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Hors-Asie

Le colt, la brute et le karaté

aka Blood Money - Là dove non batte il sole - El Karate, el Colt y el Impostor - Moneda Sangrienta - The Stranger and the Gunfighter | USA / HK / Italie / Espagne | 1974 | Un film de Antonio Margheriti (signé de son pseudo américain Anthony M.Dawson) | Avec Lo Lieh, Lee Van Cleef, Karen Yeh, Femi Benussi, Erika Blanc, Patty Shepard, Julian Ugarte, Goyo Peralta, Al Tung

Des spaghettis sauce saté, ça a l’air un peu bizzarre mais c’est super bon !!

En plein Far West, dans une petite ville californienne du nom de Monterey, un homme profite de l’obscurité de la nuit tombée, pour s’introduire dans la banque du vieux chinois fortuné Wang. Après quelques secondes d’affairement, le premier verrou cède pour laisser place à une seconde porte ornée d’une photographie, montrant la paire de fesses qui semble être celle d’une femme de mauvaise vie. Amusé, l’homme au visage d’aigle, se remet à la besogne. Bientôt la deuxième sécurité saute, et là même chose, une photographie de fesses de prostituée. Une troisième photo persuade le voleur nocturne de la perversion absolue du vieux Wang.

Maintenant excédé de voir autant de protections pour un simple coffre, le cambrioleur décide de plastiquer au C-4 (ou son équivalent de l’époque) la dernière porte du large coffre. Mais tout à coup, le vieux chinois, alerté par la lumière, surgit et met son corps en opposition... il succombe à l’explosion.

Abasourdi par le fait qu’il vient bien indirectement de tuer le propriétaire des lieux, le voleur prend tout de même le temps de vérifier le contenu du coffre. Et là, ultime stupeur, ce dernier ne contient qu’une 4ème photo ainsi qu’un gateau horoscope. Résultats, non seulement il s’est donné tout ce mal pour rien, mais en plus il est passé du stade de simple voleur à celui de meurtrier. Il n’a d’ailleurs pas le temps d’esquiver le moindre geste, puisque le shériff et ses adjoints le coincent.

A des milliers de kilomètres de là, le jeune Wang Ho Kiang, neveu du défunt, prie pour la paix de l’âme de son oncle. Tout à coup des gardes l’assaillent et Wang doit se défendre chichement pour ne pas succomber aux coups. C’est alors qu’il reconnaît les armoiries du seigneur local, mais c’est sous l’injonction du prêtre qu’il se décide à suivre les gardes ; d’autant plus que le seigneur tient en otage toute la famille Wang. A peine Wang a-t-il pénétré dans la cour du palais, qu’il est de nouveau pris à partie par les gardes du Seigneur.

Finalement maîtrisé par ces gardes, Wang apprend que son oncle avait emprunté une très forte somme en or au Seigneur de la région, et qu’à sa mort, ce dernier n’a reçu qu’un vulgaire totem en bois et c’est tout... L’honneur de la famille Wang étant remis en question, le jeune adepte des arts martiaux n’hésite guère. Sa décision est prise : il ira aux Etats-Unis retrouver cet or et le ramènera coûte que coûte. De toute façon, il n’a pas le choix, car le Seigneur déciément très près de ses sous, profère une dernière menace : si Wang ne revient pas avec l’or, toute sa famille sera sommairement exécutée...

Trois mois plus tard, Wang Ho Kiang arrive enfin à Monterey, après un court passage chez le notaire pour récupérer les biens de son oncle qui se réduisent à 4 photographies et un petit gâteau. Dans le meme temps, le notaire lui apprend que le meurtrier de son obsédé d’oncle sera pendu demain matin, comme le chantait Polnareff.

Profitant du racisme anti-chinois, anti-noir, anti-chiens, anti-tout en fait, qui régnait avec fureur à cette époque, Wang parvient à se faire incarcérer dans la cellule voisine du condamné à mort. L’heure est aux présentations :

"- Moi je m'appelle Dakota... Voleur par nécessité, vagabond par plaisir.
- Et moi je m'appelle Wang Ho Kiang... Kung Fu par plaisir, voyageur par nécessité!!"

