Nobuhiro Yamashita : entretien / carrière
Né en 1976, Nobuhiro Yamashita est l’un des réalisateurs indépendants les plus passionnants à avoir émergé au Japon à la fin des années 90, époque où dans le sillon de 97, année charnière pour le cinéma japonais [1], celui-ci polarisait l’attention de la critique sur une nouvelle vague de cinéastes, révélatrice d’un foisonnement créatif et d’un nouvel élan dans le cinéma de l’archipel.
Formé au département cinéma de l’université des Beaux-Arts d’Osaka, pôle régional important d’où sont issus plusieurs cinéastes reconnus (Kazuyoshi Kumakiri, Go Shibata, Hideaki Anno,Yûya Ishii…), Yamashita fait partie des héritiers de l’école du 8 mm née dans les clubs de cinéma des universités au début des années 70. Il s’est fait remarquer au Japon et sur la scène internationale dès son premier long-métrage de fin d’études Hazy Life (Donten seikatsu, 99), sélectionné à Rotterdam. Film autoproduit qui avait alors bénéficié d’une sortie commerciale, chose encore rare pour l’époque. Cette chronique contemporaine du désœuvrement de la jeunesse dans une petite localité provinciale de la région d’Osaka, est une comédie en mode mineur à l’humour caustique et pince-sans-rire, matrice d’un style et d’un ton uniques en devenir. A ses débuts, on l’a souvent comparé à Aki Kaurismäki ou Jim Jarmusch, pour ses personnages de jeunes vagabonds à la dérive. La banane démesurée d’Hiroshi Yamamoto dans Hazy Life faisant écho aux rockers agricoles de Leningrad Cowboys Go America, alors que l’errance dans Les Randonneurs (Realisumu no yado, 2004) ressemblait à s’y méprendre à un hommage au trio de paumés vadrouillant vers la Floride dans Stranger than Paradise.
Cinéaste doué pour la comédie au style minimaliste, porté sur le quotidien et ses dérèglements, c’est aussi un brillant directeur d’acteurs qui pose un regard à la fois tendre et plein d’ironie sur la marginalité rurale et le vide existentiel de ses jeunes antihéros égarés dans un Japon post-éclatement de la bulle. Entré de plain-pied dans le champ du cinéma commercial avec Linda Linda Linda (2005), son plus grand succès public, il a progressivement élargi son spectre, travaillant dans de multiples formats et sachant épouser les contraintes d’une industrie asservie au pouvoir d’attraction des idoles et au financement des chaînes de télévision, tout en conservant un sens de la mise en scène et de l’écriture, et sans jamais renoncer à ce ton et ce regard qui en font un cinéaste singulier, au cœur de la multitude anonyme et aseptisée qu’est devenue le cinéma commercial japonais.
Auréolé du Soleil d’Or lors de la 10ème édition du festival Kinotayo pour La La La at Rock Bottom (2015), un divertissement de belle facture, Yamashita nous avait accordé un long entretien lorsqu’il était venu présenter Tamako in Moratorium (2013) sélectionné en compétition l’année passée. Ce n’était alors que la seconde fois qu’il se rendait en France, après l’invitation du Festival des 3 Continents pour Les Randonneurs en 2003. C’est à cette occasion que nous avions profité de sa présence pour évoquer son approche de la mise en scène, retracer les grandes étapes qui ont jalonné son parcours, de l’autoproduction au cinéma commercial, depuis ses premiers courts tournés à l’université jusqu’à ses derniers films. Évoquer aussi ses collaborateurs, comme le talentueux Kôsuke Mukai avec qui il forme depuis l’université un duo rare, à l’instar des fameux couples cinéaste/scénariste dans la tradition du cinéma japonais.
Réaliser un entretien ‘carrière’ peut paraître saugrenu pour un réalisateur de moins de 40 ans, néanmoins au Japon on tourne beaucoup plus qu’ailleurs. Yamashita, qui a réalisé l’an passé pas moins de 2 films et collaboré à 2 séries télé [2], possède déjà une filmographie imposante, riche d’une quinzaine de longs-métrages, de nombreux courts, faux et (quelques) vrais documentaires, téléfilms, DTV (direct-to video), publicités... Une production qui justifie pleinement cet entretien rétrospectif.
Sancho : Comment s’est faite votre rencontre avec le cinéma ? Est-ce une passion précoce ?
Nobuhiro Yamashita : Je ne saurais dire si c’était réellement une passion, en tout cas j’aimais le cinéma depuis l’époque du collège. J’avais sympathisé avec un camarade de classe qui s’appelle Takeshi Yamamoto et qui est devenu plus tard acteur dans mes films. On est devenu amis car on aimait tous les deux le cinéma. Lui voulait déjà devenir acteur et du coup moi ça m’a donné envie de tenir une caméra. On ne regardait quasiment que des films américains et on lisait des revues de cinéma ensemble, mais pas Kinema Junpô qui n’était pas distribué dans notre bled de province, mais plutôt Screen ou Road Show qui sont des revues centrées sur les stars. On appréciait surtout les acteurs américains dont le jeu nous paraissait naturel et authentique comme De Niro, Al Pacino ou Jack Nicholson.
Alliez-vous voir leurs films en salle ? Quel genre de films aimiez-vous ?
J’allais de temps en temps au cinéma mais je les voyais surtout en VHS. Mon père avait acheté un magnétoscope mais ne s’en servait pas beaucoup alors j’en profitais. En fait je regardais beaucoup de films du Nouvel Hollywood. Mais ce sont d’abord les acteurs qui ont attiré mon attention. Et petit à petit j’ai appris qui se cachait derrière la caméra, comme Scorsese avec De Niro.
Vous étiez donc très tôt sensible au jeu ?
Oui, à l’époque du collège c’est ce qui me touchait le plus car je ne connaissais encore rien au travail de mise en scène.
Néanmoins, je trouve que l’une des qualités de votre cinéma c’est la direction d’acteurs.
Honnêtement, je me considère comme un des rares cinéastes qui ne savent pas écrire. Il n’y a aucun film que j’ai écris seul et depuis 2007 j’ai même arrêté de mettre mon nom au générique comme scénariste. La plupart des réalisateurs qui, comme moi, ont commencé à autoproduire leurs films, écrivaient leurs propres scénarios. Quand j’étais étudiant j’étais déjà très conscient de ça. Donc je disais que mon travail de cinéaste ne consistait qu’à mettre en scène les acteurs.
Pourquoi avez-vous choisi d’entrer à l’université des Beaux-Arts d’Osaka plutôt qu’à celle de Tokyo qui est plus réputée ?
Quand j’ai débuté il n’y avait pas trop de choix si l’on voulait étudier le cinéma. C’était soit les Beaux-Arts de Tokyo ou d’Osaka. Mais je me suis dit que ce serait sans doute trop dur pour moi de réussir le concours d’entrée à Tokyo car je n’étais pas un étudiant très assidu au lycée, donc j’ai tenté Osaka. Et comme je viens du département d’Aichi qui est un peu éloigné de la capitale c’était plus pratique. Aujourd’hui le département cinéma d’Osaka est assez prisé et il y a pas mal de candidats qui veulent y entrer. Mais en 95, l’année où j’ai été admis c’était la pire des époques. Il n’y avait que très peu de postulants, donc c’est plutôt bien tombé. Quelques années plus tard, grâce au succès de la série Evangelion réalisée par Hideaki Anno qui venait aussi d’Osaka, la popularité de l’école s’est mise à grimper. Donc j’imagine que pour les générations suivantes la concurrence a été plus importante.
Cette université a accueilli quelques illustres professeurs comme l’immense chef opérateur Kazuo Miyagawa (Rashômon, Les Contes de la lune vague après la pluie...) ou encore Sadao Nakajima [3]. Avez-vous été marqué par l’enseignement de certains ?
Miyagawa n’enseignait déjà plus quand j’y suis entré. Mais je dois dire qu’en tant qu’étudiant je n’étais pas du genre à aimer discuter avec mes profs. J’avais du mal. Mais c’est plutôt après avoir terminé mes études que j’ai commencé à parler avec eux, et en particulier avec Sadao Nakajima. Rétrospectivement je me dis que son enseignement était particulièrement intéressant. C’est quelqu’un qui appartient à la dernière génération de l’âge d’or des grands studios. Il faisait partie du studio de la Toei à Kyoto. Il disait souvent qu’à l’époque des grands studios il y avait toujours plusieurs productions simultanées en cours, et on tournait plusieurs films en même temps. L’idée de Nakajima était de récréer cette même ambiance, mais dans le département cinéma de la fac d’Osaka. Il voulait faire de l’école un studio de cinéma. Cette manière ou cette conception d’enseignement devait sans doute être unique à l’époque. Ce qui était bien aussi c’est que les profs ne se mêlaient jamais du contenu de nos films, en revanche ils nous incitaient toujours à tourner. Il fallait tout le temps tourner. Tant qu’on tournait ils nous laissaient faire. Ils nous donnaient plutôt des conseils techniques mais ne se mêlaient jamais de la manière de mettre en scène.
