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Corée du Sud | Festival du film asiatique de Deauville 2007 | Rencontres

Im Sang-soo, troisième

"Le fait que les jeunes n’aient aucuns idéaux, mais vraiment dans aucun domaine, me désespère profondèment".

Notre troisième rencontre avec Im Sang-soo s’est enfin déroulée dans de bonnes conditions. Pas d’interview dans un couloir d’hôtel, où à plier en 15 minutes top chrono. Notre plaisir de retrouver ce réalisateur, l’un des meilleurs du cinéma coréen, est toujours renouvelé. Son dernier film, « Le Vieux Jardin » ne pas devrait recevoir des critiques aussi élogieuses que son précédent, President’s Last Bang, mais pourrait plaire à plus large public, ce qui est encore mieux. Le réalisateur y raconte le destin d’un couple pris dans les tourmentes de l’histoire coréenne.

Sancho : Pouvez-vous nous parler brièvement de la place de Hwang Sok-yong dans la littérature coréenne, de son livre, Le Vieux Jardin, que vous avez adapté, et des raisons qui vous ont poussé à le faire ?

Im Sang-soo : Hwang Sok-yong est l’un des écrivains coréens encore vivants les plus connus. Ses livres sont traduits en anglais et en même en français, et pas uniquement Le Vieux Jardin. Je pense qu’il pourrait recevoir un jour le prix Nobel de littérature. Hwang Sok-yong est très moderne dans sa pensée. Avant le réchauffement entre les deux Corées, il est allé rencontrer Kim Il-sung, ce qui lui a valu cinq années de prison. Et c’est au terme de cette peine qu’il a écrit Le Vieux Jardin. J’ai lu ce livre à la fin des années 90 et il m’avait beaucoup plus et fait beaucoup pleuré. A l’époque, j’ai pensé que les temps n’étaient pas mûrs pour une adaptation au cinéma. C’est seulement après la fin du tournage de President’s Last Bang, que j’ai estimé qu’il était désormais temps de le faire. Le roman se déroulait juste après l’époque décrite dans President’s Last Bang et la mentalité des coréens avait beaucoup évolué.

Vous avez déclaré que vous n’êtes pas encore convaincu d’être un artiste. Quelle est votre définition de l’artiste ?

C’est au spectateur de juger si je suis un artiste. Je ne me rappelle plus quand j’ai fait cette déclaration, mais c’était sûrement pour faire le modeste. C’est un stratagème pour entendre dire que je suis un artiste (rires). J’ai vu Three Times d’Hou Hsiao-hsien et lui est un vrai artiste. J’arrive seulement à tourner certaines scènes dignes de ce nom, très crédibles, dignes d’un artiste. J’ai mon univers personnel créatif, mais je ne pense pas qu’il soit encore assez riche pour me qualifier d’artiste.

J’ai l’impression que par rapport au livre, vous avez plus centré votre film sur la relation entre Hyon-woo et Yoon-hee et laissé l’aspect politique à la périphérie. Pourquoi ?

Le film a reçu un bon accueil, mais des personnes qui avaient beaucoup aimé le livre, étaient très mécontentes de l’adaptation. Je pense que c’est toujours le cas pour un réalisateur qui adapte un livre très connu. Tout roman explique plus qu’il ne représente, alors que le film représente au lieu d’expliquer. Dans ce sens là, il était plus difficile d’expliquer à travers le cinéma, je me suis donc concentré sur la représentation. Mais la politique en arrière fond reste très présente.

Pouvez-vous nous parler de votre changement de style par rapport à votre dernier film, qui était beaucoup plus flamboyant, alors que Le Vieux Jardin s’avère plus classique.

Je ne suis pas quelqu’un de classique ou de doux, mais le roman était un peu comme ça. En outre, mon précédent film, President’s Last Bang, qui a créé une énorme polémique en Corée, m’a épuisé. Mais même si ce film a des extérieurs de films classiques, je voulais trouver des petites choses qui pouvaient trahir ce classicisme.