Puis vient le temps des aveux. Dakota explique qu’il a tenté de retenir le vieux Wang, mais celui-ci en fonçant sur l’épicentre de l’explosion est mort. Se sentant en confiance, Wang lui montre les photos. Dakota lui confirme alors qu’il s’agit de 4 prostituées que le vieux banquier entretenait : 1 russe, 1 américaine, 1 petite italienne et 1 chinoise bien entendu, sinon il n’y aurait pas de love story. Puis tout s’éclaire, à la lecture du fameux message à l’intérieur du gâteau-horoscope : "Chaque femme photographiée a sur son derrière une fortune". Après un léger cours d’anatomie sur l’intimité postérieure de la femme :

"- Le derrière... mais qu'est-ce que c'est??
- Le derrière, c'est les fesses!"

Wang Ho Kiang comprend que s’il veut mettre la main sur la magot et ainsi sauver sa famille, il doit impérativement retrouver les fesses des quatres femmes tatouées. Mais dans cet ouest sauvage, l’art du Kung-Fu ne suffira pas. Aussi Wang décide de sauver de la corde Dakota. Celui-ci ayant une dette envers le jeune chinois, mettra son colt à son service.

"Les méchants pourriront en enfer. Verset 15. Chapitre 2"

En premier lieu, leur route croisera celle du dénommé Yancy Hobitt (de taille normale), meurtrier, voleur, pasteur ambulant et surtout conjoint d’une des prostituées. L’homme d’Eglise au "volant" de sa chapelle-mobile-home n’hésite pas à prêcher et à citer des passages entiers de La Bible, dans les bordels de toutes les villes dans lesquelles il fait escale. Connaissant les Saintes Ecritures sur le bout de son six coups, il erre de ville en ville pour punir les pêcheurs. Un peu à la manière du Super-Bouffon ou de Ghost Rider, vous savez ce genre de curieux personnages qui se laissent aveugler par la haine, la fureur ou la vengeance pour commettre des assassinats, et qui souvent se cachent derrière la religion :

"The Inquisition !! What a show !! The Inquisition !! Here we go !!" [1]

Dakota et Wang retrouvent la trace de cet illuminé et après avoir examiné le bas du dos de la femme du pasteur, et bien entendu noté la signification du message tatoué, se remettent en route, non sans s’être attiré la haine de Yancy Hobbit. Ce dernier justement va, lui aussi, chercher main forte, en la personne d’un indien de 2m apparement incassable. Ainsi ce prédicateur n’a pas encore dit son dernier mot, enfin sa dernière citation... et c’est maintenant lui qui se lance à la poursuite de Wang et Dakota.

Le moins que l’on puisse dire c’est que l’on est bien loin du cliché des chinois tenant une blanchisserie ou installant des kilomètres de chemin de fer. Ici, un chinois peut être un riche propriétaire terrien et même le directeur d’une banque qui ne désemplit pas. Mais Le Colt, la Brute et le Karaté (CBK) est avant toute chose un duo d’acteur inattendu et surtout qui fonctionne somptueusement. Bien au delà d’un chinois rencontrant un américain, ou du simple film de découverte de l’étranger, ou encore d’un choc de cultures radicalement opposées, CBK est l’histoire d’une amitié, d’un homme croisant le chemin d’un autre homme. C’est le conte d’une association, celui de deux destinées, l’une jonchée d’orgueil et d’honneur et l’autre semée de coups durs et de fatalité.

Cette association se traduit la plupart du temps par des échanges de dialogues d’anthologie. D’un coté, nous avons Lo Lieh... et qu’ajouter de plus que ce qui a déjà été dit sur lui. C’est un acteur complet, aux arts martiaux de grande qualité, à la gestuelle parfaite, et aux jeux de regards incroyables (celui qu’il a devant le panneau interdisant l’accès du bar aux noirs, aux chinois et aux chiens !!). Lo Lieh est aussi à l’aise en costume d’époque, que dans des films plus contemporains (Kidnap) ; il n’y a peut-être que dans le registre de la comédie qu’il n’a jamais osé s’aventurer, quoique qu’en y repensant Human Lanterns est assez drôle parfois. Bref en un mot comme en cent, Lo Lieh est l’Acteur par excellence, celui avec un grand A. Lo Lieh tournera un autre film en Italie la même année, le non moins célèbre Supermen against the Orient (Crash che botte ! de Bitto Albertini).