A votre entrée à l’université aviez-vous déjà choisi de devenir réalisateur ?
Je suis de nature modeste et je n’étais pas du genre à le crier sur tous les toits. Je ne cherchais pas à m’imposer ou à prendre ce genre d’initiatives. Cette année là il y avait 160 étudiants dans la promotion du département cinéma. Je dirais que 80% d’entre eux voulaient devenir réalisateur. Non, ça s’est plutôt fait petit à petit, de façon naturelle. On nous a d’abord demandé de tourner un court métrage en équipe, et ce n’est qu’après avoir tourné mon premier film que les gens ont commencé à me considérer comme un réalisateur.
En entendant cela, Madame Yamashita qui nous accompagne, et se trouvait à l’époque dans la même université que son époux mais dans un autre département, tend l’oreille et s’immisce dans notre conversation...
Madame Yamashita : À tous ceux qui me demandaient pourquoi Nobu est devenu réalisateur, je répondais que c’était parce qu’il ne connaissait rien à la technique. Mais on a un ami commun qui était dans sa promo à l’époque. C’est son chef opérateur sur tous ses premiers films, Ryûto Kondô. Un jour il m’a dit… « Non, c’est pas du tout ça, car moi aussi je voulais devenir réalisateur ! Mais quand je disais à tout le monde que je voulais tourner un film, personne ne rappliquait. Je n’arrivais à motiver personne. Par contre dès que Nobu a proposé de tourner un film, les gens ont rappliqué. C’est pour ça que je me suis dirigé vers le métier de chef opérateur. ».
Quels étaient les étudiants qui sont devenus réalisateurs dans votre promotion ? Et qui était dans celle de Kazuyoshi Kumakiri, de deux ans votre aîné ?
Dans ma promo il y avait Gô Shibata (Late Bloomer, Doman Seman), Kôtarô Terauchi (Boys Love) et aussi Mipo Oh, la réalisatrice de The Light Shines Only There. Dans celle de Kumakiri on trouvait Takashi Ujita [4] qui est devenu son scénariste, Hiroshi Yamamoto qui est devenu acteur dans mes films, et les réalisateurs Ryûichi Honda (My Wife’s Shell) et Takashi Motoki (P-kan Couple).
Pouvez-vous nous raconter comment s’est passée la réalisation de votre premier court-métrage en 8mm, Night imitate summer (Natsu ni nita yoru, 96) ?
A l’époque je m’étais déjà lié d’amitié avec Kôsuke Mukai, qui est devenu plus tard mon scénariste. On était dans la même classe et on ne foutait pas grand-chose par rapport à la majorité des autres étudiants qui s’impliquaient dans diverses activités associatives. Certains faisaient de la musique ou organisaient des concerts ou des événements. Alors un jour, un peu comme ça, j’ai parlé à Mukai de mon ami d’enfance Takeshi Yamamoto qui voulait devenir acteur et qui était un type intéressant. Je lui ai dit que ce serait sympa de faire quelque chose avec lui. Pourquoi pas un film. Je n’avais aucun projet précis mais juste l’idée qu’on fasse quelque chose ensemble.
C’est tout de même un film étrange, parfois grotesque et un peu glauque avec ces scènes scatologiques. On n’est pas vraiment dans le registre de vos comédies à venir. C’est une espèce d’entre-deux.
Au début je ne voulais pas tourner de comédie mais plutôt un film sérieux. J’avais en tête l’histoire d’un homme qui se remémore toute sa vie juste avant de mourir. Enfin c’était le projet initial. Mais finalement les choses ont pris cette tournure. On a tourné en plein été. Après le tournage je n’ai pas terminé le film et j’ai laissé les choses reposer. Quelque temps après, un organisateur m’a demandé de montrer un film dans le cadre d’un événement, alors je me suis dépêché de le finir à l’arrache. J’ai enregistré moi-même toute la narration en voix off, ce qui a donné ce ton un peu humoristique, même si c’était involontaire. Mais lors de la projection la réaction du public a été très bonne. C’est à ce moment là que je me suis dit que la comédie pouvait me convenir. C’est parti un peu comme ça. Pour les scènes scato, là aussi ce n’était pas vraiment intentionnel. À l’époque j’étais déjà assistant sur le tournage du film Le Banquet des bêtes (Kichiku Daienkai, 97) de Kumakiri. Comme ils utilisaient beaucoup de viscères de porc pour les trucages j’en ai récupéré un peu pour les utiliser dans ces quelques scènes.
Comment avez-vous atterri sur cette production ? On remarque que vous êtes crédité comme assistant caméraman aux côtés de Ryûto Kondô, ainsi qu’à la lumière avec votre ami Mukai.
Ça s’est fait un peu par hasard. J’habitais dans un des dortoirs du campus de l’école comme Kumakiri. Un soir il s’est ramené dans ma chambre, un peu bourré il m’a lancé : « Il parait que t’aimes le cinéma, alors pourquoi tu ne viendrais pas me filer un coup de main sur mon film ? ». C’est comme ça que je me suis retrouvé embarqué dans cette aventure. Je l’ai aidé durant un an et demi. Le tournage s’est étalé dans le temps car il y a eu plusieurs interruptions. En ce qui concerne le générique, l’équipe technique était assez peu nombreuse mais Kumakiri voulait faire un long générique. C’est pour ça qu’on voit nos noms apparaitre plusieurs fois. En ce qui concerne la caméra je ne l’ai pas touchée de tout le tournage. Et idem pour la lumière, je portais juste les équipements. J’étais plutôt assistant réalisateur. Disons que je faisais un peu tout et n’importe quoi. Mes fonctions étaient bien moindres que ce qui est indiqué. Comme l’équipe était composée d’étudiants plus anciens, du coup je me sentais un peu déresponsabilisé et j’étais juste là pour filer un coup de main par ci par là. En fait si je devais préciser ma vraie fonction, ce serait responsable du making-of pour lequel j’ai tourné quelques images.
Tourné en 16 mm et autoproduit ce film réputé pour son ultra violence et ses scènes gores a fait sensation lors de sa sortie. Il a obtenu le deuxième prix au 20ème Pia Film Festival et a été invité à la 48ème édition de la Berlinale. Par la suite il a même connu une exploitation commerciale en salles ce qui était extrêmement rare pour l’époque. A-t-il eu une influence dans votre parcours ?
Tout à fait. Avec mes camarades Mukai et Kondô on a assisté à toute la gestation du film, depuis la production, le tournage et jusqu’à sa sortie. Grâce à cette expérience on s’est dit que nous aussi on pourrait sortir nos films en salle et les faire distribuer, même s’il s’agissait d’un film de fin d’études autoproduit. Donc ce parcours est devenu une sorte de modèle et une source de motivation pour réaliser un long-métrage. Mais ça nous a aussi aidés à définir notre style. On s’est rendu compte qu’on serait incapables de tourner un film de ce genre. C’est pour cette raison que j’ai décidé de me tourner vers la comédie.
Pourtant votre deuxième court-métrage, The Rotting Woman (Kusaru on’na, 97), est un film à l’extrême opposé. Un film gore, presque Fulcien, sur le pourrissement et la putréfaction des chairs d’une femme.
L’histoire de ce court métrage c’est que comme nous avions passé pas mal de temps à travailler avec l’équipe du Banquet des bêtes, nous voulions réaliser un film avec eux. Or Kumakiri disait souvent qu’il fallait impressionner et surprendre le public. Mais nous on a pris ça un peu trop au pied de la lettre. On a voulu faire un film de ce genre, mais quand on l’a projeté, personne n’a aimé, mis à part Kumakiri (rires).
Juste avant de vous lancer dans votre premier long-métrage Hazy Life, vous réalisez Danmen (Season Seeds, 98), un court dans lequel vous vous mettez en scène avec votre ami Mukai sous forme de petits sketches. En réalité c’est votre première vraie comédie.
Ce film était une sorte de répétition à la préparation de Hazy Life. C’était un film d’essai pour tester quelques techniques en 8 mm. Et puis comme j’aimais les films du Nouvel Hollywood, en particulier L’Épouvantail et Macadam Cowboy qui m’ont beaucoup influencé, je voulais mettre en scène un couple d’hommes à travers leurs relations. La dynamique du duo m’intéressait et j’avais souvent cette forme en tête, surtout dans mes trois premiers films. J’étais un peu comme ces jeunes musiciens qui essayent de faire des reprises des titres des groupes qu’ils adorent.
En ce qui concerne Mukai, qui est sans doute l’un des scénaristes japonais les plus talentueux en activité, on remarque qu’il s’occupait de la lumière sur vos premiers films. Pourquoi a-t-il choisi de devenir scénariste ?
