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Japon | Festival du film asiatique de Deauville 2014 | Animation

Patema et le monde inversé

aka Patema Inverted - Sakasama no Patema – サカサマのパテマ | Japon | 2013 | Un film de Yasuhiro Yoshiura | Avec les voix de Fujii Yukiyo, Nobuhiko Okamoto, Oohata Shintaro

Dans un futur lointain... Patema passe son temps à arpenter les tunnels et recoins de son monde souterrain, s’aventurant sans cesse à proximité de zones interdites, faisant fi de la menace des hommes chauves-souris... Ces derniers, des « inversés », habitants de la surface dont Patema ignore l’existence, monde à la gravité opposée à la sienne. Age est l’un d’eux, rêve d’échapper à l’oppression d’une dictature qui, depuis le cataclysme qui a causé cette inversion, interdit de contempler le ciel qui pourrait de nouveau tenter de les engloutir. C’était pourtant là-haut que son père regardait sans cesse, avant qu’il perde la vie en tentant de l’explorer... Effrayée par un homme chauve-souris au cours de l’une de ses escapades, Patema tombe dans un gouffre de la zone interdite, et rejoint la surface, sauvée in extremis de sa chute vers le ciel par Age...

Il apparaît inévitable, à la lecture du synopsis de Patema et le monde inversé, de mentionner le Upside Down de Juan Solanas (2012), avec Jim Sturgess et Kirsten Dunst. Sans évoquer de catastrophe, celui-ci se situe dans un monde où deux planètes cohabitent tête bêche, leurs gravités - comme leurs richesses - opposées, suffisamment proches pour que Adam et Eden, lui d’en bas, elle d’en haut, se rencontrent et bravent les interdits pour passer du temps ensemble, vivre un amour impossible. Traversé de visuels magnifiques, et attachant de bien des manières, Upside Down est malgré tout un échec : le film s’écroule sous le poids de son ambition, victime de son incapacité à concilier science et fiction dans le cadre de ses propres règles. Sa narration avortée – le film se tord le cou en quelques scènes, comme par résignation – le prive au final de toute consistance, par delà ses énonciations, postulats castrateurs.

Au contraire d’Upside Down, dont l’univers s’apprend, celui du film d’animation de Yasuhiro Yoshiura se découvre. Son univers dépeuplé se résume à quelques constatations et autant d’humanités, sa physique se devine et se comprend... Épuré et implicite, Patema et le monde inversé pose la question du référentiel – quel monde est l’inverse de l’autre ? [1] - et plus simplement de l’intégration, en se focalisant sur la rencontre de Patema et Age et ses conséquences. Plutôt que de poser dés le départ ses enjeux, le film révèle au fur et à mesure l’importance de ses blessures – l’histoire du père de Age ; ainsi que celle de Lagos, ami disparu de Patema, qui lui avait confié une photo du « vrai monde » à la gravité inversée – et trouve, au milieu d’une action simple (survivre à la persécution de l’obscurantisme totalitaire de la surface), matière à déployer une certaine poésie, et esquisser la réalité de son monde. Alors qu’Upside Down se contractait, Patema et le monde inversé est, délicatement, en constante expansion.

La restreinte de Yasuhiro Yoshiura permet au spectateur d’accepter le principe de contrepoids au cœur de l’histoire, et de regarder Patema et Age, agrippés l’un à l’autre, défier leurs gravités respectives avec plaisir, entre humour et appréhension. Leur suspension devient crédible grâce à la légèreté de l’ensemble, et définit littéralement l’équilibre du film, entre action et émotion, fascination et peur d’un vide qui, sans cesse, se redéfinit... Le sound design remarquable du film (signé Akira Yamaoka, musicien/producteur emblématique de la série des Silent Hill) n’évite pas un certain épanchement musical, contrepoint inévitable d’une narration principalement visuelle, laissant le temps de la compréhension, mais Yoshiura ne se perd jamais dans la grandiloquence. En phase avec la narration, l’approche visuelle du film fuit le foisonnement, ne contient aucun détail inutile, au risque d’apparaître spartiate, ne fait la part belle à aucune mécanique gratuite. Tout reste simple, ses humanités en constituant la véritable richesse. Fort à propos, Patema et le monde inversé est une belle réussite car il incarne, en tout point, l’équilibre dont il se fait le défenseur.

Présenté hors-compétition au cours de la 16ème édition du Festival du film asiatique de Deauville, Patema et le monde inversé sort sur nos écrans ce mercredi 12 mars.

[1Il est amusant de constater que le titre français retourne d’ailleurs le rapport d’inversion par rapport au titre original, « Patema inversée ».

- Article paru le mercredi 12 mars 2014

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