La Rose sauvage
« Etre une femme libérée, tu sais c’est pas si facile... » [1]
La Rose Sauvage est un mélodrame hongkongais réussi, inspiré principalement par l’opéra Carmen, mais également par L’ange bleu de Joseph von Sternberg.
A Hong Kong, un professeur de musique sans le sous, Hanhua, se voit proposer un poste de pianiste dans une boîte de nuit par un des ses anciens amis d’école. Il doit remplacer un musicien dont les ennuis de santé de sa femme, l’empêchent d’être ponctuel. Jeune homme pauvre, fiancé à une institutrice, il va basculer dans le monde interlope de Hong Kong et faire la connaissance de la pétulante chanteuse Sijia.
Ce film ne serait pas aussi réussi sans la présence habitée de Grace Chang. Dans ses meilleurs moments, l’actrice hongkongaise est à la hauteur de Gong Li. Elle se distingue en particulier dans les numéros musicaux répartis tout au long du film. Leurs thèmes évoquent l’état d’esprit présent ou futur des personnages. Un procédé repris par Tsai Ming Liang, admirateur du film, dans plusieurs de ses oeuvres, comme encore récemment dans La saveur de la Pastèque.
Carmen est l’air d’opéra, qui revient le plus souvent, car il illustre le thème central du film : les ravages que peuvent provoquer la passion amoureuse et l’impossibilité de contrôler ses sentiments. « L’amour est une chose bien ordinaire, Rien que de très banal, Les hommes sont des jouets, Ils n’ont rien d’extraordinaires, Qu’est ce donc l’amour... » chante Sijia sur l’air de Carmen au début de Wild Wild Rose, en guise de présentation de son personnage.
Grace Chang incarne une femme chinoise loin de la représentation traditionnelle du cinéma de cette époque. Elle est le négatif de Suxin, la fiancée du professeur de piano, qui est soumise à la tradition comme elle est engoncée dans sa robe Qi Pao [2]. Sijia souhaite elle être maîtresse de son destin. La chanteuse est prête à tout pour conserver sa liberté. Même sous les menaces de brutalité de la part de son ancien mari, le cyclope, elle ne baissera pas la tête.
La Rose Sauvage est un vrai mélodrame, pas un mélo « light ». Certains passages comme la scène de ménage entre la femme sur son lit de mort et son mari, sous les yeux de leurs enfants éplorés, devraient en faire sourire plus d’un.
La mise en scène n’a rien de révolutionnaire, mais le réalisateur fait montre d’un véritable savoir-faire. De même, le jeu des acteurs peut sembler outré par rapport au jeu actuel, mais leur interprétation sonne finalement juste.
« Heureusement », la morale confucéenne de l’obéissance aux parents ne sera pas bafouée...
Diffusé dans le cadre de la rétrospective « Les trésors de la Cathay » au cours du 27ème Festival des 3 Continents, Wild Wild Rose est disponible en DVD HK chez Panorama Entertainment, sous-titré en anglais.
[1] Femme libérée de Cooky Dingler.
[2] La robe traditionnelle chinoise admirablement portée par Maggie Cheung dans In the Mood for Love.