Mukai appréciait beaucoup la lumière. Jusqu’à 23 ans il hésitait encore entre l’écriture et la lumière. En réalité Hazy Life on l’a fait à deux. Mais comme je ne savais rien faire de technique, il a pris en charge tous les postes techniques : écriture, lumière, montage et production. De mon côté je me suis concentré uniquement sur la mise en scène. Mais à mesure que notre collaboration avançait dans le temps, d’autres gens ont commencé à intégrer notre équipe. Ainsi le nombre de fonctions dont il était chargé a commencé à se réduire et à la fin, il ne lui restait plus que l’écriture et la lumière. Et il a choisi l’écriture.
Même si vous déclarez ne pas savoir écrire, vous êtes néanmoins toujours crédité au générique de vos premiers films. Comment s’est passée l’écriture de Hazy Life ?
Au départ j’ai commencé à écrire seul. Mais comme souvent je n’arrivais pas à terminer donc Mukai m’a rejoint. On s’est mis à écrire ensemble et chacun s’est occupé d’un des personnages principaux. Mais c’est lui qui a réussi à créer la structure du scénario.
C’est votre premier film avec Hiroshi Yamamoto, qui deviendra votre acteur fétiche. Est-ce une sorte d’alter ego dans votre trilogie d’Osaka (Hazy Life, No One’s Ark, Les Randonneurs) ?
Effectivement. Yamamoto était mon aîné à l’université. J’adorais sa personnalité. Je voulais en faire un double de moi-même. Il est vrai qu’à cette époque pour créer un personnage je me basais souvent sur mes propres expériences. Je ne pouvais créer une histoire qu’à partir de mon vécu. Par ailleurs pour la mise en scène, je lui montrais même comment jouer son personnage. Je jouais la scène devant lui pour lui montrer l’esprit du jeu et je lui demandais de le reproduire.
Dans vos premiers films il y a quelque chose de singulier dans le jeu des acteurs. Leur jeu repose souvent sur un rythme, un tempo très lent. Bien entendu il s’agit aussi d’exprimer l’ennui des personnages, la nonchalance et le vide existentiel. Mais il y a beaucoup de moments d’attente, pendant lesquels les plans s’étirent, ce qui participe aussi de l’effet comique.
Pour vous répondre je dirais que quand je travaille avec des acteurs que j’apprécie beaucoup, alors je trouve que même s’ils ne font rien je peux continuer à les regarder et les filmer car ils demeurent intéressants. C’est pour ça qu’au fur et à mesure, le film se ralentit et les plans ont tendance à s’étirer. Même s’il y a des moments creux, pour moi ils sont intéressants. C’est ce qui s’est d’ailleurs passé sur Tamako in Moratorium. Le public japonais a d’ailleurs trouvé que le film ressemblait beaucoup à ceux de mes débuts. C’est un film au ralenti car il n’y a que des gens que j’aime. Mais avec des acteurs qui ne font qu’assumer les rôles du récit ce n’est pas pareil, cela passe plus vite, car ils sont fonctionnels et je ne m’attarde pas à les observer. Mais dans mes premiers films il n’y avait que des gens que j’appréciais, c’est sans doute pour ça que tout a l’air si lent.
Je me demande aussi dans quelle mesure l’ambiance qui régnait sur le campus universitaire, dont la topographie est assez isolée dans la campagne, avait pu participer de l’atmosphère de cette trilogie tournée dans la région. Car ce qui relie ces films sur l’errance et l’ennui c’est aussi la ruralité de leurs décors, comme le vieux pachinko décati de Hazy Life, le petit village provincial perdu dans les champs de No One’s Ark ou la rusticité des lieux dans Les Randonneurs.
C’est vrai que notre fac se trouvait en rase campagne, près de la frontière entre le département de Nara et Osaka. En même temps sur place il y avait plein d’étudiants qui ne foutaient pas grand chose. Donc cette ambiance était particulière, c’était une sorte de vie communautaire en vase clos. Mais comme on est à la campagne, si on ne tourne pas on va finir par sérieusement s’emmerder. Donc cet aspect du temps qui s’écoule s’est sans doute reflété dans mes premiers films. Quand j’étais étudiant j’avais aussi l’impression d’être totalement déconnecté de la société. C’est comme si je vivais dans un petit village isolé du reste du pays. Si jamais je sortais en ville, ce n’était que pour aller voir des films, sinon on restait chez nous.
Selon moi vous êtes un cinéaste de la ruralité. Un film comme A Gentle Breeze in the Village (2007) est un hymne à la vie campagnarde. D’autre part je trouve qu’il y a chez vous une sorte de défiance vis à vis de Tokyo et ses habitants, comme le jeune adolescent un peu arrogant interprété par Masaki Okada, qui débarque au début du film.
Ce n’était sans doute pas délibéré au début mais j’avais toujours une conscience de Tokyo. Déjà dans Hazy Life il avait deux personnages qui venaient de Tokyo. Mais à mes débuts je cherchais toujours à décrire quelque chose qui ne soit pas Tokyo, mais qui provienne de la campagne. Aujourd’hui il m’arrive de tourner dans la capitale, mais à l’époque je voulais filmer quelque chose qui s’oppose à Tokyo parce que dans ma jeunesse j’ai vécu dans une ville moyenne de province, disons à mi chemin entre la vraie campagne et la ville. Quand on vit au Japon il y a toujours cette dualité entre Tokyo et le reste du pays. C’est aussi pour ça que cette dualité se retrouve dans mes films.
Comment s’est passée la production de votre premier long-métrage ? Qu’est-ce que Midnight Theater Children (Mayonaka no kodomo theater) au générique de la production ?
C’était mon film de fin d’études mais pour plusieurs raison on n’a pas réussi à le terminer avant de se diplômer. Donc on a continué après. On a sorti le film en juillet 99 et organisé nous même sa projection à Osaka. Et presque un an après on l’a sorti officiellement en salle à l’Eurospace de Tokyo. Midnight Theater Children était le nom de notre collectif. Il y avait Kôsuke Mukai, Ryûto Kondô, Hayato Maeda qui n’était pas dans le milieu du cinéma, et moi-même. C’est avec cette équipe qu’on a autoproduit Hazy Life et No One’s Ark. Après ça, j’ai toujours travaillé avec des producteurs.
Le réalisateur Go Shibata [5] (Late Bloomer) aussi fait une apparition dans le film.
On était des amis et il faisait aussi partie de l’équipe du Banquet des bêtes dès l’origine de sa production. Mais ensuite il a cessé de venir. Parmi les camarades de promo c’était le plus actif d’entre nous. Il faisait de la musique et organisait des tas d’événements. Donc son existence m’a beaucoup stimulé. C’est quelqu’un qui m’a aussi beaucoup influencé dans mes goûts musicaux.
J’ai remarqué que vous avez souvent collaboré avec le groupe Akainu (赤犬) [6] pour la musique de vos premiers films.
En fait eux aussi s’occupaient de la musique du Banquet des bêtes et Akira Matsumoto, leur leader, a commencé à habiter dans le même dortoir que moi alors on a sympathisé. Puis il a quitté le groupe et s’est occupé de la musique de quatre de mes films (Hazy Life, No One’s Ark, Les Randonneurs et Cream Lemon).
Qu’est-ce qui vous plait dans leur musique ?
C’est un groupe qui joue une musique complètement différente en concert que dans mes films. Car c’est un big band de 14 musiciens avec une section cuivre, rythmique... Comme ils ont une instrumentation assez étendue cela tombait bien pour la musique de film. Ça m’apportait de la profondeur, une certaine richesse et une variété musicale. Ils composaient à chaque fois de la musique originale. Mais c’est Akira Matsumoto qui assurait la direction musicale et me faisait des propositions.
Vous utilisez plutôt la musique de façon minimaliste, voire non mélodique.
C’est vrai que dans mes films la musique est toujours très minimaliste. J’ai l’impression que la musique mélodique ne me convient jamais. Parfois j’essaye d’utiliser des mélodies sur mes films mais ça ne fonctionne jamais.
C’est aussi un des défauts du cinéma japonais contemporain. L’usage de la musique y est souvent d’une pauvreté affligeante. Finalement il y a si peu de cinéastes qui savent l’utiliser correctement, comme Kiyoshi Kurosawa par exemple.
C’est vrai. J’apprécie beaucoup le travail de Kurosawa, c’est quelqu’un qui a un goût musical certain. C’est assez étonnant car on a l’impression qu’il ne croit pas en la mélodie. C’est comme s’il ne respectait pas son musicien. On a même l’impression qu’il ne fait pas attention à la musique et tout à coup elle surgit de façon inouïe. C’est brillant et lumineux. J’aime beaucoup sa manière de faire. Mais pour moi la musique est un vrai casse tête. Avec le temps j’ai l’impression d’avoir fais des progrès, que ce soit dans la mise en scène, le montage ou le cadrage. En tout cas j’apprends à mesure que je réalise des films. Mais pour la musique je suis toujours aussi perdu. D’ailleurs pour Moratorium in Tamako je n’en ai même pas mis !
