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Japon

La Forêt sans nom

aka Shiritsu Tantei Hama Maiku - Namae no Nai Mori - Mike Yokohama : A Forest with no Name | Japon | 2002 | Un film de Shinji Aoyama | Avec Masatoshi Nagase, Nene Ôtsuka, Kyoka Suzuki, Masashi Yamamoto, Yoshio Harada, Kanji Tsuda

Mike Hama part dans un voyage introspectif afin de trouver des réponses à des questions qu’il ne s’est jamais posées...

Le détective Mike Hama, endetté jusqu’au bout des ongles (qu’il vernit), ne fait pas la fine bouche lorsqu’un riche client lui demande de lui ramener sa fille, qui doit épouser un jeune homme de bonne famille. En quête d’elle-même, elle s’est retirée dans une sorte de monastère moderne, à l’écart de tout et de tous. Cet étrange lieu d’isolement est tenu par une jeune femme mystérieuse. Les personnes qui y vivent perdent tout contact avec l’extérieur et sont identifiées par des numéros. Mike s’y installe donc, et devient "Monsieur 57", un numéro parmi tant d’autres...

Notre détective pense que l’affaire est dans le sac, et demande à la fille de son client de le suivre. Malheureusement pour lui, celle-ci désire rester... C’est alors que la directrice de cet étrange endroit dit à Mike d’aller voir dans la forêt ; un arbre qui s’y trouve lui ressemble...

Etonnant. C’est le premier mot qui me vienne à l’esprit en sortant de cet épisode pour le moins étrange et inhabituel de la série Shiritsu Tantei Hama Maiku...

Mais revenons d’abord sur la genèse du projet, et du personnage... A la base de tout, un homme. Kaizo Hayashi, génial réalisateur d’OVNIS cinématographiques divers tels l’immense Zipang (Jipangu /1992), l’étonnant Circus Boy (Ni Jû Seiki Shonen Dokuhon /1989) ou l’appétissant Cat’s Eye (1997). En 1993, il créé un personnage haut en couleur. Son nom ? Hama. Mike (Maiku) Hama. Evidemment, son nom est clairement inspiré du célèbre détective crée par Mickey Spillane en 1947, le bien nommé Mike Hammer. Hama, ex-délinquant reconverti dans l’art du limier, qui a tout du parfait anti-héros, se retrouve toujours dans des situations qu’il ne maîtrise pas... C’est donc cette même année qu’Hayashi réalise The Most Terrible Time in my Life (Waga Jinsei Saiaku no Toki), première apparition au cinéma du détective le plus cool de la planète. Suivront deux suites, Stairway to the Distant Past (Harukana Jidai no Kaidan o) et The Trap (Wana), respectivement sorties en 1994 et 1996...

2002. Hayashi, après s’être exilé aux Etats-Unis pour façonner son projet filmique Lost Angels (2000) et réaliser quelques épisodes des Power Rangers, revient en force avec un projet énorme ; faire de Mike Hama une série télé... une série télé ? Oui, mais pas n’importe laquelle. Douze épisodes tournés en pellicule, par douze réalisateurs différents [1]. Chaque metteur en scène fournira d’ailleurs une director’s cut, plus longue, pour la version DVD et, éventuellement, pour une sortie en salles et/ou des ventes à l’étranger. Bref, un projet pensé dès le départ pour marcher. Autre revirement notoire, Mike Hama himself. Le pseudo dandy malchanceux tout droit sorti des films noirs américains, laisse place à une sorte de géniale créature hybride à mi-chemin entre le punk ébouriffé et le clown corrosif et je-m’en-foutiste...

A la tête de ce sixième épisode (cet épisode fût malgré tout tourné le premier), Shinji Aoyama. Réalisateur connu en nos contrées principalement pour deux de ses films (Eureka et Desert Moon - Tsuki no Sabaku), lui à qui l’on doit notamment le très réussi Helpless (1996), le "yakuzesque" Chinpira (1996), Wild Life (1997) ou encore EM - Embalming (1999) avec la belle Reiko Takashima... Assistant réalisateur de Kiyoshi Kurosawa sur quatre de ses films, on peut dire que l’univers cinématographique d’Aoyama est réel et reconnaissable. Une certaine lenteur (qui à mes yeux n’a rien de péjoratif), et un désir d’introspection sont récurrents dans la thématique du réalisateur nippon. Alors, en lui confiant la mise en scène de ce Namae no Nai Mori, Hayashi et la production savaient pertinemment vers quoi ils s’engouffraient...

