Invitation Only
Wade est chauffeur, lycéen non accompli au service du richissime Yang. Loser en bonne et due forme, il rêve de belles voitures et d’une top model nippone du nom de Diana ; deux choses que son patron possède. Lorsque Wade surprend Yang en pleine affaire coquine avec la belle à l’arrière de sa Mercedes, le businessman, plutôt que de le renvoyer, achète son silence en lui offrant une invitation pour une soirée select à laquelle il ne peut se rendre. Sur le carton anonyme qui sert de pass exclusif, chaque convive est invité à mentionner quelque chose qu’il rêve d’avoir... Verni, Wade, qui joue le rôle du cousin de Yang, est célébré avec trois autres invités, comme l’un des nouveaux membres de ce club privé, et voit non pas un mais deux rêves s’accomplir, puisqu’il s’offre l’intimité de Diana avant de se retrouver au volant d’une Ferrari. Mais tout ceci n’est que poudre aux yeux, et les quatre heureux élus, qui ont tous usurpé leur présence au sein de la haute, se retrouvent traqués et torturés dans les murs de l’immeuble délabré qui abrite la soirée, pour le seul amusement d’une poignée de riches bardés de mépris pour les pauvres...
Avec Invitation Only, Taiwan se lance pour la première fois à l’assaut du slasher tendance torture, histoire de surfer sur la vague initiée par Eli Roth et autres James Wan. Et il le fait avec une certaine générosité inhérente au genre, étalant gore et cruauté, évidemment, mais aussi fan service cochon avec la présence au casting de l’AV star eurasienne Maria Ozawa. Argument de vente essentiel du film, la nudité partielle de l’actrice incarne néanmoins le paradoxe d’une production à la fois courageuse et timorée – car ce n’est pas comme si la belle n’avait pas déjà tout dévoilé et même plus, dans sa filmographie pour adultes au Japon. Ce centerfold s’adresse donc d’emblée à un public un tantinet frustré, qui préfère profiter d’une excursion mainstream de l’actrice pour entrevoir ses charmes, plutôt que d’assumer son fantasme et se payer une bonne tranche de pornographie en toute sérénité. De la même façon, la violence d’Invitation Only s’adresse à ceux qui n’oseraient jeter un œil du côté de Grotesque par exemple, contextualisée pour être moins auto-suffisante, et apparaître faussement justifiée.
Dans l’absolu, le fait de verser dans l’horreur grand public n’est pas foncièrement critiquable, sauf que le mépris est un bien mauvais vecteur de passion. Le dédain que Yang et son confrère anglosaxon (toujours le maillon faible des castings asiatiques) ressentent pour les pauvres qu’ils s’amusent à railler, torturer et tuer, transparaît dans la nonchalance de leurs exécutions ; il s’agit bien ici, du sempiternel problème du manque d’amour dans la violence (voir à ce sujet, le Ichi the Killer de Takashi Miike). Puisque le film refuse de jouer la carte de la gratuité, le détachement des bourreaux et de leur audience – une bande de richards sans existence concrète, qui semblent absents dès qu’ils ne sont plus à l’écran – nous empêche d’être véritablement touchés par le salage de plaies, agrafage de visage et autre électrocution de chibre du film. On traverse l’ensemble avec un sourire, un petit dégoût amusé parfois, mais l’on ne saurait être indigné par autant de douleur non-impliquée.
Les personnages de plus, pâtissent d’une totale absence de personnalité. Le groupe de victimes, bêtement dispersé pour survivre, ne présente aucune dynamique ou ressort humain, s’éparpille dans une topographie d’autant plus insaisissable que le montage n’assure aucun véritable liant, narratif ou spatial. On passe d’une victime à l’autre, on perd de vue trop longtemps chaque protagoniste, et l’on oublie les entités impliquées dès lors qu’elles sont hors champ. Dans l’absence de continuité, difficile de ressentir une quelconque tension.
Pourtant, sans même octroyer de points bonus à Kevin Ko pour avoir osé le premier slasher hardcore du cinéma taiwanais, force est de reconnaître qu’Invitation Only n’est pas foncièrement désagréable. Il y a de l’imagination à défaut d’affection dans sa violence, une véritable générosité dans son fan service tendance FHM – difficile de bouder Miss Ozawa, quoiqu’on en dise. A l’exception d’un second tiers mou du genou, il parvient presque à être plus intéressant que le surestimé Saw. Pas de twist ici mais beaucoup de clichés – on doute que les riches psychopathes, dans leur lassitude désinvolte, s’amusent à décorer l’immeuble délabré avec des mannequins démembrés et autres poupées pendues à des crochets -, qui construisent un film d’horreur générique, qui aurait gagné à assumer un peu plus la cruauté qu’il noie dans une barbaque faussement crade ; cette nouvelle tendance au sang très sombre, supposément réaliste, qui masque finalement plus qu’il ne montre. Le « less is more » étant tout de même une façon très contradictoire d’aborder le torture porn.
Invitation Only est notamment disponible en DVD HK sous-titré anglais, dans une copie tout à fait correcte.



