Le Village aux Huit Tombes
Le détective le plus fameux de la littérature nippone nous revient au cinéma sous les traits de Etsushi Toyokawa dirigé par le maître Ichikawa...
1950. Tatsuya Terada est un jeune homme âgé de vingt-neuf ans qui vît médiocrement dans le Japon d’après-guerre. Un beau jour, il apprend qu’il est recherché par quelqu’un de sa famille, lui, l’enfant illégitime... A mi-chemin entre Kyôto et Hiroshima, le village aux huit tombes se trouve au beau milieu des montagnes. C’est là qu’il doit se rendre afin de rencontrer sa famille. Son arrivée coïncide étrangement avec une vague de meurtres qui effraient les villageois et les rendent encore plus méfiants à l’égard du jeune étranger. Aidé du détective Kyosuke Kindaichi, il se rend compte que les crimes sont commis selon une mécanique étrange qui aurait un rapport avec une malédiction qui touche tous les membres d’une famille... Quel est le terrible secret de ce village ? Que s’est-il passé plusieurs siècles auparavant ? Qui est le mystérieux meurtrier ?...
Yatsu Hakamura [1] est la quatrième adaptation des aventures du Détective Kindaichi portée par Kon Ichikawa à l’écran, et ce près de vingt ans après les trois premières, Inugamike no Ichizoku (1976), Akuma no Temari Uta et Gokumon To (tous deux en 1977). Kindaichi est un héros crée par l’écrivain Seishi Yokomizo (1902-1981), dont les tribulations furent adaptées aussi bien à la télévision, qu’au cinéma [2] ou encore en manga et jeux videos... bref, un personnage incontournable !
Cet "épisode" dont l’action se situe dans le Japon d’après-guerre est donc l’adaptation du roman éponyme paru en 1951... et là est le problème ! Hum, je m’explique, car je vais faire une chose que je déteste...
Yatsu Hakamura est tout simplement un chef-d’œuvre de la littérature policière contemporaine ; une multitude de personnages fouillés, qui possèdent tous une psychologie travaillée, un savant dosage d’humour et d’horreur, ajoutez à cela un style simple mais pas simpliste et vous obtenez un magnifique livre d’un peu moins de quatre cent pages qui se dévore d’une traite. Evidemment, adapter un livre n’est jamais une chose aisée, qui plus est, lorsque ce dernier est réussi, y compris quand on s’appelle Ichikawa... Alors voilà, s’il y a bien une chose que j’abhorre, ce sont les gens qui disent "Pouahhh ! ce film ne vaut pas le livre !!!". Allez savoir pourquoi ?... peut-être parce que j’adore (et le mot est faible !) le film Dune (David Lynch /1984), tout en aimant les livres d’Herbert... mais le truc, c’est que lorsque j’ai vu le film de Lynch en salle, j’avais sept ans et je n’avais pas encore eu le bonheur de lire la saga de Frank Herbert. Quoi qu’il en soit, je pense que les histoires de "préférence du film ou du livre" dépendent tout simplement de la chronologie de la découverte ; en gros, j’ai vu le film d’abord donc j’aime le film, et j’ai lu le livre d’abord donc je préfère le livre... aïe aïe aïe !!! Désolé monsieur Ichikawa, vous allez faire les frais de ma petitesse d’esprit soudaine... mais tout ça, c’est de la faute de Yokomizo !...
Bon en fait, j’aime l’œuvre de Kon Ichikawa, et il me paraîtrait un peu simple de décrédibiliser son film sous prétexte que le livre était devenu le plus grand film policier de l’histoire du Japon dans ma p’tite tête de Français (et je ne vous parle même pas du casting !)... Non, ce serait purement et simplement anti-sancho !
Au niveau de la mise en scène, on sent malgré tout qu’Ichikawa ne s’est pas particulièrement "éclaté" ; la plupart du temps, le film fait preuve d’un classicisme graphique à en faire pâlir André Rieu (Oh zut ! je m’étais promis de ne jamais écrire de gros mots !!! désolé !)... argh ! là ça ne va plus du tout, parler de ce truc informe qui fait croire qu’il aime la musique au beau milieu d’un article sur un film de Kon Ichikawa... non mais Kuro, ressaisis-toi !!... Bon bref, il est vrai que dans ses grandes lignes, la réalisation de Yatsu Hakamura ne brille pas par ses facéties visuelles, hormis lors des flash-backs, gores à souhait, tournés dans un noir et blanc contrasté très vite empli d’hémoglobine, bien rouge quant à elle...
Alors que dans les trois premières adaptations cinématographiques d’Ichikawa des aventures de Kindaichi, le rôle titre était tenu par l’acteur Koji Ishizaka (Biruma no Tatekoto, Tenkawa Densetsu Satsujin Jiken), c’est cette fois au tour du toujours excellent Etsushi Toyokawa - de Undo à Lie Lie Lie en passant par Love Letter ou Misty - de reprendre le personnage du détective. A ses côtés, toute une cohorte d’actrices et d’acteurs excellents, de Ittoku Kishibe (Samehada Otoko to Momojiri Onna, 39 - Keihô Dai Sanjûkyû Jô) à Kazuya Takahashi (souvenez vous, il était le héros du sublime Kamikaze Taxi de Masato Harada) en passant par Renji Ishibashi (Ryoma Ansatsu, Chûgoku no Chôjin), Yûko Asano (Gokumon To, Dora Heita), Mai Kitajima (Gonin 2, Omocha), et j’en passe...
Bon, Yatsu Hakamura n’est pas un mauvais film, loin de moi cette idée, et l’interprétation de ses comédiens est pour beaucoup dans le côté sympathique qui se dégage de cette tragédie (oui parce que mine de rien, cette histoire n’a rien de drôle)... En fait, le principal reproche que je puisse faire au film, est sa trop courte durée (un peu plus de deux heures), qui ne permet pas à Ichikawa de développer suffisamment certains personnages... Alors finalement, si vous avez lu le livre original, essayez de l’oublier et tentez d’aborder le film vierge de toute idée que vous vous étiez faite ; quant à ceux qui n’ont pas lu le roman de Yokomizo, la vision de la version d’Ichikawa vous donnera sans aucun doute l’envie de le découvrir...
En VHS au Japon.
En VCD et LD (épuisé) sous-titré et au format à Hong Kong.
Yatsu Hakamura le roman, est traduit en France aux éditions Philippe Picquier (louons cet éditeur !) sous le titre Le Village aux Huit Tombes... vous n’avez aucune excuses puisqu’il est également sorti en format de poche ; tous chez vos libraires !!!
[1] Yatsu Hakamura fût adapté deux fois au cinéma avant que Kon Ichikawa ne choisisse lui-même d’en réaliser sa propre version ; en 1951 par Sadatsugu Matsuda et en 1977 par Yoshitaro Nakamura, sans parler de la poignée de téléfilms existants...
[2] Une autre adaptation cinématographique fort connue des aventure de Kindaichi (Kindaichi Kyosuke no Boken) fût réalisée en 1979 par Nobuhiko Ôbayashi (sous l’égide de Haruki Kadokawa), avec Ikkou Furuya dans le rôle titre.