J’aimerais aborder la mise en scène. Dès votre premier film on sent que c’est très composé avec beaucoup de plans-séquences fixes. Il y a un souci du cadre, de l’image.
Tout d’abord il y a une réalité, c’est que je ne savais pas couper les plans. C’est plutôt à cause de ma propre maladresse et mon ignorance. Mais surtout, au début de ma carrière, je pensais que le travail du réalisateur consistait à faire un storyboard. Donc dans mes films je faisais toujours des storyboards en essayant de créer des plans d’après mon imaginaire. C’est pour cela que vous avez sans doute l’impression que mes films sont très composés.
Mais ce n’est pas uniquement le cas dans vos premiers films. Un film comme The Drudgery Train est aussi remarquablement cadré.
J’ai l’impression que cela vient surtout de mon chef opérateur. En fait depuis quelques temps je le laisse faire. Par exemple je donne des indications de découpage mais pour l’échelle des plans je le laisse travailler librement. Du coup je ne sais pas trop. Mais peut-être aussi que ça vient du fait que j’ai du mal à tourner des plans inutiles, comme des inserts ou des plans qu’on tourne par précaution. Je ne tourne que des plans nécessaires. Donc parfois au moment du montage il arrive qu’il manque des plans, mais c’est mon style.
Vous avez aussi un certain goût pour les travellings latéraux. Comme la splendide ouverture de Linda Linda Linda ou celle de Cream Lemon. Il n’y en a jamais trop, parfois un ou deux, mais ils sont parfaitement choisis.
C’est certain, je ne saurais l’expliquer mais je sens le bon timing pour les mettre. J’ai sans doute aussi été influencé par des cinéastes que j’admire, comme Jim Jarmusch. Mais je sais que j’ai beaucoup de mal à utiliser des plans à la grue par exemple. Même si ça monte ou ça descend je n’aime pas ça, bien que dans la plupart de mes films je n’ai pas le budget nécessaire pour me le permettre. J’aime aussi beaucoup l’ouverture de Linda Linda Linda, parfois je revois le film juste pour ce plan. Mais depuis mes derniers films je n’utilise plus de travellings latéraux.
Ce que j’apprécie aussi dans votre cinéma c’est que vous refusez la construction dramatique classique. Il n’y a pas vraiment de climax chez vous. Disons plutôt qu’à chaque fois qu’il y a une montée de tension vers l’instant décisif, vous utilisez une ellipse pour en désamorcer l’effet. Dans Les Randonneurs, lors de la rencontre entre les deux protagonistes et la jeune fille à moitié nue sur la plage, vous ne montrez pas l’instant de la rencontre, en coupant vers un plan d’ensemble décrivant seulement au loin la fille courant sur la plage vers les deux garçons qui remontent le talus. Un autre exemple encore plus marquant se trouve dans Cream Lemon, lorsque le frère et la sœur font l’amour sur le canapé du salon et que la mère entre à l’improviste. Là vous utilisez une ellipse et coupez directement vers un plan des deux personnages fuyant en voiture. La sidération n’est pas montrée. On pense évidement à Kitano et son génie de l’ellipse ; quand dans la séquence de la réunion avec le professeur, le jeune frère le provoque, la violence du coup n’est pas figurée, seule sa conséquence.
J’ai certainement été influencé par l’ellipse chez Kitano qui ne figure pas les moments dramatiques. Mais même si je la pratique je ne saurais réellement vous en expliquer la raison. Par exemple, dans le récit de Cream Lemon, lorsque la mère découvre la scène d’amour, c’est un moment décisif du film. J’ai pensé que je m’étais débiné. C’est comme si je m’étais enfui afin de ne pas montrer la scène car c’est quelque chose que je ne comprenais pas moi-même. C’est à dire que je n’ai pas le vécu d’une telle expérience pour pouvoir la filmer. Donc peut-être que c’est pour cette raison que j’ai fait ce choix à ce moment précis. C’est pour ça que dans Cream Lemon il y a beaucoup d’ellipses. Mais si je reviens en arrière à l’époque de Le Banquet des bêtes, comme vous le savez Kumakiri est un cinéaste qui montre tout. Il ne fait jamais d’ellipses et décrit tous les moments dramatiques. C’est pour ça que quand on a vu ça, on a pris conscience qu’on ne pourrait jamais faire la même chose. Alors peut-être qu’on a emprunté cette voie d’expression en réaction au film de Kumakiri. Cream Lemon est sans doute un film qu’il n’apprécie pas du tout.
C’est un petit film mais je le trouve remarquable. C’est une œuvre d’une grande douceur et tendresse pour ses personnages. Il y a de la gravité, ce qui est nouveau chez vous. C’est aussi la première fois que vous quittiez le registre de la comédie.
Ce que vous me dites me fait plaisir, mais ce fut un film extrêmement difficile à tourner pour moi. Tellement pénible que je l’ai tourné avec sang froid, d’un regard imperturbable. Même quand je le revois, je ne peux le regarder que de manière totalement objective. C’est vrai que pour la première fois il n’y avait pas d’humour. Comme il s’agissait d’une histoire d’amour incestueuse, j’avais toujours une sorte de froideur et de détachement. Je donnais des indications sur le mouvement de la caméra mais je gardais toujours une certaine distance vis à vis du sujet.
En fait jusqu’à ce film j’avais travaillé avec Mukai pour l’écriture et Kondô pour la caméra. Mais jusqu’à Les Randonneurs, les postes de chacun se mélangeaient tout le temps au tournage. On discutait ensemble et on prenait les décisions ensemble, y compris pour la caméra. Chacun participait aux fonctions des autres. Mais après Les Randonneurs on s’est tous un peu dispersés et on a arrêté de travailler systématiquement ensemble. Pour la première fois, dans Cream Lemon chacun s’est occupé exclusivement de son poste. Mukai s’est concentré sur le scénario et Kondô sur l’image. Donc ce film a été une étape de transition importante de mon passage vers le cinéma commercial, là où chacun est tenu d’occuper une fonction spécifique.
Qu’est-ce qui a changé lorsqu’à partir de Linda Linda Linda vous devenez un réalisateur commercial ?
Après Linda Linda Linda on peut dire que j’ai débuté une nouvelle carrière. Jusque là, je travaillais encore à la manière du jishu eiga (cinéma autoproduit), dans un mode d’organisation collectiviste. Mais à partir de Linda Linda Linda ce qui est significatif c’est que mon chef opérateur est devenu Yoshihiro Ikeuchi [7] alors que Kondô était son assistant. C’était plutôt curieux comme situation, mais Kondô n’avait pas suffisamment d’expérience pour devenir chef op sur un film commercial, c’est pour ça que je n’ai pas pu travailler avec lui comme sur tous mes films précédents. En réalité je ne voulais pas qu’il travaille en tant qu’assistant sur ce film, mais il y tenait beaucoup.
Comment s’est passée la collaboration avec Ikeuchi ? C’est la production qui vous l’a proposée ?
C’est Bitters End et Yuji Sadai qui était en charge de la production. Il s’était beaucoup occupé de la distribution des films produits par Takenori Sentô. C’est lui qui me l’a recommandé. Ikeuchi était le premier assistant de Masaki Tamura [8], le chef op d’Aoyama. Linda Linda Linda était son premier film en tant que chef opérateur mais il avait déjà une longue expérience. C’est quelqu’un à qui je pouvais faire une confiance aveugle. Ce qui était agréable c’est que je pouvais tout lui déléguer. Je n’avais quasiment plus rien à faire si ce n’est diriger les acteurs.
Qu’est-ce qui a changé dans la manière de travailler avec Ikeuchi ?
On a une façon de penser similaire et on forme un bon binôme. Ikeuchi est un type de chef op qui n’aime pas faire de découpages avant d’entrer en tournage. Avant de poser sa caméra il veut d’abord voir et observer le jeu des acteurs dans le décor. Mais il y a beaucoup de cinéastes qui veulent d’abord faire un storyboard avant d’entrer en tournage. Je ne sais pas si c’est dû à l’influence de Tamura, mais Ikeuchi refuse catégoriquement qu’on découpe le plan avant d’avoir pu observer les acteurs jouer. Moi aussi j’étais comme ça avant de le rencontrer. Avant Linda Linda Linda, je réalisais toujours un storyboard pour mes films. Mais à partir de cette collaboration j’ai cessé de travailler ainsi. Grâce à lui j’ai appris à me passer de storyboard et à d’abord observer le jeu des acteurs avant de décider du découpage.
Vous avez complètement arrêté de faire un storyboard ?
