Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Japon

La Nouvelle de la Classe

aka 転校生 - Tenkôsei - I are You, You am Me - Tenkousei - Exchange Students - Transfer Students | Japon | 1982 | Un film de Nobuhiko Ôbayashi | D’après le roman Oregaaitsude Aitsugaorede écrit par Hisashi Yamanaka | Avec Satomi Kobayashi, Toshinori Omi, Makoto Satô, Wakaba Irie, Kirin Kiki, Masahiko Nakagawa, Jo Shishido, Masuno Takahashi, Etsuko Shiomi, Masae Hayashi, Sayuri Ishibashi, Maki Akita, Kiyoshi Hitomi, Kouichi Inoue, Mihoko Itoh, Munenori Iwamoto, Sumiko Kakizaki, Kazuo Kamoshida, Haruya Kato, Daisuke Ôyama, Takahiro Saitoh, Tomoko Saotome, Shinobu Tsuruta, Kôji Yamanaka

Voyage fantastique dans le monde de l’adolescence...

Kazuo vit tranquillement sa vie de collégien dans sa ville natale d’Onomichi, jusqu’au jour où une nouvelle élève fait irruption dans la classe. Kazumi, est également née à Onomichi, mais les obligations de ses parents l’ont amenée à déménager alors qu’elle était enfant. Après quelques secondes dans la classe, elle semble reconnaître Kazuo ; ils étaient ensemble à la maternelle... Elle lui renvoie alors devant tous les autres, des souvenirs dont il se passerait bien... Sorti de sa journée de cours, Kazuo rentre chez lui... mais il est très vite rattrapé par une Kazumi un brin trop collante à ses yeux... Finalement, la discussion s’installe entre eux deux. Arrivés en haut des marches du temple Shintô de la ville, Kazuo s’amuse à donner des coup de pied dans une canette qui heurte Kazumi... celle-ci perd l’équilibre. Kazuo la rattrape... mais trop tard, et les deux adolescents dégringolent le grand escalier. Ils perdent tous deux connaissance pendant quelques instants pour finalement se réveiller, un peu groggy. Tout va bien, personne n’a rien de cassé... hormis une chose : l’esprit de Kazuo s’est retrouvé dans le corps de la jeune fille, et celui de Kazumi dans celui du jeune garçon. Commence alors pour eux une sorte de cauchemar éveillé, dans lequel ils vont devoir adopter le comportement social, physique et mental de l’autre...

Il était temps ! Temps que Sancho traite enfin d’un film réalisé par l’un des réalisateurs japonais les plus appréciés au pays du soleil levant : Nobuhiko Ôbayashi. Du haut de ses soixante-cinq ans, avec pas moins de trente-sept long-métrages à son actif, de Hausu (House /1977) à Toki o Kakeru Shôjo (The Girl who Cut Time /1983), en passant par l’animation avec Shônen Keniya (Kenya Boy /1984), l’émouvant Futari (1991), la comédie policière délirante avec Kindaichi Kyosuke no Boken (1979), ou encore le très beau Haruka, Nosutarujii (1992) et Nerawareta Gakuen - dans lequel Hiroko Yakushimaru est une jeune collégienne aux pouvoirs extrasensoriels ! - (1983), pour ne citer qu’une poignée de ses oeuvres... Huitième film d’Ôbayashi, Tenkôsei, sous couvert d’un conte fantastique, est une plongée dans l’adolescence...

Dès les premières images de son film, Ôbayashi nous transporte dans un monde emprunt de nostalgie... des images en noir et blanc filmées en super-8, nous montrent la jolie ville d’Onomichi, située dans la préfecture d’Hiroshima. Terre natale d’Ôbayashi, amoureux fou des paysages de la petite ville située en bord de mer, qui retranscrit non sans une certaine émotion ses souvenirs d’enfance dans un triptyque filmique qu’il nomme la "trilogie d’Onomichi" [1] (composée des films Tenkôsei, Toki o Kakeru Shôjo et Sabishinbou)... Ses films auront permis à bon nombre de japonais de situer Onomichi sur une carte.

La nostalgie - élément récurrent de l’œuvre d’Ôbayashi -, et plus particulièrement de l’enfance, et d’une certaine innocence... Tenkôsei est une sorte de conte "fantasticomique" qui nous transporte donc dans l’univers des adolescents, d’une manière peu commune. Ôbayashi utilise principalement l’humour provoqué par la situation en elle-même, pour nous faire part des craintes rencontrées par des jeunes dont les transformations physiques, amènent à se poser tout un tas de questions qu’ils ne s’étaient jamais posées auparavant...

A la (re)découverte de son corps...

Kazuo devient une fille, et Kazumi un garçon. C’est très simple, et pourtant... les changements de l’adolescence, la transformation d’un enfant en adulte... Tenkôsei est une métaphore évidente de cette phase de crise traversée plus ou moins bien par nous tous. Seuls devant leurs miroirs, les deux jeunes s’observent, ou plutôt scrutent ce nouveau corps qui les effraie et les attire. Kazumi est étonnée et ne sait pas comment réagir face à sa "première" érection... quant à Kazuo, il est effrayé par ses "premières" règles, et est tellement traumatisé qu’il sèche les cours... Difficile d’accepter ce nouveau corps : ennemi ou ami, c’est à eux de trouver la réponse au fond de leur être, en tentant de l’apprivoiser...

