personnage... M’est avis qu’Hysteric est un film qui ne peut que partager les spectateurs. Chef-d’œuvre de noirceur poétique, ou pétard mouillé trop désabusé, à vous de voir... et d’en décider.
DVD (pas vu) | Legend Pictures | NTSC | Zone 2 | Format : 1:1:85 - 4/3 | Son : Stéréo | Ce DVD ne comporte pas le moindre sous-titre.
[1] Cf. articles Rush !, Kokkuri san et Dog Star.