Oui. Enfin, sauf quand j’ai tourné A Gentle Breeze in the Village car j’ai de nouveau retravaillé avec Kondô qui a insisté pour qu’on fasse un prédécoupage. Donc chaque jour je passais ma soirée à faire le storyboard pour le lendemain. Mais je n’en avais plus envie. En y repensant aujourd’hui, c’est vrai que même à l’époque où je faisais un découpage, je sentais toujours une certaine réticence, comme une gêne, mais je me forçais quand même. Aujourd’hui, à part si je dois tourner des scènes de concert avec très peu de préparation, je n’en fait plus. Tout ça c’est grâce à ma rencontre avec Ikeuchi.
Pour revenir à Linda Linda Linda c’est aussi la première fois que vous travaillez à partir d’un scénario qui n’est pas le vôtre. Il y a une scénariste, Wakako Miyashita, qui est créditée en plus de Mukai et vous-même. Comment s’est passée cette écriture à trois mains ?
A l’origine il s’agit d’un projet d’Hiroyuki Negishi, l’un des producteurs du film qui était freelance à l’époque [9]. Il avait remporté un prix lors d’un concours d’appel à projets de producteurs [10] et avait obtenu une aide financière. Il a essayé de monter le projet avec quelques réalisateurs mais ça n’aboutissait jamais. Il avait demandé à Toshiaki Toyoda qui avait tourné Blue Spring mais il a refusé. Ensuite il a contacté Tomoyuki Furiyama (Sayonara Midori-chan) mais ça n’a pas fonctionné non plus. Finalement il me l’a proposé. Auparavant il avait l’habitude de collaborer avec cette scénariste donc j’ai commencé à écrire le scénario avec elle. Mais comme c’était la première fois que je travaillais avec quelqu’un d’autre que Mukai, on a eu des problèmes de communication.
On a d’abord décidé de raconter une histoire qui se déroulerait sur quatre jours lors d’une fête scolaire, et ensuite j’ai proposé qu’on travaille avec l’actrice coréenne Bae Doona. Quand celle-ci a donné son accord alors tout s’est emballé et le planning est devenu très serré. C’est vrai qu’après Cream Lemon on s’était dit qu’on arrêterait de travailler tous les trois ensemble, mais finalement j’ai fini par appeler Mukai à la rescousse pour m’aider à terminer l’écriture, car désormais l’héroïne n’étant plus japonaise mais coréenne, il fallait tout réécrire. Mukai est donc arrivé sur la fin et on a tout réécrit ensemble.
C’est un film de jeunesse d’une grande fraîcheur et originalité, loin des canons du genre, où des lycéennes montent un groupe pour se produire lors d’un festival lycéen mais jouent comme de vraies amatrices. Vous ne trichez pas et conservez jusqu’au bout le charme de leur maladresse. Parfois c’est franchement mauvais, elles ne jouent pas en rythme et ça chante faux. Je trouve aussi le film très nostalgique. On sent que vous avez mis beaucoup de vous même. Par exemple dans la manière dont le groupe se constitue. Yû Kashii qui interprète Kei, prend la guitare alors qu’elle n’en a jamais fait et Bae Doona se retrouve au chant par hasard. Cela ressemble un peu à la manière dont s’est formé votre collectif du temps de l’université, où finalement chacun s’est retrouvé à occuper un poste de manière un peu fortuite ou est passé d’une fonction à l’autre selon les circonstances.
L’histoire de ce film est basée sur mon expérience personnelle. Lorsque j’étais au lycée, pour la fête de fin d’année, j’ai tourné un film. Mais comme il fallait que je le montre à une date fixe, je n’avais plus le temps. J’étais constamment à la bourre et j’ai du faire le montage dans la foulée avec deux magnétoscopes VHS, pendant toute la nuit et pratiquement sans dormir. J’ai fait une nuit blanche, comme ces jeunes lycéennes. Même si c’était un film sans intérêt et affreusement mauvais, j’ai mis toute ma passion et mon énergie à le réaliser, c’est ce qui fait que j’en garde un excellent souvenir. Comme j’ai eu ce type d’expérience, je m’en suis servi pour raconter l’histoire de ce groupe. Et puis cette coréenne qui intègre le lycée en cours d’année et regarde les autres de loin, de façon un peu distante, c’est pareil. Ça vient de mon vécu. Dans ma jeunesse quand j’étais collégien, j’ai été transféré en cours d’année à plusieurs reprises. J’ai été à deux écoles primaires différentes et deux collèges. Donc j’ai pas mal déménagé et j’ai tenté d’exprimer ce ressenti d’être un peu en décalage avec les autres à travers le personnage de Son.
Vous avez aussi réalisé un certain nombre de mockumentaires, le premier, Soup Cop (Shiru Keiji, 2003) [11], avec votre ami acteur Takeshi Yamamoto, est devenu ensuite Most Dangerous Man Alive ! (Sono otoko, kyôbô ni tsuki, 2003).
Le festival de films policiers Deka Matsuri organisé par Makoto Shinozaki m’a invité à tourner pour eux un court métrage de dix minutes Soup Cop. Comme je trouvais l’idée intéressante j’ai tourné une version plus longue avec Most Dangerous Man Alive !. J’aime bien tourner des faux documentaires, j’en ai tourné plusieurs [12] et je m’amuse beaucoup à faire ces films. C’est très récréatif et pour me marrer j’apparais aussi à chaque fois. Mon dernier film, Girls in the Psychic Club (Chônôryoku kenkyûbu no 3 nin, 2014), est aussi un mockumentaire dans lequel joue Takeshi Yamamoto [13] et je fais aussi une apparition.
Comment avez-vous eu cette idée absurde et incongrue d’inventer un personnage qui est à la fois détective privé et doublure d’acteur porno ?
En fait avec Mukai nous sommes de grands amateurs d’AV (Adult Video [14]). Je crois que notre génération a été marquée par l’AV, surtout dans les années 90 où il y avait beaucoup de productions intéressantes à caractère documentaire. A l’époque il y avait V&R Planning [15], une société qui produisait beaucoup de films radicaux et extrêmes avec des réalisateurs comme Katsuyuki Hirano [16], Bakushishi Yamashita et Company Matsuo [17]. Il y avait aussi Akira Takastsuki qui a réalisé un film qui s’intitule Shall We Marry ? (Kekkon shimasen ka ?, 2001) [18]. Tout est véridique dans ce film, qui débute au moment du dépôt de l’acte de mariage. Mais l’histoire se gâte et devient franchement dramatique par la suite. L’actrice finit par s’enfuir et le film suit toutes ses péripéties. C’était un film intéressant. Dans ma génération il y a un cinéaste qui s’appelle Tetsuaki Matsue (Annyong Yumika) que j’ai rencontré et avec qui je partage les mêmes goûts. On a beaucoup discuté d’AV car c’est un grand fan lui aussi. Au départ je me sentais un peu éloigné du documentaire mais grâce à lui et à nos discussions, cet univers m’est devenu plus familier. En revanche je suis incapable de tourner un vrai documentaire, mais j’ai toujours été attiré par ce qui était documentaire. C’est pour cela que je réalise des mockumentaires.
Matsue fait même une petite apparition à la fin de No One’s Ark.
Justement c’est à cette époque qu’on s’est rencontré et à travers notre amitié je lui ai proposé de jouer dans le film. Notre amitié dure toujours. Je viens d’ailleurs de tourner un téléfilm sur l’acteur Takayuki Yamada (Yamada Takayuki in Akabane, Kita-ku, Tokyo) pour la télévision et nous avons collaboré ensemble à sa réalisation. Ce téléfilm a été officiellement annoncé comme étant un documentaire sur Yamada. Mais en réalité ce n’est pas vrai, il s’agit d’un mockumentaire. Ce sera dévoilé mais plus tard.
A ce propos, vous avez tourné The Matsugane Potshot Affair (2007) produit par la société Siglo [19], connue pour ses documentaires à caractères sociaux ainsi que les films de fictions de Yôichi Higashi. Mais votre film se démarque de leurs productions habituelles.
Tetsujiro Yamagami le producteur voulait adapter une nouvelle de Ryûnosuke Akutagawa (l’auteur de Rashômon) qui s’intitule Les Brigands (Chûtô, 1917). Même s’il produit beaucoup de documentaires, il s’intéresse aussi à la fiction. Il avait beaucoup aimé Hazy Life et No One’s Ark, du coup il m’a proposé ce projet. Mais ce qui était bien c’est qu’il m’a laissé une liberté totale. Au final le film n’avait plus grand chose à voir avec la nouvelle d’origine. Mais ce projet doit beaucoup à la personnalité de Yamagami. C’est le genre de producteur qui laisse carte blanche aux cinéastes avec qui il travaille. Et si jamais il sent une autocensure quelconque de leur part, il la détecte immédiatement et vous encourage à vous laisser aller. Donc même si c’est un long métrage tourné dans un cadre commercial, c’est un film qui reste très personnel dans ma filmographie. Si ce film est si particulier c’est entièrement grâce à lui. Je me souviens qu’à la fin de la production du film il m’a dit que je ne pourrais jamais refaire un film pareil dans ma carrière. On n’a jamais retravaillé ensemble mais je m’en souviens très bien. C’est quelqu’un de passionnant mais d’un peu étrange tout de même.
