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Corée du Sud | Rencontres

Im Sang-soo

"Ma mère détestait le métier de critique de cinéma. Elle m’a dit : « Tu veux travailler dans le milieu du cinéma ? D’accord, mais ne devient jamais critique »."

Pour cette deuxième rencontre de Sancho avec Im Sang-soo, pas d’interview dans le couloir des toilettes, mais dans un palace situé au coeur d’un des quartiers les plus sélects de Paris. Le réalisateur coréen nous ravit avec ses films et le rencontrer est toujours un plaisir. Nous avons profité de cette occasion pour revenir sur l’origine de sa carrière, son dernier film distribué en France, The President’s Last Bang, mais également sur celui qu’il vient de terminer, Le Vieux Jardin [1], qui qui a été acheté pour l’Hexagone.

Sancho : Vous avez été étudiant en sociologie et votre père était critique de cinéma, qu’est ce qui vous a poussé vers la réalisation ?

Im Sang-soo : Ma mère détestait le métier de critique de cinéma. Elle m’a dit : « Tu veux travailler dans le milieu du cinéma ? D’accord, mais ne devient jamais critique ». Voilà pourquoi je suis devenu réalisateur. (rires) En réalité, avant le début de ma carrière, j’ai fait le nègre pour mon père et on partageait cinquante/cinquante.

Finalement, je vois une filiation entre votre cursus de sociologie et vos films, où d’une certaine manière vous étudiez la société coréenne.

J’ai parlé à un doctorant français dans cette discipline et je lui ai dit qu’il étudiait la sociologie, alors que moi j’en faisais dans mes films, ce qui est plus intéressant.

En quoi cela influence votre approche des personnages et des histoires ?

En fait, je ne sais pas vraiment ce que la sociologie veut dire car je n’ai pas beaucoup étudié à cette époque. Mais j’ai appris que les tous les objets étaient reliés à leur environnement et donc que les individus étaient liés à la société. L’être humain ne peut pas être dissocié du contexte historique et social.

En sociologie, on étudie les personnes mais on ne les juge pas. Utilisez-vous la même approche dans vos films ? Vous montrez comment ils vivent, mais vous ne les jugez pas.

C’est vrai, c’est pourquoi je dépeins leur façon de vivre et où ils habitent. Je laisse ensuite au spectateur le soin de juger.

Comment le public coréen a réagi à The President’s Last Bang qui traite d’un sujet très sensible ?

Les réactions ont été très différentes selon l’orientation politique et les générations. Parmi l’ancienne génération, certaines personnes, qui ont souffert de Park Chung-hee et le détestent, ont trouvé que j’avais embelli la réalité. Ils étaient donc furieux. A l’opposé, ceux qui le considèrent comme un héros ne comprennent pas qu’un jeune écervelé ait pu faire un film le critiquant. Parmi la jeune génération, certains n’ont pas compris pourquoi j’avais choisi un tel sujet et pourquoi ces personnages se comportaient comme cela à l’époque. Enfin, d’autres se demandent pourquoi tout le monde s’excite à ce propos. Ils n’ont pas connu cette époque et ces événements ne les touchent pas. Bien sûr, quand j’ai tourné ce film j’espérais que les gens allaient réfléchir à nouveau à leur position.

Le cinéma grand public coréen a tendance à mélanger faits historiques et divertissement, comme Silmido ? Est-ce difficile de faire des films comme le votre ?

President’s Last Bang avait été mis en couverture d’un magazine de cinéma très connu en Corée, qui avait titré : "Le film qui fait l’effet d’une bombe". CJ Entertainment, qui est une importante société de cinéma avait investi dans le film et devait le distribuer. Elle a finalement jeté l’éponge après l’avoir vu...

Y a-t-il une chance que le film sorte un jour avec les scènes censurées [2] ?

Nous sommes toujours en cours de procès. La fille de Park Chung-hee est à la tête du Grand Party National et sa puissance ne fait que s’accroître. Elle pourrait même être candidate aux élections présidentielles. Il est donc difficile aux juges de donner leur verdict et à chaque fois le procès est remis à plus tard. Au cas où cette femme devient présidente, peut-être que je pourrais même aller en prison.

Pourquoi, après President’s Last Bang, avez-vous décidé d’adapter Le Vieux Jardin, qui traite également d’une période délicate de l’histoire récente de la Corée ?

Quand j’ai compris que President’s Last Bang a été attaqué parce que j’avais décrit Park Chung-hee et qu’on voulait enterrer mon film, j’ai encore eu cette espèce de force qui m’a dit que j’allais décrire un président qui avait été encore pire que lui : Chun Doo-hwan.

Vous avez un projet de film en France et dans votre présentation, vous dîtes qu’il a été inspiré par la réception de vos films en France. En quoi cet accueil est-il différent de celui des autres pays ?

Parce que vous aimez beaucoup Hong Sang-soo et que vous avez également donné un prix à Park Chang-wook. En Corée, je suis considéré comme un cinéaste sans beaucoup d’importance et beaucoup moins bien qu’eux. Mais quand j’ai vu que mes films allaient être projetés à Paris Cinéma et que j’étais invité, j’étais très content. C’est pourquoi je voudrais faire mon prochain film à Paris pour remercier la ville.

Interview réalisée par Dimitri Ianni et Kizushii. Guest star : Kaelu San.

[1Beau et mélancolique Roman de Hwang Sok-yong, édité en français par les éditions Zulma.

[2Depuis Im Sang-soo a gagné son procès.

- Article paru le mardi 17 octobre 2006

signé Kizushii

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