Nuclear Nation II
Grand trauma de l’histoire récente du Japon, la catastrophe de Fukushima est devenue logiquement un sujet privilégié aussi bien de la fiction (The Land of Hope) que du documentaire (Kazuhiro Soda et Yôju Matsubayashi).
Nuclear Nation II [1] débute un an après la catastrophe et s’intéresse au sort des habitants de Futaba, petite ville proche de la centrale, qui ont du abandonner leur village en raison du niveau élevé de radioactivité. La collectivité, dont le conseil municipal, a trouvé refuge en dehors de la préfecture de Fukushima : une partie de la population est toujours hébergée dans un lycée et une autre dans des abris en dur. Il s’agit principalement de personnes âgées, les actifs étant partis chercher meilleure fortune sous des cieux plus favorables. Mais si la situation des premières n’évolue guère, le monde autour d’eux n’arrête pas de bouger pour autant.
Qui trop embrasse, mal étreint
Le film d’Atsushi Funahashi est bâti sur les thèmes de l’abandon et la destruction de cette communauté. Mais le réalisateur n’arrive pas à faire émerger un véritable point de vue, une ligne directrice forte. En cause, une trop grande dispersion qui ne lui permet jamais de véritablement creuser son sujet. Nuclear Nation II n’en demeure pas moins une chronique souvent intéressante, parfois poignante, de l’après Fukushima.
Le tsunami et l’accident nucléaire qui a suivi ont provoqué de nombreuses fractures au sein de cette communauté. La plus importante se trouve entre les actifs, qui sont partis chercher du travail dans d’autres régions, et les anciens qui ne possèdent pas les moyens pour un exil intérieur et/ou ne veulent pas abandonner la terre où ils ont fait leur vie. Ils sont au cœur de ce documentaire.
La situation de Futaba est bien résumée dans la séquence où certains habitants retournent dans leur ville pour quelques heures. Ils se remémorent la convivialité du restaurant chinois où des liens se tissaient entre les habitants, créant un sens d’appartenance à une communauté. Ce restaurant et cette communauté n’existent plus, tandis que son propriétaire habite désormais dans un préfabriqué, loin de son fils parti travailler dans une autre partie du pays.
L’autre grande ligne de fracture passe entre ces citoyens et le gouvernement du pays, dont l’aide est insuffisante. Ces personnes âgées, dont certaines nécessitent des soins, vont manger, dormir vivre en commun sur les tatamis d’une grande salle de cours d’un lycée pendant près de 3 ans. Les séquences les plus poignantes du documentaire sont celles où elles se rappellent leur vie avant la catastrophe. Comme cette femme qui peignait des bannières avec son mari, par ailleurs opposant à l’implantation de la centrale dans les années 60. Comme tant d’autres, elle a laissé sa vie (les photos familiales sont encore accrochées aux murs dans leur maison où est restée une grande partie de leurs possessions), et les traditions du village derrière elle.
Plusieurs personnes auraient pu constituer à elles seules le sujet d’un documentaire. J’ai ressenti plusieurs fois la frustration de ne pas pouvoir en apprendre plus.
Non seulement, l’aide de l’Etat n’est pas à la hauteur, mais il manœuvre pour faire redémarrer les centrales nucléaires, vantant même le haut niveau de sécurité des installations nucléaires japonaises. Atsushi Funahashi souligne l’absence de considération du gouvernement pour ses citoyens en dévoilant ces informations aux spectateurs via les télévisions présentes dans la salle où « campent » les réfugiés .
Plus surprenant - même si les enjeux financiers doivent être importants, mais le réalisateur n’en parle pas - les communes abritant des centrales souhaiteraient, elles, les voir redémarrer en dépit de la récente catastrophe.
Ultime humiliation infligée à cette population et symbole du peu d’importance qu’il lui attache, Tokyo propose de stocker les terres contaminées dans des lieux jouxtant la ville, où elle sera repartie vivre. Bien sûr, le niveau de radioactivité sera acceptable…
Fool me once, shame on you, but fool me twice, shame on me [2].
Nuclear Nation II a fait partie de la Compétition internationale du 37e Cinéma du réel.
[1] Le premier volet de Nuclear Nation traitait de la vie des habitants de Futaba au cours des 9 premiers mois après l’accident nucléaire.
[2] Tu me trompes une fois, honte à toi, tu me trompes deux fois, honte à moi.





