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Chine | La Chine à Chaillot en 100 films

Le détachement féminin rouge

Version film : aka Hongse niangzijun | Chine | 1961 | Un film de Xie Jin | Avec Zhu Xijuan, Wang Xinggang, Chen Qiang, Niu Ben, Xiang Mei // Version ballet : aka Hongse niangzijun | Chine | 1970 | Un film de Cheng Yin

"Avance, Avance ! Lourd est le fardeau du soldat, profonde est la haine chez la femme..."

La Chine à Chaillot aura été l’occasion de visionner la version film réalisé par Xie Jin et le ballet filmé par Cheng Yin du Détachement féminin rouge. Un spectacle qui a été l’emblème culturel de la révolution du même nom.

Dans les années trente sur l’ile d’Hainan comme sur le continent chinois, la guerre civile oppose les nationalistes du Kuomintang sous la direction de Chang Kai-Chek aux communistes de Mao Tsé-Toung. Wu Qionghua (Zhu Xijuan), esclave du propriétaire terrien Nan Batian, qui a tué son père, n’a de cesse de s’enfuir pour rejoindre un détachement de l’armée rouge entièrement composé de femmes. Un cadre du parti en reconnaissance, Hong Changqing (Wang Xingan), déguisé en riche bourgeois la reçoit en cadeau de Nan Batian, dans l’espoir qu’il fasse jouer ses relations supposées afin de recevoir des armes pour combattre l’insurrection communiste. Wu Qionghua rejoint le détachement de l’armée rouge, en compagnie d’une paysanne qui était mariée à un Bouddha en bois. Le récit retrace l’évolution idéologique de Wu Qionghua, de sa soif de revanche "stérile et égoiste" à l’éveil à la conscience révolutionnaire, par l’intermédiaire de plusieurs épisodes mettant en scène la guerrilla communiste.

Si la propagande communiste véhiculée par le film peut être pesante, elle est parfois également pour les spectateurs actuels source de rire. Mais pourquoi Hong Changqing est-il si avancé se demandent les deux amies ? La réponse devient subitement évidente, parce qu’il est au parti communiste. Nous aussi nous devons en devenir membres ! Rires garantis dans la salle.

L’apothèose du film intervient lorsque Hong Changqing demande à Wu Qionghua de quitter la position sur laquelle ils ont résisté contre les troupes du Kuomintang et les chemises noires locales, alors que lui va rester sur place pour couvrir leur retraite. Leur relation est celle de de l’admiration d’une novice pour un vrai militant communiste sur lequel il faut prendre exemple. Pourtant leur rapport sous-jacent est celui d’amoureux. Cependant, au lieu de la traditionnelle déclaration d’amour attendue, Changqing lui apprend, avant qu’ils ne séparent sans doute pour toujours, que sa demande d’adhésion au parti communiste a été acceptée. "Tu n’es plus un simple soldat, tu es devenue une militante du prolétariat !" lui déclare-t-il ainsi. Sans doute une des plus belles déclarations d’amour de l’histoire du cinéma.

Le réalisateur n’a toutefois pas simplement réalisé un film de propagande, Le détachement féminin rouge dispose de vraies qualités filmiques. Xie Jin réussit à faire passer un vrai souffle dans certaines scènes, avec une photographie et un montage de qualité que vient dynamiser la musique. Même si celle-ci s’avère une version sinisée de L’International. Dans le cadres des figures imposées, une des plus belles séquences du film est celle de la fraternisation entre les paysans (le prolétariat chinois sur lequel s’appuie Mao pour sa révolution) et l’armée rouge lors de la récolte, qui se clôture par un "banquet" champêtre.

"Le pouvoir est au bout du fusil." [1]

L’histoire que retrace Le détachement féminin rouge a ensuite été adaptée en ballet, qui a été retranscrit sur pellicule en 1970. Une adaptation commanditée par la femme de Mao, Jiang Qin, ancienne actrice dans les années 30 à Shanghai (encore une histoire d’artiste contrarié après celle désastreuse du peintre raté autrichien), qui en fera le spectacle officiel de la révolution culturelle.

Première incursion pour moi dans un genre peu développé - celui du ballet filmé, qui plus est spectacle de propagande -, l’expérience s’est finalement révélée concluante. L’histoire recentrée sur l’ex-esclave Wu Qionghua et Hong Changqing, et la dynamique du ballet a fait que celui-ci s’est clôturé étonnament vite... On retiendra quelques belles scènes comme la charge des ballerines fusil en pointe, écrasées par le ciel qui occupe la majeure partie de l’image. Ce ballet met en mouvement les postures des affiches de propagande chinoises - que de poings tendus !

Pour la petite histoire, lors de la révolution culturelle le réalisateur Xie Jin s’est retrouvé dans le cadre de sa rééducation à nettoyer le sol des studios de Shanghai, avant d’être expédié dans une ferme... Jiang Qin finira par le faire réhabiliter.

Diffusé à la Cinémathèque Française (Paris) dans le cadre de la rétrospective "La Chine à Chaillot en 100 films".

[1Citation de Mao mise en exergue du ballet filmé.

- Article paru le mardi 6 janvier 2004

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