Minbô no Onna
Les yakuza ridiculisés dans une farce aux accents dramatiques...
Le grand Hôtel de luxe Europe, cherche à obtenir le contrat lui permettant d’accueillir des officiels du monde entier lors de la tenue à Tôkyô d’un sommet international...
malheureusement, il est le squat préféré de tous les clans yakuza de la ville, qui en font leur résidence secondaire, importunant clients et personnel. Acculé par les sommes d’argent faramineuses demandées par les mafieux, et par le conseil d’administration qui demande des comptes sur ces dépenses "non justifiées", le directeur de l’hôtel décide avec ses supérieurs, de créer une cellule anti-yakuza... mais personne n’ose s’en charger, de peur des représailles. Suzuki, le comptable, et Wakasugi, le portier, sont désignés malgré eux... ils tentent tout leur possible, mais les yakuza sont de durs interlocuteurs et très vite, les dépenses de l’hôtel vont de plus belle... Le conseil d’administration se réunit alors pour trouver une solution réelle, et décide d’engager Mahiru Inoue, avocate experte dans le Minbô...
Minbô [aka Minji Kainyu Bôryoku] : poursuivre les auteurs de menaces avec violence.
...réalisateur de dix films dont les excellents Tanpopo et Ageman, acteur dans une quarantaine de long-métrages, notamment dans Kazoku Gêmu (Yoshimitsu Morita) ou Do Re Mi Fa Musume no Chi wa Sawagu (Kiyoshi Kurosawa), également écrivain, Juzo Itami choisit pour son sixième film en tant que metteur en scène, de s’immiscer dans le monde violent des yakuza en étudiant minutieusement leur processus d’action... Sous couvert d’une comédie grinçante, il expose brillamment son point de vue sur la société du crime organisé du pays du soleil levant...
Genre à part entière du cinéma et du paysage audiovisuel nippon (V-Cinema), le Yakuza Eiga a, dans la majeure partie des cas, montré les mafieux en héros, bons ou mauvais... mais en héros ! - de Ken Takakura à Jô Shishido, en passant par ’Beat’ Takeshi et consorts. Avec Minbô no Onna, Itami brise cette image ancrée dans l’esprit occidental en montrant une réalité bien moins emprunte de lyrisme. Si quelques grands metteurs en scène nous ont montré des yakuza pleutres, paumés, junkies ou minables raquetteurs, Itami quant à lui, pointe du doigt les méthodes d’intimidations utilisées par ces hommes qui n’agissent qu’en nombre face aux plus faibles. Bref, ces personnages récurrents du cinéma japonais, voient leur image mise à mal par Juzo Itami qui en fait des pantins décervelés, des caricatures vivantes de ce qu’ils représentent, de véritables images d’Epinal mouvantes, dont le comportement outrancier ne pouvait prêter qu’à rire...
...de la Comédie au Drame...
Toute la première partie de Minbô no Onna est donc naturellement une comédie pure et dure, limite burlesque, où Itami nous montre des yakuza débiles et arrogants prêts à tout pour extorquer de l’argent à leurs victimes. Confrontés à Inoue, avocate peu farouche avec les hommes de la pègre nippone, ils vont se sentir atteints au plus profond de leur "intégrité", puisqu’elle les confronte directement aux lois sans s’écraser devant eux... Tels de grands sales mômes gâtés-pourris, habitués à avoir tout ce qu’ils exigent, ils vont tout tenter afin de sauver leur honneur, invoquant des raisons sans queue ni tête... mais si Itami aime à sa moquer de ces "samurai des temps modernes", il sait que leur univers n’a en réalité rien de drôle, et que le ridicule de certaines méthodes employées n’enlève rien à la violence dont ils font preuve pour parvenir à leurs fins... Minbô no Onna prend alors des accents dramatiques.
Personnage fort du film, Mahiru Inoue est interprété par la femme de Juzo Itami, l’excellente Nobuko Miyamoto, Tanpopo dans Tanpopo, vue également dans les Marusa no Onna - 1 & 2 - (réalisés par son mari), - elle est de toutes façons dans tous les films de Juzo Itami - mais aussi chez d’autres metteurs en scène tels Koki Mitani dans son sympathique Rajio no Jikan, ou Kiyoshi Kurosawa dans Suuîto Hômu - dans lequel elle joue aux côtés de son mari, pour lequel Kurosawa fut l’assistant. Forte et fragile, elle offre à son personnage un panel d’expressions qui va de la grimace éhontée sortie du muet, à un jeu en retenue et en émotion qui prouve tout son talent de comédienne... A ses côtés, les deux employés investis d’une mission, interprétés par Yasuo Daichi, vu dans le culte Bokura no Nanokakan Sensô d’Hiroshi Sugawara ou dans le légendaire dorama Kita no Kuni Kara, et Takehiro Murata, quant à lui grand habitué des Godzilla, vu également dans le magnifique Ashita de Nobuhiko Ôbayashi...
Avec Minbô no Onna, Itami signait son arrêt de mort... sans le savoir. Après la sortie du film, un yakuza rancunier le poignarde, et lacère son visage... Cinq ans plus tard, la pègre nippone s’en prend à nouveau à lui ; elle prévient la presse à scandales qu’Itami entretient une liaison adultère avec une jeune femme... acculé et sous pression, Juzo Itami se suicide le 20 décembre 1997 en se jetant du huitième étage d’un immeuble, laissant derrière lui une lettre dans laquelle il déniait avoir eu cette relation...
..."il n’y a que la vérité qui blesse", cette rengaine enfantine s’est avérée juste. Itami a signé un film intelligent, qui sous des aspects légers, s’octroie le droit de dénoncer les pratiques violentes d’hommes "forts face aux faibles, et faibles face aux forts"... des hommes pour lesquels terreur, chantage, humiliation et domination de l’autre par la violence sont un art de vivre. Film courageux, drôle, émouvant et effrayant à la fois, Minbô no Onna s’achève sur une note positive... à laquelle on ne peut enlever un arrière goût d’une amertume insoutenable.
VHS (NTSC) au Japon, sans sous-titres et au format.
VHS (Secam) en France, au format, sous-titrée en français.
VHS (NTSC) aux Etats-Unis, au format, sous-titrée en anglais.