C’est un film singulier dans la mesure où il n’y a pas réellement de héros. On pourrait dire que c’est un film sans héros tant le personnage incarné par Hirofumi Arai est effacé et transparent. C’est comme si la communauté provinciale de ce petit village perdu dans l’hiver était le vrai protagoniste du film.
C’est vrai. C’est un peu gênant de dire ça, car je suis plutôt modeste, mais au Japon il y a très peu de films semblables, avec un protagoniste sans aucun charme. Le caractère de ce personnage est totalement vide et sans contenu. Du coup j’ai plutôt essayé d’approfondir les personnages secondaires. C’est si rare de pouvoir tourner un film pareil mais c’est entièrement la faute de Yamagami. C’est un peu comme s’il m’avait téléguidé pour faire ce film.
C’est aussi la première fois que vous aviez un tel casting. Il y avait Tomokazu Miura qui joue le père ou encore Hyôe Enoki le grand-père, qui faisait partie du studio Nikkatsu durant l’âge d’or, ou encore l’actrice Setsuko Karasuma.
C’est vrai que le casting était très riche. Je me souviens que Enoki et Karasuma c’était plutôt l’idée de Yamagami. Mais concernant Miura c’était mon intention car je suis un grand admirateur de Typhoon Club [20] (85) de Shinji Sômai, un film qui m’inspire beaucoup. Mais ce qui m’a fait plaisir c’est que même si c’était un film à petit budget, les cachets des acteurs étant sans doute très raisonnables, ils ont tous beaucoup apprécié le scénario et ont accepté de jouer dans mon film.
C’est une œuvre crue, avec un humour très noir.
Je me souviens que pendant l’écriture du film avec Mukai on regardait beaucoup d’AV tournés de façon documentaire. Pour décrire le personnage interprété par Miwa Kawagoe, qui est une fille un peu perturbée mentalement, victime d’un accident de voiture et qui joue la compagne de Yûichi Kimura dans le film, on a trouvé un modèle d’inspiration dans un AV. Je ne me souviens plus du titre mais il y avait une fille dans ce film qui prenait une tonne de médocs à cause de sa dépression. Mais ce n’était pas une actrice professionnelle, c’était juste une amatrice, une pauvre fille paumée qui avait sans doute besoin de fric. C’est un film tourné après l’éclatement de la bulle économique. Il y avait aussi une scène dans laquelle le protagoniste joué par Hirofumi Arai vomit soudainement dans la voiture, et son frère qui conduit essaye de rattraper son vomi avec ses mains. Là aussi je me suis inspiré d’une séquence d’un AV de Company Matsuo. Il s’agissait aussi d’une amatrice qui conduisait Matsuo vers un love hotel. Et juste avant d’arriver elle s’est mise à vomir soudainement. Matsuo qui tournait par hasard à ce moment a essayé de rattraper son vomi un peu de la même façon.
A ce propos je voudrais aborder de façon plus générale le traitement de la sexualité dans votre cinéma que je trouve assez particulier. Elle est très présente, mais souvent de manière tordue ou totalement immorale. On pourrait prendre l’exemple de Hazy Life dans lequel Hiroshi Yamamoto double des pornos ou son personnage dans No One’s Ark qui couche avec la sœur ainée de son amour de jeunesse. Et que dire de ce film extrême qu’est The Matsugane Potshot Affair, où Haruko la jeune fille faible d’esprit en vient à coucher avec tous les hommes de la famille. Même un film aussi innocent que A Gentle Breeze in the Village suggérait une relation adultérine entre les parents respectifs des deux jeunes protagonistes.
C’est vrai je le reconnais. Moi-même j’ai un côté un peu tordu avec la sexualité. Mais ça vient peut-être du fait que j’ai regardé tellement d’AV immoraux produits par V&R Planning dans ma jeunesse que ma notion du sexe a été chamboulée, ou plutôt renversée. Je crois que j’ai perdu mes repères à l’époque. J’aimais tellement ces AV que c’est sans doute pour ça que je ne suis pas devenu un adulte responsable comme le sont la plupart des gens de mon âge. Mon regard à certainement évolué depuis, mais quand je tournais The Matsugane Potshot Affair je pensais que le sexe était quelque chose de drôle et d’amusant. J’avais des idées un peu barrées. En plus je travaillais à la production de The Matsugane Potshot Affair en même temps que A Gentle Breeze in the Village, ce qui est un peu dingue quand on y pense.
A Gentle Breeze in the Village est paisible et doux, on dirait presque un film de jeunesse pour le jeune public.
Pour moi c’était vraiment le positif de The Matsugane Potshot Affair qui était un film très noir et sombre. Je tournais le recto-verso de la vie campagnarde. Le côté lumineux et le côté sombre. L’un étant tourné en été et l’autre en plein hiver. C’était une sorte de destin étrange que d’avoir tourné ces deux films en même temps. Je produisais le poison d’un côté et l’antidote pour me purifier de l’autre (rires).
L’anti-héros de The Drudgery Train aussi est du genre tordu, pour inviter son collègue de travail au nozoki-beya (peep-show) avec une telle désinvolture.
Là c’était plutôt à cause du roman original de Kenta Nishimura, car il s’agit d’une autofiction écrite d’après ses propres expériences. Toutes ces scènes étaient dans le roman original, même si le scénariste Shinji Imaoka y est sans doute pour quelque chose. Mais en discutant avec l’auteur original, d’après lui j’avais décrit cet adolescent de façon un peu trop animale. Ce n’était pas du tout littéraire, c’est ce qui fait que ça ne lui a pas plu. Mais j’aime beaucoup cette scène du peep-show, je me suis beaucoup amusé à la tourner. Ce genre de fuzoku (services sexuels) est aussi quelque chose de très japonais. C’est un peu malade et tordu mais on en trouve encore plein dans le quartier de Kabukichô. Vous devriez y faire un tour lors de votre prochain voyage au Japon (rires).
Ce qui est salutaire c’est que vous puissiez néanmoins tourner ce genre de scènes dans le cinéma commercial aujourd’hui si aseptisé, c’est quelque chose de rare.
Mais depuis quelques années je me suis beaucoup assagi. Je me souviens que la sous-culture des années 90 était quand même quelque chose de limite, et de très mauvais gout. C’est pour ça que jusqu’à The Matsugane Potshot Affair j’ai essayé de représenter sous différents aspects et de façon assez directe ce que j’ai vécu à cette époque. Mais je me suis calmé par la suite, même si parfois il m’arrive d’avoir envie de tourner une suite à The Matsugane Potshot Affair.
Ensuite vous avez réalisé My Back Page sur le mouvement étudiant des années 60/70. C’est la première fois que vous vous lanciez dans un film de reconstitution historique. Mais j’ai l’impression que c’est peut-être un de vos films les moins personnels.
Oui c’est tout à fait le cas. C’est pour cette raison que j’ai mis trois ans pour réaliser ce projet. Cela parlait du mouvement étudiant que je n’avais pas vécu, mais ce que je voulais c’était partir à la recherche de mes propres racines. Ce qui s’est passé avant ma naissance et les origines de cette sous-culture qui m’a tellement influencée, comme le manga, le cinéma et la musique de cette époque. J’ai tourné ce film pour renouer avec ces influences, mais malheureusement je n’ai pas réussi à retrouver un contact direct avec l’époque. C’est pour ça que cela a pris du temps et que j’y ai consacré autant d’énergie. Quand j’ai achevé le film j’étais totalement épuisé, vidé. J’ai eu l’impression que j’avais utilisé une partie de mon cerveau dont je ne m’étais encore jamais servie. Mais je ne suis pas arrivé à tout canaliser, donc j’ai un goût d’inachevé.
Plus généralement aussi j’ai remarqué que même s’il y a une tendance réaliste chez vous, dans la manière de mettre en scène vos acteurs et de saisir l’air du temps, il y a aussi une dimension burlesque, surréaliste, voire onirique, qui surgit ponctuellement dans vos films. Je pense au personnage qui se dégonfle littéralement avec un trucage très artificiel dans No One’s Ark, lorsqu’il est confronté à son infidélité devant sa copine. Ou quand le personnage de The Drudgery Train tombe littéralement du ciel à la fin du film. Dans Linda Linda Linda, c’est l’apparition fantasmée des Ramones et la fausse main. On s’échappe du réel de façon burlesque et drôle, mais à chaque fois avec des effets de mise en scène différents. Dans A Gentle Breeze in the Village vous utilisez la surimpression à partir d’éléments de Tokyo qui traversent le ciel.
