La Famille Jones
La vérité est ailleurs.
A Tinseltown [1], patrie des vendeurs de rêve, le pitch de Derrick Borte pour vendre son projet de film a du faire mouche.
La famille Jones, les parents et leurs deux grands enfants, arrive dans une banlieue américaine cossue. Il ne s’agit pas d’une famille ordinaire, ses membres sont stipendiés par une société de marketing pour attiser le désir de consommer de leurs voisins en étalant sous leurs yeux leurs biens de consommation dernier cri : voiture, téléphone portable, vêtements... Mais cette famille de couverture de magazine n’est pas constituée de mannequins de cire, ses membres sont des humains avec leurs faiblesses...
La Famille Jones dénonce le culte de l’apparence, mère de la fièvre consumériste qui pousse les gens à vivre au-delà de leurs moyens. Ce qui a récemment entraîné le monde au bord du gouffre de la Dépression. Le ressort de ce comportement, l’envie, est vieux comme le monde. Ne s’agit-il pas de l’un des sept péchés capitaux ? Demi Moore, 48 ans au compteur, qui grâce à la chirurgie esthétique a l’air d’avoir éternellement trente cinq ans, n’a-t-elle pas saisie l’ironie d’avoir été choisie pour jouer la chef arriviste de cette famille tête de gondole ?
Cette charge contre la société de consommation vient d’un fils de pub, Derrick Borte. Si elle est frontale, elle n’est cependant pas être si éloignée de la réalité. Il donne littéralement vie à ces messages publicitaires qui nous assaillent à longueur de journée. Ce que le film décrit à l’échelle d’un voisinage peut être élargi à l’ensemble d’une nation, qui a érigé la dette en style de vie, n’hésitant pas à transformer sa maison en distributeur de billets. [2]
Une étude américaine [3] a montré récemment que ce sont les comtés les plus inégalitaires où les faillites personnelles sont les plus nombreuses. Les chercheurs ont abouti à la conclusion que les moins fortunés copiaient les plus riches. Les voir construire ces grandes maisons et rouler dans ces énormes 4*4, les poussait à vouloir la même chose. Quitte à dépenser plus qu’ils ne le pouvaient se le permettre avant la facture finale. Un engrenage qui est exactement celui décrit dans le film.
La première partie est clairement la plus attrayante car la plus réjouissante. Derrick Borte montre le voisinage de cette famille qui fonce tête baissée dans le piège. Le « mari » Steve, joué par David Duchovny, est malheureusement le seul personnage un tant soit peu développé du film. Les autres n’existent pas vraiment, à part en tant qu’archétype. J’ai aussi été frustré par le basculement trop rapide du film. En une poignée de minutes, les membres accumulent les problèmes alors que jusqu’à présent tout allait pour le mieux. J’aurais préféré une désagrégation plus lente de cette machine marketing.
En tant que cible marketing (homme entre 30 et 40 ans et célibataire), l’argument publicitaire de La Famille Jones était pour moi la présence au générique d’Amber Heard. La beauté texane est malheureusement montrée trop parcimonieusement à l’écran. Damned publicist !
La Famille Jones est sorti sur les écrans français le 17 novembre 2010. Le film est disponible en Blu-ray et en DVD aux États-Unis.
[1] La ville du clinquant, surnom d’Hollywood.
[2] Lorsque la valeur de leur bien immobilier augmente, les ménages américains peuvent renégocier leurs prêts et accroître leur endettement à proportion de cette augmentation. Les ménages récupèrent alors la différence entre la valeur du nouvel emprunt et celle de l’ancien. Les capitaux extraits peuvent servir à financer des dépenses de consommation, des achats d’actifs non immobiliers, ou à rembourser d’autres crédits. Source : Conseil d’orientation pour l’emploi.
[3] Expenditure Cascades de Adam Seth Levin, Robert H. Frank et Oege Dijk.



