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Thaïlande

Last Life in the Universe

aka เรื่องรัก น้อยนิด มหาศาล / Ruang rak noi nid mahasan | Thaïlande | 2003 | Un film de Pen Ek Ratanaruang | Avec Tadanobu Asano, Takashi Miike, Daran Boonyasak, Chermarn Boonyasak, Yutaka Matsushige, Riki Takeuchi, Thiti Rhumorn 6, Phimchanok Nala Dube, Junko Nakazawa, Akiko Anraku, Nortioshi Urano

In the mood for suicide.

J’avais été charmé par Last Life in the Universe lors de ma première vision au Festival du film asiatique de Deauville en 2004. Cette tragi-comédie à l’humour noir avait également été appréciée par le reste de la team Sancho. La présence devant la caméra de Daran et Chermarn Boonyasak ne nous avait pas non plus laissés insensibles. Les deux femmes circulant dans leur coccinelle décapotable déglinguée sont magnifiées par Christopher Doyle, qui apporte au film sa palette de tons pastel. Pen-ek Ratanaruang avait également eu le bon goût de faire appel à Tadanobu Asano, Riki Takeuchi et Takashi Miike dans des rôles plus ou moins importants, mais à chaque fois marquants.

Le metteur en scène thaïlandais se trouve en terrain familier : la situation d’une personne suspendue entre deux états, entre deux mondes. Avant de devenir cinéaste, il a vécu la fin de son adolescence et le début de sa vie d’adulte à New York avant de finalement revenir dans son pays natal.

Japonais émigré à Bangkok, Kenji mène une vie solitaire à laquelle il voudrait bien mettre un terme, mais ses tentatives de suicide avortent les unes après les autres. Cette vie tranquille prend fin avec l’arrivée de son frère yakuza, qui est éliminé sauvagement par un autre gangster. Dans sa fuite nocturne, Kenji croise deux sœurs, Noi et Nit, au moment où il tente une nouvelle fois de mettre fin à ses jours. Noi, qui est sur le point de quitter son pays pour le Japon, accueille Kenji dans sa grande maison sens dessus dessous. Une cohabitation malaisée s’installe entre Kenji et Noi, dont les personnalités sont très opposées.

Mais quels secrets cache le visage placide de ce bibliothécaire à la Japan Foundation ? Tadanobu Asano - impeccable de bout en bout - joue un rôle à l’opposé de celui qui était le sien 2 ans auparavant dans Ichi the Killer, de Takashi Miike. Le cinéaste stakhanoviste apparaît à la fin du film en chef yakuza venu réclamer vengeance. Clin d’œil, l’affiche du film est accrochée dans la bibliothèque de la Japan Foundation.

Kenji est présenté comme un ectoplasme, menant une morne vie de bibliothécaire et cherchant à passer dans l’autre monde. Il habite un pays dont il ne parle pas la langue et travaille pour une organisation japonaise. Kenji vit en Thaïlande, mais il pourrait s’agir de n’importe quel pays. La mort ne veut pas de lui : il est constamment interrompu dans son passage à l’acte par des perturbations extérieures : une sonnette, un appel téléphonique... Seule la vision de Nit, jeune entraîneuse venue consulter un livre à la Japan Foundation, l’arrache de sa torpeur.

Son passé n’est jamais évoqué - Pen-ek Ratanaruang donne un indice au détour d’un plan - mais il vient se rappeler à lui de la manière la plus violente, déréglant sa routine.

Le cinéaste thaïlandais filme fréquemment des personnages en phase de transition. Cette thématique est au cœur de plusieurs de ses films. Ploy, réalisé 4 ans plus tard, est centré sur un couple dont le mariage est sur le point de se désagréger.

Dans ces conditions, Pen-ek Ratanaruang donne parfois l’impression que ses films font du surplace, comme ses personnages. La longue séquence dans la maison de Noi, pourra épuiser la patience de certains spectateurs. Pourtant, elle marque le véritable départ du métrage, dont le titre apparaît juste avant l’arrivée de Noi et Kenji dans ce lieu, plus de 30 minutes après le début de Last Life in the Universe.

Leurs personnalités sont opposées - autant il est obnubilé par l’ordre, autant elle est bordélique - mais ils traversent des expériences similaires. Noi s’apprête à connaître au Japon la vie qui est celle de Kenji en Thaïlande. Elle n’y connaît personne et sa maîtrise du japonais se limite à quelques mots.

Cette expérience de vie en commun va peu à peu les rapprocher. Les ingrédients permettant cette alchimie restent très mystérieux, mais Pen-ek Ratanaruang et Christopher Doyle créent une atmosphère envoûtante. L’absence d’explication n’est pas un un gadget, mais l’aveu honnête que certaines choses dans la vie ne peuvent s’expliquer.

A ce propos, le cinéaste thaïlandais - sans pour autant faire de lien avec son film - raconte dans un bonus du DVD comment il en est venu à travailler avec Tadanobu Asano. Les deux hommes ont fait connaissance en se rencontrant lors de festivals alors même qu’ils n’avaient pas de langue commune pour échanger et n’avaient pas grand chose à se dire. Et pourtant, ils sentaient qu’il ne s’agissait pas d’une simple rencontre et qu’ils s’appréciaient.

Fidèle à sa philosophie où rêve et réalité cohabitent, Last Life in the Universe s’achève sans offrir de certitudes aux spectateurs sur le futur de Kenji et de Noi.

- Article paru le vendredi 29 mars 2024

signé Kizushii

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