Je dirais que la raison pour laquelle j’ai commencé à tourner des films quand j’étais jeune c’est que je m’ennuyais comme un rat mort. Alors j’ai commencé à prendre la caméra pour tourner avec mon ami Takeshi Yamamoto. C’est parti de l’envie toute simple de s’amuser, tout bonnement. C’était avant tout une activité ludique. Donc faire du cinéma pour moi reste un jeu. C’est pour ça que la scène dans No One’s Ark où le personnage se dégonfle soudainement, je l’ai faite sous le signe de la plaisanterie et pour m’en amuser en tant que spectateur. Si j’avais vu ça au cinéma j’aurais éclaté de rire. Faire un film c’est comme investir un terrain de jeu, c’est un moment de détente pour moi. Je me fous totalement de transmettre un message au spectateur, ce n’est pas le but du cinéma pour moi. Il faut juste se divertir. Depuis quelques année je ne le fais plus, mais cela à tendance à revenir ponctuellement. Avec The Drudgery Train j’ai eu cette idée tout d’un coup. Ce n’était pas écrit dans le scénario. J’ai réécrit la scène au tournage de cette façon. Mon équipe était surprise et s’est un peu foutu de moi, mais c’est mon esprit. Ce moment était important. Pour la séquence onirique de Linda Linda Linda, mon producteur était contre et j’ai du insister au montage pour conserver la scène. Mais j’ai l’impression que depuis quelque temps le public tolère de moins en moins que les créateurs s’amusent de cette façon. Dans Girls in the Psychic Club, je m’amuse du début jusqu’à la fin.
Pour terminer je voulais évoquer votre travail à la télévision. En quoi cet environnement vous intéresse-t-il ?
Pour la télé je réalise surtout des téléfilms à petits budgets pour le créneau de minuit. Ce sont des créneaux où l’on peut se permettre plus de choses. Ce qui est intéressant c’est que vous n’avez pas de choix. C’est-à-dire que lorsque je tourne pour la télé, en arrivant tout est déjà décidé à l’avance : casting, scénario, équipe technique etc. J’ai juste à me préoccuper de mettre en scène. Mais ce que j’apprécie c’est que dans toutes ces contraintes il y a toujours des découvertes. C’est pareil lorsque je tourne des publicités. Dans le cinéma il y a toujours des choses que je peux faire selon mes propres désirs mais à la télé c’est le contraire. Il n’y a aucune liberté. Donc j’essaye de tester des choses que je ne ferais pas d’ordinaire au cinéma en termes de mise en scène, car j’ai l’impression que les téléfilms ou les publicités sont périssables et fugaces. Ce n’est pas comme les films qui pour moi sont destinés à rester dans l’histoire, donc je peux parfois être un peu irresponsable et en profiter pour tenter des choses, expérimenter.
Filmographie en tant que réalisateur (longs-métrages de cinéma en gras)
Assistant
1997 Le Banquet des bêtes | Kichiku Daienkai 『鬼畜大宴会』 (35 mm) réal. Kazuyoshi Kumakiri
Réalisateur
1996 Night imitate Summer | Natsu ni nita yoru 『夏に似た夜』(8 mm) cm
1997 The Rotting Woman | Kusaru on’na 『腐る女』(16 mm) cm
1998 Season Seeds | Danmen 『断面』(8 mm) cm
1999 Hazy Life | Donten seikatsu 『どんてん生活』 (16 mm)
1999 Hiroshi and Rolan | Hiroshi to Rôran 『ヒロシとローラン』 (vidéo) cm
2000 105 Yen Hamburger is not cheap | 105-En no hanbâgâ 『105円のハンバーガー』(vidéo) cm
2002 No One’s Ark | Baka no hakobune 『ばかのハコ船』(35 mm)
2003 Soup Cop | Shiru deka 『汁刑事』 (vidéo) cm
2003 Most Dangerous Man Alive ! | Sono otoko, kyôbô ni tsuki 『その男凶棒につき』(vidéo) cm
2003 Yotchan 『よっちゃん』 (vidéo) cm
2004 Les Randoneurs | Realisumu no yado 『リアリズムの宿』 (35 mm)
2004 Fushô no hito 『不詳の人』(vidéo)
2004 Cream Lemon | Kurîmu remon 『くりいむレモン』(vidéo)
2005 Michi 『道』 (vidéo) cm
2005 Linda Linda Linda 『リンダリンダリンダ』(35 mm)
2005 Kizuna Drama 『キズナドラマ』 (vidéo) cm (6 épisodes) bonus du DVD de The Black Horns
2006 The Woman that films with her uterus | Shikyû de eiga o toru on’na 『子宮で映画を撮る女』(vidéo) cm
2006 The Matsugane Potshot Affair | Matsugane ransha jiken 『松ヶ根乱射事件』(35 mm)
2007 Ten Nights of Dreams | Yumejûya dai hachi-ya 『ユメ十夜』(第八夜) film omnibus chap. 8 (35 mm)
2007 A Gentle Breeze in the Village | Tennen kokekkô 『天然コケッコー』(35 mm)
2007 Tanimura Mitsuki 17-sai, Kyôto chaku.〜 Koi ga irodzuku sono zen ni 〜 『谷村美月17歳、京都着。〜恋が色づくその前に〜』 (vidéo) cm
2007 Chugakusei Nikki 『中学生日記』 (vidéo) cm film à sketches (5) réalisé dans le cadre d’un atelier d’acteur
2007 Paris, Texas, Moriguchi 『パリ、テキサス、守口』 (vidéo) cm
2008 Jikken 4 go : It’s a small world 『実験4号 It’s a small world』 (vidéo) cm
2008 Warera tenka wo mezasu 『我ら天下をめざす』 (vidéo) cm
2008 Weekly Yôko Maki | Shûkan Maki Yôko 『週刊真木よう子』第4話「中野の友人」 (vidéo) série TV épisode 4 : Nakano no yujin
2008 Aoi u × 4 Lies Camouflage | Aoi u × 4tsu no uso camouflage 『蒼井優x4つの嘘 カムフラージュ』第三章「アカバネ三姉妹」 (vidéo) série TV épisode 3 : Akabane san shimai
2009 Midnight Diner 1st season | Shinya shokudô dai 1 bu 『深夜食堂(第一部)』第7話「タマゴサンド」第9話「アジの開き」 (vidéo) série TV épisode 7 : Tamagosando et épisode 9 : Aji no hiraki
2009 Ueno Juri and the Five Bags | Ueno Juri to Itsutsu no Kaban 『上野樹里と5つの鞄』第3話「となりのとなりのあきら」 (vidéo) série TV épisode 3 : Tonari no tonari no Akira
2009 Dohyôgiwa no aria 『土俵際のアリア』(全13話) (vidéo) série diffusée sur téléphonie mobile - 13 épisodes
2009 Mecha kowa Vol. 1 Norowareta shinrei firumu『めちゃ怖 「呪われた心霊フィルム」』 (vidéo) DTV
2009 Mecha Kowa Vol.2 Kyufu ! shinrei supot 10 renpatsu 『めちゃ怖2「恐怖!心霊スポット十連発」』 (vidéo) DTV
2009 Mecha Kowa Vol.3 Renoryoku wo motsu otoko 『めちゃ怖3 「霊能力を持つ男」』 (vidéo) DTV
2011 My Back Page | Mai bakku pêji 『マイ・バック・ページ』(35 mm)
2011 A cloudy day, a lucky day | Donten kichijitsu 『曇天吉日』 (vidéo) publicité Johnnie Walker
2011 3.11 Tomorrow - Sendai Short Film Festival Project 『明日』「無事なる三匹」| film omnibus (vidéo) segment Three Who Will Be Safe
2011 Midnight Diner 2nd season | Shinya shokudô dai 2 bu 『深夜食堂(第二部)』第12話「唐揚げとハイボール」第15話「缶詰」(vidéo) série TV épisode 12 : Karate to Highball et épisode 15 : Kanzume
2012 EA’s Rock 『エアーズロック』第1話「ニューピーチオーディション」第2話「カツラの男」第3話「ブルー登場」第5話「山から来た女」第8話「カツラの男 VOL.2」第9話「哀しい奴」第11話「吉祥寺決戦 〜七色の闇〜」第12話「吉祥寺決戦 〜黄金の敵〜」第13話「吉祥寺決戦 〜赤るい希望〜」(vidéo) série TV épisode 1 : New Peach Audition, épisode 2 : Katsura no otoko, épisode 3 : Blue tôjô, épisode 5 : Yama kara kita onnna, épisode 8 : Katsura no otoko VOL.2, épisode 9 : Kanashii yatsu, épisode 11 : Kichijôji kessen - Nanairo no yami, épisode 12 : Kchijôji kessen - Ôgon no teki, épisode 13 : Kichijôji kessen - Akarui kibô
2012 The Drudgery Train | Kueki ressha 『苦役列車』(35 mm)
2012 Bungo : Stories of Desire | Bungô : Sasayaka na yokubô 『BUNGO 〜ささやかな欲望』「握った手」 film omnibus segment The Grasped Hand (vidéo)
2012 Go kinjo UMA morobee | 『ご近所UMAモロベエ』 (vidéo) cm réalisé dans le cadre du séminaire ENBU
2013 Just Another Live Tape | Arifureta Livetape ni Focus 『ありふれたライブテープにFocus』 (vidéo) cm réalisé dans le cadre de l’atelier Cinema Impact
2013 The Fighting Men’s Chronicle : Elephant Kashimashi The Movie 『the fighting men’s chronicle エレファントカシマシ 劇場版』 (vidéo) documentaire cinéma
2013 Gozen 3-ji no muhô chitai 『午前3時の無法地帯』(第1~4、10~12話) (vidéo) série diffusée sur téléphonie mobile épisodes 1 à 4 et 10 à 12
2013 Tamako in Moratorium | Moratoriamu Tamako 『もらとりあむタマ子』(vidéo)
2014 Girls in the Psychic Club | Chônôryoku kenkyûbu no 3 nin 『超能力研究部の3人』 (vidéo)
2014 Midnight Diner 3rd season | Shinya shokudô dai 3 bu 『深夜食堂(第三部)』第23話「里いもとイカの煮もの」第28話「きんぴらごぼう」(vidéo) série TV épisode 23 : Satoimo to ika no nimono et épisode 28 : Kinpiragobô
2015 Yamada Takayuki in Akabane, Kita-ku, Tokyo 『山田孝之の東京都北区赤羽』(vidéo) série TV - 12 épisodes co-réalisés avec Tetsuaki Matsue
2015 La La La At Rock Bottom | Misono Yunibasu 『味園ユニバース』(vidéo)
Cet entretien a été réalisé par Dimitri Ianni en décembre 2014 à Paris au cours de la 9ème édition du Festival du cinéma japonais contemporain de Paris Kinotayo.
