Kuro No Tenshi Vol. 1 et 2
Dans quelques jours la neuvième édition de L’Etrange Festival proposera une rétrospective Takashi Ishii, cinéaste majeur dont l’œuvre reste néanmoins méconnue dans nos contrées, si l’on excepte le célèbre Gonin. Cet "hommage" va donc nous permettre de (re)découvrir une bonne partie de son œuvre sur grand écran et sous-titrée...
...et deux des œuvres les plus "connues" d’Ishii sont les Kuro no Tenshi. Adaptés des manga éponymes parus au début des années 80 dans différents hebdomadaires (dont Young Comic, certainement le plus connu), ces deux films n’ont aucun lien direct l’un avec l’autre, si ce n’est que leurs personnages principaux sont des tueuses professionnelles. Bon, comme d’habitude vous comprendrez aisément qu’il n’est pas évident de parler de films dont on a compris qu’une infime partie des dialogues, ça c’est un fait, mais le cinéma de Takashi Ishii est un cinéma que l’on ressent, un cinéma d’ambiance (ce qui n’a rien de péjoratif), je vais donc plutôt vous parler des sentiments procurés par la vision de ces deux films.
Kuro no Tenshi premier du nom nous conte l’histoire d’une petite fille répondant au prénom de Ikko, fille d’un chef de gang assassiné devant ses yeux par deux femmes alors qu’elle n’a que six ans. Elle est alors sauvée par une "amie de la famille", Mayo, plus connue sous le sobriquet Kuroi Tenshi, comprenez par-là l’ange noir, une tueuse professionnelle. Cette dernière envoie Ikko loin des soucis aux Etats-Unis... Quatorze ans plus tard, Ikko (Riona Hazuki - Parasite Eve) est devenue une grande et belle jeune femme, prête à tout pour venger la mort de ses parents. Elle soupçonne d’ailleurs plusieurs membres du clan d’avoir prémédité la mort de son père, dont l’actuel boss, le sans pitié Nogi (Jinpachi Nezu - Gonin, Jubaku). Entre temps, sa sauveuse est devenue un déchet miné par la drogue...
Oeuvre noire à l’esprit très proche d’un manga de par son découpage, Kuro no Tenshi n’en reste pas moins un film passionnant sur la loyauté et la trahison. Les deux héroïnes entretiennent une sorte de relation mère fille très oedipienne. Les personnages s’affrontant sont liés malgré eux par un passé qui ne cesse de les rattraper tout au long du film, jusqu’au final, tragique... Ishii semble à l’aise dans cet univers finalement très peu nuancé ; personne n’est tout blanc ni tout noir, il joue sur l’ambiguïté de ses personnages et sur leurs sentiments jusqu’au bout, d’une manière magistrale comme à l’accoutumé. C’est à peine un an plus tard qu’il entreprend le tournage du volume 2 de Kuro no Tenshi...
Mayo (Yuki Amami - Misty, Inugami), tueuse de son état, travaille pour le compte de Mama, un étrange travesti. Elle reçoit l’ordre d’assassiner Yazaki, un chef de gang. Alors qu’elle s’apprête à mener à bien sa mission, un des garde du corps de sa cible s’interpose entre eux deux ; Mayo le reconnaît, il s’agit de Yamabe (l’ex-champion de boxe devenu acteur Takeshi Yamato - Tokarev), un homme qui la sauva d’un viol quelques années auparavant... Perturbée par cette découverte, Mayo s’enfuit. Durant la fusillade, Shinnosuke - le mari de Suzu (Reiko Kataoka - Kamikaze Taxi, Onibi), une jeune femme enceinte, est tué par une balle perdue provenant de l’arme de Yamabe... Kuro no Tenshi vol.2 nous raconte les trois destins croisés de ces personnages en proie à leurs démons ; Mayo doit éliminer Yazaki tout en épargnant Yamabe. Ce dernier, hanté par la mort du mari de Suzu, doit se débarrasser de Mayo mais il se rend compte qu’il tient à elle. Quant à Suzu, dont la vie est devenue un véritable cauchemar, elle s’est jurée de retrouver Yamabe coûte que coûte afin de se venger...
Ce deuxième volet de Kuro no Tenshi est sans conteste le plus abouti. Ishii laisse de côté l’action pure et dure pour se focaliser sur les sentiments éprouvés par ses trois personnages. On est ici tout autant dans le polar que dans le drame psychologique ; les protagonistes sont directement confrontés à leurs sentiments de vengeance, de rédemption, de désespoir face à la perte d’un être cher, ou bien encore d’amour (platonique). Ils sont psychologiquement (et physiquement) torturés par ce qu’ils ont vécu ou ce dont ils sont responsables. Le thème de la vengeance est certainement celui que l’on retrouve tout au long de l’œuvre de Takashi Ishii, et les deux Kuro no Tenshi ne faillissent pas à la règle. Comme à son habitude, il nous décrit des personnages de femmes ayant souffert, entraînées dans un tourbillon de violence malgré elles, abusées par les hommes, tant sur le plan moral que physique [1].
Avec ses deux Kuro no Tenshi, Ishii signe deux films différents et identiques à la fois, mais ça, c’est presque devenu une habitude chez lui ; les lieux, les personnages, l’obscurité, la pluie, la moiteur ambiante, le sexe, la torture, la mort, la vengeance et même les musiques (signées Goro Yasukawa) de ses films sont presque toujours les mêmes, comme s’ils ne formaient qu’une seule et unique œuvre, comme si Ishii refaisait le même film à chaque fois en y ajoutant quelques nouveaux ingrédients... En tous cas, sa cuisine me régale et j’espère qu’elle sera à votre goût...
DVD(s) | Pioneer | NTSC | Zone 2 | Formats : 1:1:85 - 16/9 | Images : Aucun gros problème de compression mais une granulation très prononcée, d’où pas mal de fourmillements en arrières plans... en revanche certaines séquences sont tout bonnement magnifiques tant au niveau des couleurs, du contraste et de la définition (vol.1 & 2) | Son : Bonne Stéréo, mais un peu de souffle au début du Vol.2. | Sous-Titres : Aucun ! | Suppléments : Vol.1 / 2 entretiens de Takashi Ishii avec 2 de ses acteurs (64’), 12 planches du Story-board, le trailer et un livret de 4 pages - Vol.2 / 3 entretiens de Takashi Ishii avec 3 de ses acteurs (75’), 12 planches du Story-board, le trailer, dessin de la jaquette de Ishii himself et un livret de 4 pages.
Info : le dernier film de Takashi Ishii, Tokyo G.P., vient de sortir en salles au Japon et dure 52 minutes(!) ; au menu Hip-Hop, D.J, violence et boîtes de nuit tokyoïtes...
[1] Cf. article Shinde mo ii.