"Tes fesses ressemblent au Livre d’Or du Palais de Pékin !!"

Lee Van Cleef, lui d’habitude si calme dans les Leone, jubile de scènes en scènes, un peu à la manière de Charles Bronson dans Soleil Rouge (Red Sun de Terence Young, 1971). Tout est prétexte à la jubilation pour Dakota. La première fois qu’il goûte à la liqueur chinoise de Wang : "Vous les chinois, vous avez le gosier en fer !!" ; ou bien la scène du casino. Et il faut voir la tête qu’il tire quand Wang propose 200.000 dollars à un homme pour voir les fesses de sa femme. Ou encore celle qu’il a lors de cette merveilleuse séquence de dédicace de fondements féminin... suivi plus tard par une danse et des chants tout en signant des paires de fesses à tout va. En fait, Lee Van Cleef, dans ce film, est une vraie star. Il parle avec un accent anglais, et n’hésite pas à donner de sa personne pendant qu’il reçoit des coups de fouet. Son comportement est tellement exceptionnel que l’on aurait tendance à croire qu’il possède un lointain parent d’origine asiatique. Et puis c’est pas tous les jours que l’on voit Lee Van Cleef torse nu.

CKB est aussi un film aux dialogues soignés :

"- Je dois voir le derrière!!
- Qu'est-ce que tu veux paien?
- Je veux l'illumination."

parfois incompréhensibles : "Ton oncle, c’est pas une tante !!", quelquefois criant de vérité : "J’ai passé plus de temps en prison qu’un gardien à la retraite !!" et finalement assez crus :

"- Fils de dame qui fait faveur pour argent!
- Dis fils de pute, ça ira plus vite!!"

Mais n’allez pas croire que CBK ne se réduit qu’à ça. Ce n’est pas un nanard, loin de là. C’est un film unique, ne serait-ce que par son casting, ses sublimes ralentis et son cinémascope grandement employé, mais aussi par son humour beaucoup plus moderne et subtil qu’il n’y paraît. Je pense notamment au servant farfelu qui ne parle que la langue indienne, car il pense que c’est la langue nationale ; ou encore l’une des prostituées proposant des réductions de groupe (20% rien que ça) en échange d’un coup d’œil sur ses fesses. Et puis eh oh, un combat kung-fu/tomahawk vous en connaissez beaucoup vous ?

Antonio Margheriti pour les paiens est l’homme qui nous fournira le plus italien des piranhas avec son Killer Fish, vous savez celui avec Lee Majors. Notons qu’il fut crédité en Italie, comme réalisateur de Flesh for Frankenstein et Blood for Dracula sensés être tous deux réalisés par Morrissey. On lui doit des films aux titres tous évocateurs, je pense notamment à Cannibal Apocalypse (1980), La morte negli occhi del gatto (1973), ou encore Hercules against Karate (1973)... La mort d’Antonio Margheriti fut celle d’un grand petit monsieur et aussi une grande perte... Une ultime remarque Margheriti est décédé deux jours après Lo Lieh, le 4 novembre 2002.

Ah mais j’allais oublier de décerner une palme Sancho toute spéciale à Julian Ugarte qui propulse le rôle du méchant Yancy Hobitt, dans une galaxie encore jamais explorée. Allez pour le plaisir, je laisserais le mot de la fin à Lee Van Cleef :

"J’ai hate de voir son derrière à cette Grande Muraille de Chine !!"

Diffusé il y a quelques mois sur TPS dans une très belle copie, CBK reste encore trouvable en bonne vieille VHS.

Il existe aussi un DVD anglais édité en 2001. Le film n’est présenté qu’en anglais et est tout simplement mis en plein cadre au lieu du 2.35 original. Une piste 5.1 et une en stéréo viennent remplacées le mono d’origine. Le DVD ne contient pas de sous-titres non plus... un bien bel objet sans le moindre doute !!

Un DVD allemand existe également.

[1Chanson interprétée et chorégraphiée par Torquemada, Grand Inquisiteur de son état dans La Folle Histoire du Monde de Mel Brooks.

- Article paru le vendredi 27 février 2004

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