Lust in Hell – Edge of the World
Fraîchement échappée d’un hôpital psychiatrique, Koto Sagara (Mari Sakurai) arpente les rues de Tokyo en kimono et geta [1], lorsque, rendue à un carrefour, elle aperçoit un jeune homme sur le point de se jeter d’un pont. Décourageant le suicidaire, Shinji Habara, elle découvre qu’elle partage avec lui le deuil automobile d’êtres proches : ses parents pour elle, sa petite amie pour lui. Ce que Shinji, accessoirement tueur à gages en congé sabbatique, ne partage pas, par contre, c’est la capacité post-traumatique de la jeune femme à communiquer avec l’au-delà. Qu’importe : non contente de causer avec les défunts, elle est aussi capable de leur faire franchir la membrane qui nous sépare des enfers, singulière fleur écarlate. Du coup, Shinji croise sa décédée bien aimée, et son boss, Sonezaki, un frère qu’il a lui-même assassiné. Lequel patron, en passant, est bien décidé à exécuter Shinji, tueur qui ne veut plus tuer…
Il n’y a qu’au Japon, et plus particulièrement dans l’univers merveilleux du v-cinema, que l’on peut croiser de tels synopsis, forcément portés à l’écran avec une pincée de nudité et quelques accouplements parfaitement gratuits. Mari Sakurai (Big Tits Zombie) incarne avec candeur et générosité une héroïne simplette et couche-toi-là, qui s’offre en réconfort à un Shinji déconcerté qu’elle connaît à peine, autant qu’à l’appétit de la petite amie de Sonezaki, impétueuse Anko. Une légèreté quelque peu contradictoire avec l’emprise de la mort sur l’édifice, mais que le réalisateur Tadashi Shimizu parvient à assumer avec une certaine aisance. Ne cédant jamais aux sirènes de l’exploitation sur-réalisée, Shimizu filme ses ébats au plus près, caméra à la main, sans effet ni le moindre appui musical. Il dédramatise ainsi la gratuité des égarements érotiques, transférant sa culpabilité au seul spectateur, et s’engaillardit d’un sérieux que Lust in Hell ne méritait sûrement pas.
C’est cette façon d’assumer de bout en bout son métrage, qui permet à Shimizu de s’en sortir avec les honneurs, dans l’érotisme comme dans l’horreur. Certes, cette fleur qui sert de portail vers l’au-delà, hautement synthétique, est un peu désuète, mais elle prolonge la nonchalance dont fait sans cesse preuve Lust in Hell dans la juxtaposition de ses sujets et ses tons. Et les créatures qui reviennent de l’au-delà, elles, ne sont aucunement risibles, réincarnations humaines rampantes, recouvertes d’une espèce de goudron, appréhendées sans fioriture ou exagération à même de les tourner en ridicule. Seul point sombre de l’entreprise : le docteur de Koto, pénible et tout en surjeu, qui fragilise et contredit un temps l’aplomb retenu de Shimizu et n’apporte qu’une démagogie un peu vaine à l’histoire, même si c’est son intervention qui permet d’exposer l’étendue des « talents » de Koto.
On pourra buter aussi sur les extrémités redondantes du film, qui nous montrent le grand-père de Koto conter quelque récit d’épouvante faisant plus ou moins écho à l’errance de l’héroïne entre la vie et la mort, car Lust in Hell n’avait pas besoin de cette dimension pour être, à sa façon, cohérent. Mais ce sont des détails : pour ce qu’il est – à savoir un petit opus de v-cinema, à réserver aux amateurs – Lust in Hell est une sympathique réussite.
Lust in Hell est disponible au Japon, bien entendu, mais aussi en DVD US sous-titré anglais. Ce qui, malheureusement, n’est pas le cas de sa suite, Lust in Hell II – Farewells.
[1] Chaussures japonaises traditionnelles.





