La Danseuse d’Izu
Les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux [1].
Un étudiant demande au professeur d’université Kawasaki d’intercéder en sa faveur auprès de sa famille pour qu’elle accepte son mariage avec une danseuse. Cette demande replonge cet homme âgé dans un épisode de sa jeunesse. Lors d’une pause dans ses études universitaires, Kawasaki a parcouru la péninsule d’Izu sur ses getas [2]. Le hasard a voulu qu’il voyage dans la même direction qu’une troupe d’artistes ambulants, parmi lesquels il a remarqué une jeune danseuse de 17 ans, Kaoru. L’étudiant n’est pas insensible à ses charmes et elle non plus. Mais leur différence de statut dresse bien des barrières entre les deux jeunes gens.
La trame de La Danseuse d’Izu est des plus conventionnelles. Mais dans son magnifique Technicolor, le film, tiré d’une nouvelle au titre éponyme du prix Nobel de littérature Yasunari Kawabata, est aussi agréable à regarder que les graciles mouvements de la danseuse. La réalisation est aussi suffisamment rythmée et fluide pour entraîner le spectateur dans ce voyage sans que celui-ci en éprouve la moindre langueur.
Le voyage par vaux et chemins de terre offre un espace de liberté, où les différences sociales entre les deux personnages s’estompent. Voyageant seul, Kawasaki n’est influencé ni par ses parents et ni par son entourage. Seuls tel voyageur de passage ou tenancière d’hôtel lui rappellent le soupçon dont sont entourées les troupes d’artistes ambulants.
Mais jusqu’où l’étudiant et la danseuse vont-ils pouvoir pousser leur relation avant que se pose le problème de leur différence de condition ? Voilà le principal ressort dramatique du film. D’abord suspicieux en raison de la mauvaise réputation de ces gens du voyage, l’étudiant Kawasaki va devenir un intime de la famille. Il va découvrir les difficultés de leur mode de vie et apprécier leur attention.
Pour nous spectateurs actuels et occidentaux, La Danseuse d’Izu plaira aussi par son exotisme. Grâce à ses moyens, la Nikkatsu fait revivre tout un monde inconnu : les troupes d’artistes itinérants, la discrimination dont ils font l’objet (comme chez nous à une époque plus éloignée), le triste sort qui les guette, le voyage à pied sur des chemins de terre... En studio ou en décors naturels, le film est très vivant. Il n’est pas empesé par la reconstitution de cette époque.
Le film est éclairé par le très réussi personnage de la danseuse. Comme le font remarquer plusieurs personnages qui l’ont croisée l’année précédente, Kaoru n’est maintenant plus une enfant. Mais si elle effectivement devenue physiquement une jeune femme et suscite la convoitises des mâles, elle n’en a cependant pas adopté le comportement. Kaoru se trouve dans cette zone mal définie, entre l’enfance, période d’innocence et d’insouciance, et l’âge adulte où même les choses les plus simples, comme les sentiments, peuvent devenir très compliquées.
La Danseuse d’Izu a ,été projeté lors du 33ème Festival des 3 Continents à Nantes dans le cadre de l’hommage rendu au studio Nikkatsu qui fête ses 100 ans. Le film sera diffusé à la Cinémathèque française le 22 décembre et le 20 janvier.