...ou non ! Idées préconçues encore une fois à laisser au vestiaire ! J’avoue m’être dit juste avant que le film ne commence : "Tiens, un Mike Hama réalisé par Aoyama, ça risque d’être bizarre...". Je m’étais pourtant juré de ne pas m’y laisser prendre ! Dès les premières images, il est clair que le spectateur est transporté dans un univers à part, c’est indéniable... mais pas un univers hostile. Tout au long du film (qui dure à peine plus de 70 minutes), Aoyama parvient à s’approprier l’univers de Hama, tout en s’immisçant subrepticement dedans. Je m’explique. Mettre en scène un personnage préexistant et le monde qui l’entoure n’est pas forcément un exercice facile, un grand nombre de données les concernant étant déjà établies. Deux choix possibles s’offrent alors au réalisateur :

1- faire un film à part qui ne respecte rien de l'univers original (ce qui peut être un point de vue fort intéressant)
2- ou bien, trop rentrer dans le moule existant, et perdre son propre univers

...mais Aoyama est parvenu à intégrer son univers à celui créé par Hayashi près d’une décennie auparavant. Tout au long du périple introspectif de Mike Hama, Aoyama en profite pour glisser ses obsessions, en matière de perception de soi... et il peut s’en donner à cœur joie grâce à Mike, dont l’individualisme poussé le rend plus fort face à la "menace" que peut représenter cette sorte de secte - qui n’est qu’une image de la société nippone... Ce thriller mêlant comique, fantastique et philosophie, traite principalement de deux thèmes ; l’homme et son rapport à la nature, et l’obligation de réussite personnelle dans la société japonaise. Le temps imparti est court, mais cette petite contrainte temporelle n’est en rien un frein pour Aoyama qui parvient à les traiter... de manière concise j’en suis conscient, mais il amène le spectateur à se poser des questions après sa vision...

C’est Masatoshi Nagase qui neuf ans après ré-endosse (bien qu’il soit totalement différent !) le costume de Mike Hama ; génial acteur ultra-prolifique, vu chez Sôgo Ishii (Gojoe, Electric Dragon 80 000 V), Takashi Ishii (Shinde mo ii), Katsuhito Ishii (Party 7), mais également chez Seijun Suzuki (Pistol Opera), Hiroyuki Nakano (Stereo Future), Shion Sono (Jisatsu Sâkuru), et j’en passe... A ses côtés dans cet épisode, autant de talents que de noms connus, comme l’atteste la présence de la charmante Kyoka Suzuki - qui joue l’inquiétante "gourou" -, que l’on a pu voir dans l’excellent thriller 39 - Keihô Dai Sanjûkyu Jô (Yoshimitsu Morita), Satorare (Katsuyuki Motohiro) et 119 (Naoto Takenaka). Egalement présent l’immense Yoshio Harada (Ryoma Ansatsu, Onibi) dans le rôle du riche commanditaire, Kanji Tsuda (Sonatine, Mohouhan), méconnaissable film après film, et Masashi Yamamoto - dans le rôle du créancier de Hama -, réalisateur de Robinson no Niwa (1987) et Junk Food (1997)... Mais c’est surtout la présence de la - très - belle Nene Ôtsuka qui remplit le film d’une beauté fragile et mélancolique ; Ôtsuka qui joue plus souvent à la télévision qu’au cinéma (allez comprendre pourquoi !), a malgré tout marqué de sa magnifique empreinte quelques films tels le sublime Swallowtail Butterfly de Shunji Iwai, Tengoku Kara Kita Otokotachi de Takashi Miike, le sous estimé Toire no Hanako-san de Jôji Matsuoka, ou encore le noirissime Koroshi de Masahiro Kobayashi...

Film emplit d’une symbolique forte, Namae no Nai Mori est à la fois grave et léger, drôle et émouvant. Aoyama y stigmatise la société nippone en mettant le doigt sur la difficulté d’échapper au "groupe" tout en devant réussir sur un plan personnel... A l’arrivée, un passage du petit au grand écran qui n’est que justice rendue à une oeuvre forte et fragile à la fois, à l’image des êtres qui la composent : nous.

En salles, alors courez-y vite !!!

DVD (pas vu) | Artist Film en association avec Pioneer LDC | NTSC | Zone 2 | Format : 1:1:77 - 16/9 | Ce DVD ne comporte pas le moindre sous-titre.

CD | Le CD des musiques de la série (excellentes !) est disponible au Japon. [réf. FLCF-3921]

Site officiel de la série: http://www.ytv.co.jp/045mike

[1Dans l’ordre, du premier au douzième : Akira Ogata, Ryosuke Maeda, Kôji Hagyuda, Isao Yukisada, Hideaki Sunaga, Shinji Aoyama, Ryo Iwamatsu, Sôgo Ishii, Tetsuya Nakajima, Suguru Takeuchi, Alex Cox et Gô Rijyû.

- Article paru le jeudi 3 avril 2003

signé Kuro

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