Marks
Quand polar rime avec étrange...
Le corps d’un ex-yakuza est retrouvé dans un quartier de Tôkyô. Quelques jours plus tard, c’est celui d’un officiel du ministère de la justice que la police découvre. Ces deux assassinats pourraient sembler n’avoir aucun lien si ce n’est le procédé utilisé par le meurtrier, à chaque fois identique ; il signe ses méfaits d’une blessure transperçant l’œil gauche pour se terminer à l’extrémité du crâne... L’enquête sur le premier meurtre est attribuée à l’inspecteur Aida, un flic taciturne aux méthodes un peu particulières... Quant à la seconde affaire, c’est à une division "concurrente" qu’elle est confiée...
Un jeune homme prénommé Hiroyuki, est relâché d’un asile psychiatrique dans lequel il était enfermé depuis son enfance, après qu’il eut été retrouvé errant seul au milieu des montagnes... Il semble également que les victimes ont appartenu au même club d’alpinisme à l’université. L’enquête rame... mais Aida, en perpétuelle lutte contre ses collègues ne baisse pas les bras. Il s’intéresse à une étrange inscription trouvée dans le journal intime d’Hiroyuki : MARKS...
Pas évident de s’y retrouver dans ce polar pour le moins tortueux qui, au premier abord, nous laisse perplexe devant une intrigue pour le moins alambiquée. Pour son huitième film [1], Yoichi Sai nous entraîne dans un univers à mi-chemin entre un onirisme sombre et une réalité plus que concrète...
Oppressant, confus, violent, statique, baroque... Autant d’adjectifs qui conviendraient parfaitement pour décrire Maakusu no Yama, étrange film dans lequel le spectateur se pose tellement de questions qu’il finit par se laisser transporter sans réfléchir, ennivré par des images hantées par les rares souvenirs d’un jeune homme à qui on vola l’enfance, pour ne pas dire la vie...
Aida, le flic, se pose lui aussi bon nombre de questions... auxquelles il ne parvient pas à trouver la moindre réponse. "Dur boulot que d’être flic !", est un peu le gimmick de notre héros malheureux, qui a beau se creuser les méninges... en vain. Alors que ses "collègues", adeptes de l’investigation "les pieds sous le bureau" ne lui facilitent pas la tâche, il se retrouve - en plus ! - confronté à une terrible réalité : ses rares pistes ne mènent à rien. Puis, tandis que le film progresse et que Aida semble de plus en plus tourner en ronds, certains éléments sont "dévoilés" au spectateur qui peut alors commencer un processus d’analyse... tenter de recomposer un puzzle dont les pièces seraient toutes identiques mais se transformeraient une fois posées.
Et pendant ce temps, Aida disparaît tout simplement de l’écran, et ce pendant plusieurs dizaines de minutes ; on ne le voit pas, il ne voit pas, donc il ne comprend pas, alors que nous commençons à comprendre...
...avec Maakusu no Yama, Yoichi Sai s’aventure sur un terrain difficile et rarement exploré jusqu’ici ; un polar dont l’enquête ne mène à rien de véritablement concret...
C’est Kiichi Nakai, fils de Keiji Sada - grand acteur vu dans Toi Kumo (Keisuke Kinoshita /1955), Ohayou (Yasujiro Ozu /1959), Ningen no Joken I & II (Masaki Kobayashi /1959) ou encore Sanma no Aji (Yasujiro Ozu /1962), il décède dans un accident de voiture à l’âge de trente-sept ans en 1964 - qui interprète avec talent l’inspecteur Aida. On a pu le voir dans Biruma no Tatekoto (Kon Ichikawa /1985), Eiga Joyu (Kon Ichikawa /1987), Shijushichinin no Shikaku (Kon Ichikawa /1994), Fukuro no Shiro (Owl’s Castle - Masahiro Shinoda /1999), ou encore dans le sketch Samurai Cellular de Yo Nimo Kimyo na Monogatari (Tales of the Unusual /2000), mais aussi Nihon no Kuroi Natsu - Enzai (Kei Kumai /2001) ou Hotaru (Yasuo Furuhata /2001). A ses côtés pas mal de beau monde, entre autres et dans le désordre Masato Hagiwara (Cure, Chaos), Masato Furuoya (Arashigaoka, Whiteout), Nenji Kobayashi (Yasha, Hotaru), Ittoku Kishibe (Samehada Otoko to Momojiri Onna, 39 - Keihô Dai Sanjûkyû jô), sans oublier Susumu Terajima, Kenichi Endo et Ren Osugi - que tous trois l’on ne présente plus !
L’intrigue de Maakusu no Yama est véritablement ardue, difficile. Ici la logique n’est pas... à moins que l’enquêteur - et le spectateur - tente justement de chercher à rendre compliqué ce qui peut être simple... en tous cas, Yoichi Sai signe un thriller hors normes et envoûtant, un polar hypnotique et brillant qui ne vous laissera certainement pas indifférent.
En VHS au Japon, le LaserDisc étant aujourd’hui épuisé.
VCD (HK) | Asia Video Publishing | Film présenté au format [1:85] avec sous-titres chinois et anglais.
[1] Cf. article Jukkai no Mosukîto.