Tous mes remerciements à Terutarô Osanaï pour son aide et sa traduction, à Monsieur et Madame Yamashita pour leur disponibilité et leur bonne humeur, ainsi qu’à toute l’équipe du festival Kinotayo.
Légendes photos : (1) Le Banquet des Bêtes (2) Takeshi Yamamoto dans Night immitate Summer (3) The Rotting Woman (4) Kôsuke Mukai et Nobuhiro Yamashita dans Season Seeds (5, 6) Hazy life (7, 8) No One’s Ark (9) Takeshi Yamamoto dans Soup Cop (10, 11) Les Randonneurs (12) Cream Lemon (13) Linda Linda Linda (14, 15) The Matsugane Potshot Affair (16) A Gentle Breeze in the Village (17) My Back Page (18) The Drudgery Train (19) Tamako in Moratorium (20) Girls in the Psychic Club (21) La La La at Rock Bottom.
Photo en-tête de Nobuhiro Yamashita © Kizushii.
[1] C’est l’année où L’Anguille d’Imamura obtient la Palme d’or, Hana-bi de Kitano le Lion d’or, et ou Naomi Kawase devient la plus jeune lauréate de la Caméra d’Or avec son premier long métrage Suzaku, sans oublier la reconnaissance internationale de Kiyoshi Kurosawa avec Cure lors du Festival International du Film de Tokyo.
[2] Tamako in Moratorium, Girls in the Psychic Club, la série Gozen 3-ji no muhô chitai (épisodes 1 à 4 et 10 à 12) et la troisième saison de Midnight Diner (épisodes 23 et 28).
[3] Né en 1934 et diplômé en Lettres de l’Université de Tokyo, il entre à la Toei en 1959 et deviendra l’un des piliers du studio de Kyoto où il fera quasiment toute sa carrière. Auteur d’une soixantaine de longs-métrages, il a été assistant de Masahiro Makino, Tadashi Sawashima, Tomotaka Tasaka ou encore Tadashi Imai. On lui doit notamment Memoirs of japanese assassins (Nihon ansatsu hiroku, 69) fresque impressionnante et point d’orgue de sa carrière, sur l’histoire du terrorisme au Japon à travers les 19ème/20ème siècles, en collaboration avec le grand scénariste Kazuo Kasahara (la série Combat sans code d’honneur). Il devient professeur aux Beaux-Arts d’Osaka en 1987. On a également pu le voir tout récemment dans son propre rôle dans le faiblard Uzumasa Limelight (2014), panégyrique nostalgique à la gloire du chanbara qui fit les beaux jours du studio Toei de Kyoto à travers la chronique d’un vieux kirareyaku (figurant qui se fait sabrer).
[4] A noter que Ujita a collaboré pour la première fois avec Kiyoshi Kurosawa sur le scénario de Vers l’autre rive (2015).
[5] Une des figures du cinéma indépendant japonais des années 2000 qui a quelque peu disparu du milieu du cinéma. On a pu le découvrir dernièrement lors du festival Hors Pistes 2013 au Centre Pompidou qui lui avait consacré une carte blanche : https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/cibRon/raj8RLg
Lire également cet entretien en anglais sur le site Eigagogo : http://eigagogo.free.fr/en/interview-go-shibata.php
[6] Formé en 1993 sur les bancs de l’université des Beaux-Arts d’Osaka, le groupe est composé de 14 musiciens. Depuis cet entretien on a pu les découvrir dans La la la at Rock Bottom (2015) dans lequel les membres du groupe interprètent leur propre rôle. Site officiel (en japonais) : http://www.akainu.com
[7] Il collabore sur trois long métrages de Yamashita : Linda Linda Linda, The Drudgery Train ainsi que la deuxième partie de Tamako in Moratorium (saison printemps et été).
[8] Né en 1939, c’est l’un des plus grands chefs opérateurs du cinéma Japonais. Il a notamment travaillé avec le documentariste Shinsuke Ogawa sur la série Sanrizuka, mais aussi avec Shinji Sômai ou Mitsuo Yanagimachi, deux des cinéastes les plus importants des années 80, et accompagnera aussi une partie des réalisateurs de la nouvelle vague des années 90 (Kawase, Suwa, Kurosawa) et plus particulièrement Shinji Aoyama dont il sera le chef op attitré. A 75 ans, il tourne son premier film avec Drive in Gamo (2014).
[9] Il dirige aujourd’hui sa propre société, Matchpoint, dont fait aussi partie Yamashita.
[10] Il s’agit du Japanese Movie Angel Grand Prize (Nihon Eiga Angel Taishô) créé en 2002 par Kadokawa. Le projet du producteur Hiroyuki Negishi qui s’appelait à l’origine Blue Hearts 17 était l’un des trois gagnants de la première édition.
[11] Le titre est une contraction de shiru qui signifie « soupe » en japonais mais constitue une référence imagée à la doublure d’un acteur porno masculin appelé shiru dan’yû et dont on ne filme que l’éjaculation, et keiji qui signifie « détective ».
[12] Citons notamment Fushô no hito (2004), Michi (2005) devenu par la suite The Woman that films with her uterus (Shikyû de eiga o toru on’na, 2006) et plus récemment Just Another Live Tape (2013) produit par Masashi Yamamoto dans le cadre de l’atelier Cinema Impact.
[13] Il interprète le rôle de l’agent d’artiste.
[14] L’équivalent des films pornographiques au japon. Genre qui s’est développé à partir du début des années 80 avec la démocratisation du magnétoscope et de la vidéo.
[15] Société de production et de distribution de films pornographiques fondée par Koaru Adachi en 1986. Page Wikipedia (en anglais) : https://en.wikipedia.org/wiki/V%26R_Planning
[16] Réalisateur de films pour adultes et documentariste né en 64, il est surtout connu pour sa trilogie documentaire en forme de road-movie à vélo dont le dernier volet, Shiro - The White, a été notamment projeté à Berlin dans la section Forum en 2000.
[17] Pour ceux qui veulent en savoir davantage sur le monde de l’AV ainsi que ce cinéaste à l’avant-garde du genre, nous vous recommandons la lecture de cet entretien en anglais paru chez nos collègues de Midnight Eye :
http://www.midnighteye.com/features/company-matsuo-and-the-world-of-japanese-adult-video/
[18] Le film a été projeté au Festival international du documentaire de Yamagata :
http://www.yidff.jp/cgi-bin/fsearch-e.cgi?idno=20011140
[19] Maison de production fondée en 1986 par Tetsujiro Yamagani, à laquelle la Cinémathèque Française avait rendu hommage en novembre 2011.
[20] Tomokazu Miura y interprétait le maître d’école nonchalant et négligé.




















