Kao
Avec Naomi Fujiyama, Michiyo Ogusu, Koichi Sato, Etsushi Toyokawa, Kankuro Nakamura, Hiroyuki Satô, Riho Makise, Ittoku Kishibe, Jun Kunimura
Voyage initiatique d’une femme dont l’improbable quête se résume en un mot : Liberté...
Masako est une jeune femme d’une trentaine d’années. Renfermée et complexée physiquement, elle travaille péniblement avec sa mère dans une blanchisserie. Ses seules escapades sont mentales. De temps à autres, les deux femmes reçoivent la visite de Yukari, la jeune et jolie sœur, hôtesse de bar dans la capitale. Cette dernière a toujours eu honte du physique et du comportement de sa sœur.
Lors du décès de leur mère, les ressentiments se font plus forts entre les deux sœurs, pour finalement éclater ; elles en arrivent aux mains, et accidentellement dans un accès de rage, Masako tue sa cadette... Elle s’enfuit, et commence alors pour elle un long voyage à travers la vie et ses épreuves...
Ouahhh Alors là je suis bluffé ! Junji Sakamoto est un réalisateur génial et talentueux, ça c’est un fait, mais son œuvre fait en plus part d’un éclectisme démesuré. J’en veux pour preuve, au hasard, ses trois derniers films ; tout d’abord Kao, sur lequel je reviendrai puisque cet article lui est consacré, puis l’année suivante Shin Jingi Naki Tatakai, film de yakuza dont le titre emprunté au magnifique film éponyme de Fukasaku, n’est en fait selon son réalisateur "qu’un coup marketing du studio" - Toei en l’occurrence -, et ce dernier de rajouter que "le public japonais a trouvé son film ennuyeux et trop bavard [1]"... quel bon vendeur ! Enfin, cette année, il nous offre KT, thriller politique qui retrace la disparition de l’actuel président coréen Kim Dae-Jung, durant cinq jours, en 1973, alors qu’il se trouvait à Tôkyô... Et ça bien évidemment, sans parler de ses précédents films ni de son parcours [2].
Kao est une sorte de conte ; un conte initiatique cruel, qui va au fur et à mesure que le récit progresse, se transformer en une sorte de poésie désespérée... Car Masako va devoir surmonter bien des épreuves, pour parvenir à s’affranchir des ses peurs, y compris les plus enfouies dans son être. Lorsque j’emploie le terme "poésie", il faut entendre par là "onirisme" ; un onirisme omniprésent d’un bout à l’autre du film, mais d’une manière étrange et paradoxale. Plus Masako va évoluer (physiquement, mentalement et géographiquement), plus l’univers qui l’entoure va devenir de moins en moins concret, tandis que ses pensées vont à la fois se rationaliser tout en s’émancipant vers des horizons plus métaphysiques...
Et on ne peut pas dire que les tribulations de notre héroïne commencent bien ; le décès de sa mère qui laisse place au "meurtre" accidentel de sa sœur, pour qu’elle se retrouve finalement dans une sorte de solitude comateuse. Et la découverte du monde extérieure est on ne peut plus horrible, puisque Masako est violée en même temps qu’elle connaît sa première relation sexuelle... mais bizarrement, cette expérience ne la traumatise guère, elle qui ne "sait" pas. Elle part alors à la recherche de son père qu’elle n’a pas revu depuis son enfance ; déception encore, puisqu’elle ne trouve qu’un entrepôt rempli de déchets... l’image de son père en somme. Puis, la lumière...
... lors d’un voyage en train, elle fait la rencontre d’un homme avec lequel elle parle, rit, et oublie tous ses soucis... l’homme disparaît. Puis elle fait autant de bonnes et mauvaises rencontres, (ré)apprend des choses aussi "simples" que faire du vélo ou nager, et pour la première fois comprend ce que sont l’Amitié et l’Amour, elle qui n’a pas encore vécu...
C’est le premier rôle au cinéma de la comédienne de théâtre Naomi Fujiyama... et à en croire sa prestation, le personnage de Masako ne pouvait être interprété par une autre actrice. Sa transformation, magnifique, fait du vilain petit canard un cygne resplendissant qui ne cesse de s’embellir tout au long du film... L’actrice est - très - bien entourée, puisque de Koichi Sato (excellent !) à Etsushi Toyokawa, en passant par Michiyo Ogusu (magnifique et émouvante) ou encore la charmante Riho Makise, l’héroïne de Turn (Hideyuki Hirayama), qui joue ici Yukari, la jeune sœur de Masako...
Sous couvert d’un film sur le parcours d’ "une" femme, Junji Sakamoto dresse le portrait de "la" femme japonaise, un hommage de l’homme à la femme ; une femme qui, emprisonnée par le portrait qu’elle renvoit, ne peut s’accomplir que dans le regard de l’autre, jusqu’à ce qu’elle parvienne à transformer l’image qu’elle a en elle en un véritable reflet...
DVD (pas vu) | Shochiku | Zone 2 | NTSC | Format : 1:1:85 - 16/9 | Suppléments : Behind the scenes, trailers, teasers, cérémonie de remise de prix au Japon, images de festivals à l’étranger, cast & staff bio/filmos...
Ce DVD ne comporte pas le moindre sous-titre.
VCD (HongKong) | Edko Video Ltd. | Au format, comporte des sous-titres chinois et anglais incrustés.
[1] Propos recueillis dans l’article Another Battle écrit par Tom Mes (Midnight Eye).
[2] Cf. article Tokarev.


