Oboreru Sakana
Flics borderline, Jô Shishido en roi de l’omelette, poissons noyés et Morning Musume...
Les renseignements généraux nippons suspectent le lieutenant Ishimaki d’entretenir des activités douteuses en parallèle de son boulot de flic, notamment avec la mafia chinoise et la puissante firme de photographie Daitô. Le Tôkyô Metropolitan Police Department décide de s’approprier les services de deux inspecteurs, Shirasu et Akiyoshi... un peu malgré eux ! Shirasu, après avoir tué deux suspects dans une affaire de trafic de drogue, s’éclipse avec l’argent qui faisait office de preuve, quant à Akiyoshi, travesti notoire, il vole l’uniforme d’une policière... Nos deux compères d’infortune n’ont donc pas le choix. Au même moment, la Daitô reçoit un mail signé par un certain Oboreru Sakana, qui ordonne aux têtes pensantes de la firme de réaliser en pleine rue un playback chorégraphié et en tenues de la chanson Happy Summer Wedding des Morning Musume, sous peine d’infliger à la Daitô de gros dommages... Poursuivant leur enquête, Shirasu et Akiyoshi suivent Ishimaki jusque dans un bar gay de la ville, où ils rencontrent l’étrange Okabe, un homme qui semble receler bien des secrets...
...c’est désormais un fait ; tout script qui passe entre les mains du génial Yukihiko Tsutsumi est instantanément transformé en un objet filmique totalement barré au-delà de toute conventionalité. Tout en parvenant à se glisser dans le paysage audiovisuel nippon sans gêner personne, Tsutsumi se construit petit à petit une œuvre maîtrisée, pensée, pertinente, drôle... et totalement décalée ! Entre ses premières armes "clipesques" derrière la caméra, pour Ann Lewis et Kyon², et son treizième long-métrage Renai Shashin - Collage of Our Life, en passant par ses aventures télévisuelles remarquées Keizoku (cf. Keizoku - Beautiful Dreamer) ou Ikebukuro West Gate Park, et ses collaborations videos avec Nanase Aikawa (Sweet Emotion, Jealousy) ou les V6 (Take me Higher, Ai Nanda), on peut dire que le maître mot qui régisse la carrière de ce trublion fanfaron est l’éclectisme... Deux ans avant leur seconde collaboration sur l’infiniment génial et hors toutes catégories Gokinjo Tantei Tomoe, Tsutsumi mettait un premier pied dans l’univers de l’écrivain Keita Tokaji en adaptant son roman policier Oboreru Sakana, polar pour le moins... inhabituel !
...inhabituel ?! oui ! Tsutsumi n’hésite pas à utiliser sa caméra 35mm comme s’il s’agissait d’un camescope, et expérimente sans honte comme s’il était à la tête d’un direct to video des familles, tant dans le montage que dans la mise en scène en elle-même ! Mais hormis le point de vue technique qui rendrait malade n’importe quel analyste du cinéma, Tsutsumi mélange une fois de plus les genres, en transformant un polar dont la base est assez tragique - un enfant (dont on apprendra par la suite l’identité, ainsi que celle du tueur) voit sa famille massacrée, et son poisson empoisonné... je sais, le poisson cela peut paraître moindre, mais il revêt une certaine importance dans le film... - en un film farfelu, pour ne pas réemployer le sempiternel "barré" qui s’accommode parfaitement avec la quasi-totalité des films de Tsutsumi ; un polar insolite et hilarant, parfois d’une grande noirceur...
Evidemment, même s’ils font partie du système, les héros d’Oboreru Sakana sont des exclus, des outsiders ; exclus par leurs différences, hors-normes compte tenu de leur métier. Shirasu, fan absolu de Jô Shishido (sa voiture est un musée dédié à l’acteur mythique de Koroshi no Rakuin/La Marque du Tueur) et cleptomane invétéré, et Akiyoshi, jeune flic peu sûr de lui qui ne se sent bien qu’habillé en femme... Entre polar et comédie non-sensique, Oboreru Sakana recèle de ressorts comiques qui désamorcent toutes les situations tendues et graves - comme très souvent chez Tsutsumi - dans une certaine mesure ; s’il ne s’attarde pas sur la violence et la noirceur de certaines situations, certaines séquences sont simplement belles, empreintes d’un véritable lyrisme, dégageant ainsi une émotion bien réelle (la plage, Akiyoshi/Okabe) et un sentiment de pureté par lequel le spectateur se laisse transporter...
...si Tsutsumi est à l’honneur de son film, puisqu’il en est le génial chef d’orchestre, les acteurs ont une part plus qu’importante dans la réussite d’Oboreru Sakana : A ma gauche Kippei Shiina as Katsuhiko Shirosu ! Excellent comédien que l’on a pu apprécier en flic pugnace chez Miike (Shinjuku Kuroshakai - China Mafia Senso), en yakuza malheureux et décoloré chez Ishii (Gonin), ou encore en représentant de l’élite nippone chez Harada (Kinnyû Fushoku Rettô [Jubaku])... Shiina nous fait un numéro jamais vu de cabotinage rarement égalé ! Il faut le voir, imitant Jô Shishido chanter dans une boite gay une chanson de son idole face à un parterre médusé, son acolyte se touchant et se frottant à lui... du grand art ! A ma droite Yôsuke Kubozuka as Munetaka Akiyoshi ! De ses débuts fracassants dans les drama SOS, Ikebukuro West Gate Park ou l’excellent Long Love Letter, à ses récentes incursions cinématographiques comme le magnifique Ping Pong ou encore le noirissime Kyouki no Sakura, Kubozuka donne à son personnage une réelle dimension émotionnelle, non dénuée d’humour... Aux côtés de notre duo de choc, gravitent la ravissante et talentueuse Yukie Nakama (Trick), Izam (Chinese Dinner), Ken Watanabe (Kizuna), et... Jô Shishido himself ! et croyez moi, on ne touche pas à l’omuraisu [1] d’Ace no Jô !
Aux antipodes d’un polar classique, de par ses situations, ses protagonistes, et son histoire, Oboreru Sakana est une véritable explosion visuelle où un déferlement d’idées de mise en scène atypiques et recherchées, tout droit sorties de l’esprit génialement barré de Yukihiko Tsutsumi, nous plonge dans un univers à la fois cohérent et incompréhensible, où personne n’est tout à fait normal pour notre plus grand bonheur ! Bref du cinéma, du vrai, bordélique et joyeux, pour un résultat tout simplement excellent, jouissif, hilarant... et émouvant.
DVD (Japon) | h.m.p. - Toei | NTSC | Zone 2 | Format : 1:1:85 - 16/9 | Images : Un très bon pressage, même si lors des scènes sous-marines la compression se fait parfois ressentir... | Son : Excellent Surround
Suppléments : Behind the scenes, trailers, teasers et TV Spots, mini-concert...
Ce DVD ne comporte pas le moindre sous-titre.
DVD (HK pas vu) | Universe | NTSC | All Zone | Format : 1:1:85 - 4/3
Ce DVD ne dispose que de sous-titres chinois optionnels.
Existe également en VHS (NTSC) au format et stéréo, au Japon, et en VCD à Hong Kong (uniquement sous-titré en chinois).
La musique d’Oboreru Sakana composée par Akira Mitake fut disponible en CD...
...quant à Edge, le générique de fin interprété par Chihiro Onitsuka, il est disponible sur son excellent premier album Insomnia.
Bonus
Site Officiel: http://www.toei.co.jp/movie/os
Site Officiel de Chihiro Onitsuka: http://www.melodystar.com/onitsuka
[1] Omelette au riz.