Votre film et le livre font le portrait d’une génération perdue...

Le film rappelle les nobles sentiments des gens du vingtième siècle. Il raconte leur idéalisme dans le bon sens du terme car ils avaient plein d’espoir. Je pense qu’il s’agit de l’une des manières dont on doit vivre à l’avenir. On peut trouver cet aspect là dans la vie de Yoon-hee, car le personnage masculin, Hyon-woo, vit lui dans le passé. Qu’il ait réussi ou échoué dans sa vie, je pense que ce vers quoi il tend, c’est l’espoir. C’est l’aspiration que l’on peut retrouver dans la vie de Yoon-hee.

Paradoxalement, Le vieux Jardin représente ces personnes, qui avaient de nobles idéaux dans leur jeunesse, comme des adultes aigris.

Le film montre une génération d’idéalistes qui ont échoué. C’est pareil dans le monde entier, les gens qui ont réussi sont ceux qui ont trahi. La grande question qui se pose à Hyon-woo dans le film est la suivante : va-t-il devoir continuer à vivre aussi aigri que ses amis et à se battre avec eux en étant saoul ? Hyon-woo se demande à travers la vie de Yoon-hee comment il va désormais vivre. Je pense qu’il trouve sa réponse dans la dernière scène où il rencontre sa fille et que les spectateurs vont aussi arriver à la trouver.

Dans qui fondez-vous votre espoir, dans la jeunesse coréenne actuelle ?

Justement non. Le fait que les jeunes n’aient aucuns idéaux, mais vraiment dans aucun domaine, me désespère profondèment.

Vos deux derniers films sont donc une piqûre de rappel ?

Oui.

Lorsque je sors de vos films, j’ai l’impression que le mâle coréen est vraiment désespérant, et que finalement, pour reprendre le titre d’un film d’un réalisateur qui est presque votre homonyme, la femme est l’avenir de l’homme [1] ?

Je ne pense pas que cela soit uniquement le cas en Corée. Je ne sais pas si vous êtes d’accord avec moi, mais jusqu’à présent l’histoire du monde a été écrite par les hommes et pour les hommes. On est obligé de constater aujourd’hui que cela a échoué. Une nouvelle perspective doit être envisagée maintenant, et seules les femmes peuvent nous y aider.

Si la fille du président Park [2] est élue président de la Corée, ce ne serait pourtant pas une bonne nouvelle ?

Ce n’est pas l’organe sexuelle, mais la mentalité qui importe. Je pense que la fille du président Park est beaucoup plus masculine que moi.

Vos derniers films évoquaient un contexte politique très lourd. Par ailleurs, l’humour très noir est l’une des caractéristiques de votre cinéma. Pourquoi ne pas vous lancer dans la comédie ?

Justement, mon prochain film devrait se dérouler à Paris. Son titre provisoire est : Une certaine femme à Paris. Ce sera une comédie érotique, qui aura pour sujet quelque chose de plus profond, les relations interraciales. Le film sera très politique, très provocateur et une comédie vraiment hilarante.

C’est votre projet avec Moon So-ri dont on avait parlé en juillet dernier lors du festival de Paris ?

C’est ce film là, mais je ne me rappelle pas avoir parlé de Moon So-ri. Le casting n’a pas encore été décidé, mais comme vous parlez d’elle, j’ai appris qu’après avoir entendu parlé du projet, elle avait loué les services d’un tuteur pour apprendre le français...

Remerciements à Karine Menard et Laurence Granec, ainsi qu’à Pretty Pictures.

La question sur la fille du président Park a été posée un peu par blague et Im Sang-soo a répondu sur même ton, difficile à retranscrire...

[1Rendons à César ce qui est à César, cette célèbre maxime a été écrite par le poète Aragon.

[2President’s Last Bang raconte l’assassinat de ce président coréen, dont la famille a essayé de bloquer la sortie en salle du film.

- Article paru le jeudi 12 avril 2007

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