En dehors des considérations purement liées au physique et à ses transformations, c’est à leur rôle dans la société que nos deux héros vont se confronter, et à l’image qu’ils renvoient. Qu’est-ce qu’être un homme ? Qu’est-ce qu’être une femme ?... La société impose ses codes, et les deux apprentis adultes en sont conscients... Pourtant, il est difficile de toujours devoir s’abaisser devant tant de contraintes. "Une jeune femme ne se tient pas comme ça !... Une jeune femme ne parle pas de cette manière !... Une jeune femme ne s’habille pas ainsi !..." - autant d’interdictions qui agacent un Kazuo prisonnier de ce corps, qui l’empêche d’agir comme il veut. Il en est de même pour Kazumi, qui dans son corps de garçon, fait preuve d’une "trop grande sensibilité", si bien que tout son entourage se pose des questions... Nos deux jeunes héros vont apprendre à leur dépend que chacun a un rôle dans la vie, et qu’il renvoie une image déterminée par le regard de "l’autre"...

En adaptant le roman de Yamanaka, Ôbayashi pose les bases de son cinéma. Un cinéma profondément humain, qui capture les instants de bonheur et de désespoir, un cinéma empli d’humour, d’Amour et de nostalgie... à l’image de la vie... Dans les rôles de Kazuo/Kazumi et Kazumi/Kazuo, deux jeunes acteurs au talent pour lequel je ne saurais tarir d’éloges !
Satomi Kobayashi d’abord, totalement géniale - et le mot est faible ! - dans le rôle de Kazumi "fille" puis Kazumi. Ses mimiques, son comportement, ses gestes... tout fait d’elle un garçon, alors qu’elle a le physique d’une jeune fille... On a pu la voir dans un grand nombre de dorama (Best Friend, Kira Kira Hikaru, Miss Diamond, Chushingura 1/47) et une quinzaine de long-métrages dont Sabishinbou (Nobuhiko Ôbayashi /1985), Gojira tai Mosura (Godzilla vs. Mothra - Takao Okawara /1992) ou plus récemment Ryoma no Tsuma to Sono Otto to Aijin (Jun Ichikawa /2002). En dehors de son métier de comédienne, Satomi Kobayashi est également écrivain (son livre le plus connu est Madamu Kobayashi no Yûga na Seikatsu).

A ses côtés, le non moins talentueux Toshinori Omi, qui interprète donc tour à tour Kazuo "garçon"... et Kazuo. Il est terrible ! Sa façon de marcher, de courir, ses regards pleins de sensibilité, son comportement d’une féminité discrète et pourtant bien présente... Non vraiment, ces deux jeunes acteurs nous offrent un spectacle d’une richesse de jeu extrême. Toshinori Omi, qui a joué dans pas moins de cinquante-six films à ce jour, parmi lesquels bon nombre réalisés par Ôbayashi (Haishi, Shimaizaka, Futari, Ashita,...), mais également les deux chroniques adolescentes de Shinji Somai, Tonda Couple et Typhoon Club, sans oublier des films aussi éclectiques que Revolver (Toshiya Fujita /1988), Ikinai (Hiroshi Shimizu /1998), Kaza-Hana (Shinji Somai /2000), Stacy (Naoyuki Tomomatsu /2001) ou encore Tasogare Seibei (The Twilight Samurai - Yoji Yamada /2002)...

Gravitent tout autour de ce tandem génialissime, de grandes pointures tels - parmi tant d’autres - le grand Jo Shishido (La Barrière de la Chair, La Marque du Tueur), la magnifique Etsuko Shiomi (Satomi Hakkenden, Nidaime wa Christian) ou encore l’inimitable Kirin Kiki (39 - Keihô Dai Sanjûkyu Jô, Pistol Opera)...

Magnifique fable, Tenkôsei relate la complexité de certains moments de l’existence avec une simplicité quasi-enfantine. Nobuhiko Ôbayashi a compris l’essence même de l’adolescence, passage obligé vers l’état d’ "adulte", et c’est en confiant le(s) mot(s) de la fin à ses deux jeunes héros, qu’il clôt son film de la plus belle manière qui soit, avec un double adieu :

"Sayonara, atashi..."

"Sayonara, ore..."

"Au revoir, moi"... un adieu à l’autre, en même temps qu’un adieu à son propre corps... Ôbayashi laisse le spectateur emprunt d’un sentiment de bonheur intense teinté de tristesse, procuré par la vision d’un instant éphémère et sublime...

DVD (pas vu) | Vap | NTSC | Zone 2 | Format : 1:1:66 - 4/3 | Son : Mono | Suppléments : 27 minutes de trailer, un message de Nobuhiko Ôbayashi, films en 8mm utilisés dans le film (tournés par Ôbayashi lui-même), documentaire...

Ce DVD ne contient pas le moindre sous-titre.

Bonus
Site Officiel de la ville d'Onomichi: http://www.city.onomichi.hiroshima.jp

[1Entre 1991 et 1999, une nouvelle trilogie d’Onomichi - Shin Onomichi Trilogy - composée des films Futari, Ashita et Ano. Natsunohi Tondero Jiichan vit le jour.

- Article paru le jeudi 24 avril 2003

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