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Japon

Kuchisake Onna 2

aka A Slit-Mouthed Woman 2, 口裂け女2 | Japon | 2008 | Un film de Kôtarô Terauchi | Avec Rin Asuka, Yukie Kawamura, Yôsuke Saitô, Mayuko Iwasa, Erina, Miki Hayashi, Kôta Kusano, Akihiro Mayama, Hideo Nakano, Masashi Taniguchi

S’il y a parfois de coupables élans qui nous poussent de façon irrationnelle à fouiller dans les rayonnages poussiéreux d’étagères remplies de V-cinema, ou vers des œuvres dont on sait par avance que leur intérêt cinématographique sera aussi décisif qu’un épisode de Derrick, c’est avant tout à cause d’éléments d’attraction particuliers. Que ce soit le nom d’une idole au visage de poupée, ou l’adaptation d’un certain manga ayant eu une influence dans notre adolescence pré pubère, les prétextes ne manquent jamais. Aussi j’avoue librement ma faiblesse, étant depuis toujours fasciné par les légendes urbaines nipponnes autant que par leur bestiaire fantastique - Ah, que n’ai-je parcouru les dictionnaires et mangas de Shigeru Mizuki avant que Morphée ne m’emporte ! -, en particulier celle de la femme à la bouche déchirée, plus connue sous le sobriquet japonais de « Kuchisake Onna » [1].

Cette fascinante et lointaine cousine d’Oiwa [2], si symptomatique de la démonologie féminine nippone, a récemment trouvé un étonnant regain de forme, eu égard au mitigé Carved (Kuchisake Onna, 2007) de Kôji Shiraishi. Avec pas moins de trois resucées en 2008, dont le Kuchisake Onna 0 : Biginingu (The Slit-Mouthed Woman 0 : The Beginning) de Kazuto Kodama et son affiche pillage de l’excellent 2 Soeurs de Kim Jee-Woon, jusqu’à une improbable adaptation éponyme signée de l’erotocosplay Zen Pictures par Tôru Yoshikawa, on était en droit de se réjouir. Plus respectable que cette dernière, la pellicule qui nous préoccupe ici, signée Kôtarô Terauchi (Shaolin Baba) se veut en réalité une “préquelle” à Carved, d’autant qu’une des dernières scènes du métrage crée un lien direct avec l’œuvre précitée.

Débutant en 1978 dans une petite commune de la préfecture de Gifu, Kuchisake Onna 2 nous plonge dans le quotidien de la famille Sawada, empli d’un doux bonheur champêtre. Un père éleveur de poulets et une mère attentionnée couvent leurs trois filles ; dont l’aînée Sachiko (Yukie Kawamura) est sur le point de se marier, l’indépendante Yukie (Mayuko Iwasa) coiffeuse dans un salon de la ville, sans oublier la petite cadette Mayumi (Rin Asuka) fréquentant toujours le lycée et son club d’athlétisme, secrètement amoureuse de son sempai (élève d’une classe supérieure). Mais la quiétude familiale va être bouleversée par l’intrusion nocturne de Suzuki, un ex éconduit par Sachiko, qui, croyant se venger de cette dernière, déverse une nuit par erreur un bocal d’acide sulfurique sur le visage de la jeune Mayumi, s’étant récemment accaparée la chambre de sa sœur partie convoler avec son époux. Les conséquences dramatiques de cette méprise ne tardent pas à se faire sentir : outre le décès de la mère et le suicide du père, des crimes sanglants commencent à être perpétrés sur d’anciens camarades de classe de la jeune fille.

Même si l’on quitte la petite enfance maltraitée du premier volet, la continuité du contexte est pourtant respectée au travers du noyau familial et du milieu scolaire vers lesquels se concentre l’intrigue. Mais si Carved cherchait à jouer sur les ressorts de l’enquête policière dans l’élucidation de l’apparition du Yôkai, Terauchi prend une approche plus mélodramatique. Il décrit le lent délitement familial qui voit peu à peu les membres disparaître, comme frappés par un funeste destin qui s’acharne sur eux, dont la défiguration de Mayumi est à l’origine. Cette défiguration ayant un impact immédiat sur son entourage, se traduit par une désaffection du lien social. Son drame provoque indirectement l’isolement de l’adolescente, victime des moqueries et spéculations sur son affreuse blessure qu’elle enfouie sous un masque chirurgical. Aussi c’est avant tout l’autre qui est responsable de la matérialisation de la femme vengeresse, telle un miroir de l’exclusion et de la différence.

Aussi, loin d’en rajouter dans l’effet slasher que revendiquait son prédécesseur, Kuchisake Onna 2 empreinte la voie du drame télévisuel au risque de nous engourdir. Pour autant les effets sanguinolents ne sont pas absents, mais compte tenu des moyens à disposition, le hors-champ sert avant tout à masquer la pauvreté des trucages qu’à servir d’élément suggestif. Les effets téléphonés des apparitions et l’utilisation plate de la musique traduisent l’embourbement d’un cinéaste tâcheron manquant de conviction, s’abaissant même à l’utilisation de tristes effets de colorisation vidéo que l’on pensait révolus. Compte tenu du parti pris scénaristique l’on aurait au moins pu s’attendre à une attention particulière accordée à l’atmosphère, mais même lors de l’enterrement de la cadette, l’on éprouve à peine plus d’émotion que devant un pigeon écrasé.

Doté d’un casting d’idoles sans surprises au jeu passable, le peu d’émotion filtrant de cet opus quelconque est immédiatement affadi par les lourdeurs d’un scénario et le manque d’inspiration d’un cinéaste, que l’on imagine condamné aux séries télé. Drame familial horrifique sans relief, qui n’aura de mérite que de nous faire goûter, outre la frimousse de nos trois sœurettes, à la beauté tranquille des paysages naturels et bucoliques de la région de Gifu, Kuchisake Onna 2 n’inspire pas l’once de l’effroi que l’on pouvait espérer de la légende urbaine aux longs ciseaux, mais tout au mieux une indifférence teintée de curiosité.

Kuchisake Onna 2 est disponible en DVD Japonais sans sous-titres.

[1Le terme se compose de kuchi (la bouche), sake (déchiré), onna (la femme).

[2Personnage féminin défiguré par le poison que lui donne son mari, et protagoniste de l’histoire de fantôme la plus célèbre du Japon Fantômes à Yotsuya (1825) du dramaturge Tsuruya Namboku.

- Article paru le lundi 2 mars 2009

signé Dimitri Ianni

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