Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Corée du Sud | Festival du film asiatique de Deauville 2003

Plastic Tree

Corée du Sud | 2002 | Un film de Eo Il-Seon | Avec Cho Eun-sook (Eun Suk), Kim In-kwon, Kim Jung-hyun

Wonyoung (Cho Eun-sook) s’est endormie au petit matin dans un parc de Pusan au milieu de féeriques statues de glace. Lorsqu’elle n’a rien à faire, ni envie de voir personne, c’est là qu’elle vient se réfugier. Mais c’est déjà l’heure de rejoindre son team de joyeux coursiers machos à moto, pour une journée de livraison express... Ce soir, elle rentre directement, comme d’habitude, dans le salon de coiffure - maison de Sue construite sur la plage. Autour, rien d’autre que la mer... Et la terrasse de leur plus proche voisin qui ne cesse de la narguer avec son buisson en fleur toute l’année ! C’est décidé, à la première occasion, elle aussi aura son morceau de nature luxuriante sur le toit en terrasse de leur habitation. Ainsi semble s’écouler depuis la nuit des temps la vie de Wonyoung la motarde et de son fidèle petit ami, le si discret, propret et minutieux coiffeur Sue (Kim In-kwon).

Cette tranquillité va pourtant être ébranlée par l’arrivée d’un ami du village natal de Sue, un grossier coucou de la pire espèce, le beau gosse de service, balaise et tout : Byongho (Kim Jung-hyun). Il attend qu’on l’appelle pour repartir faire une saison de pêche sur un chalutier, et il a donné le numéro de téléphone de la seule personne qui ne saurait dire non à son intrusion envahissante.

Et voilà notre trio réuni. Et comme pour toutes les narrations un peu intimistes, il ne s’agit pas tant de l’importance de l’histoire ici, mais de la découverte des personnages et surtout de leurs interactions auxquelles il s’agira de s’intéresser... Et là, il y a de quoi faire avec des personnalités si différentes !

V S L : [1] Plastic Tree... Rien à voir avec le presque légendaire groupe de Punk-folk Japonais The real plastic tree, je suppose ?

Kyoko : Non. Quoique finalement, en y réfléchissant bien... C’est quand même un peu rock’n’roll cette histoire !

V S L : Alors c’est une histoire d’amour ?

Kyoko : Là encore, c’est à nuancer. Enfin, à chacun sa définition de l’amour après tout. Si tout le monde y trouve son compte !

VSL : Ha bon. Bon. Alors c’est juste un film réalisé par un Coréen... et payé par un français ?! C’est ça qu’est terrible ??!

Kyoko : Ben oui, c’est tout à fait remarquable comme genèse de production, mais non, c’est pas ça non plus. Mais c’est une bonne raison d’aller lire l’interview de la magnifique Cho Eun-sook réalisée à l’occasion du festival du film asiatique de Deauville 2003 par la gente masculine sanchoïste pratiquement au grand complet (on remballe les langues Messieurs à moustaches !).

VSL : Ha je sais cette fois ! C’était juste pour faire un article sur le fait qu’en Corée, comme dans beaucoup de pays du monde (- hé non, malheureusement ! -), ils viennent de nommer comme Ministre de la Culture un fameux réalisateur [2] ? C’est ça cette fois, hein ?

Kyoko : Bon, bah là pour le coup on s’éloigne, alors je vais la jouer toute seule sur cette critique ! [3]

Donc... Avant tout, indiquons à nos lecteurs passionnés et courageux, que cet article ne pouvait être traité que de plume de femme. Hé oui. Loin d’être un film de femme au sens propre du genre, c’est un film dur sur le destin d’une pauvre fille ! Mon Dieu que cette Cho Eun-sook y joue bien !
Pour aller du plus léger au plus glauque, ce film décline la traversée du désert pour cette jeune femme, socialement, sexuellement et sentimentalement.

Socialement tout d’abord puisque Wonyoung travaille dans un secteur encore très largement réservé aux hommes, ceux qui vont vite et qui ont la plus puissante motorisation entre les jambes : les coursiers à deux roues, autrement dit nos donneurs d’organes préférés à nous, en France. Elle y subit quotidiennement vexations et goujateries en tout genre. Mais elle ne se voit pas en changer, puisque selon elle c’est tout ce qu’elle sait faire et peut faire avec son si léger bagage d’instruction. Elle a une vie simple, presque saine finalement. Son seul rêve avoué : posséder un peu de végétation au dessus du salon de coiffure, réhabiliter un peu de verdure dans cet espace visuel sans fin de sable et d’eau salée, désertique, même si grandiose. Et puis son voisin y arrive bien, lui, à faire pousser un buisson fleuri, alors pourquoi pas elle ? C’est à mon avis la plus parfaite des paraboles qu’il m’ait été donnée d’admirer ses derniers temps sur la compétition sociale. C’est simple et clair : le désir de posséder ce qu’à l’autre, pas par envie pure, mais par désir d’intégration et de discrétion finalement. Plus ce serait déplacé, moins on la montrerait du doigt. Elle recherche l’anonymat au sein de ce petit morceau de ville, de vie, comme elle sait que si elle était un garçon, l’exercice de son métier se ferait dans des conditions bien plus faciles. C’est ce qu’elle essaiera de faire, du reste, en se faisant couper les cheveux, pour qu’on ne l’identifie plus sous son casque... Mais peut-on, doit-on, obsessionnellement lutter contre sa nature ?

Ce film aborde également une certaine forme de critique de l’establishment sexuel, à mon avis. Si Wonyoung se contente très bien des attouchements labiaux sexuels que lui prodigue inlassablement Sue au début du film, il semble que la découverte de la pénétration avec Byongho lui fasse complètement perdre la tête. Déboussolée par cette nouveauté dans la vie la plus intime qui soit, elle va confondre découverte et passion, confiance et abandon. Et évidemment, le destin se nourrit de ces histoires tristes où la jeune femme perd sa virginité et sa dignité en même temps. Elle qui était si fraîche et si spontanée au début du film se change peu à peu pour un regard extérieur en gourgandine... Et pour qui s’il vous plait ? Un déplaisant Monsieur j’ai-tout-vu-et-tout-fait !

Sue ne s’y trompe pas, lui. Depuis son enfance, il lutte pour préserver un équilibre mental, fragilisé par une éducation dispensé par une mère folle. Elevé comme une fille, on lui coupera ses longs cheveux et le vêtira en homme à peine sa mère enterrée. Il ne se résoudra du reste jamais à adopter les attitudes masculines si chères à Byongho, ni dans sa sexualité, ni dans le plus petit geste de la vie quotidienne. Alors lorsque Wonyoung lui hurlera à la face tout ce qu’elle a entendu dire sur la mère de ce dernier, juste avant de le forcer à lui couper les cheveux, personne ne s’étonne plus du châtiment qu’elle subira. Sue empoignera une fois encore ces ciseaux de coiffeur pour une dernière coupe à laquelle nous n’assisterons pas, puisque la réalisation s’attache alors à nous refaire vivre ses calvaires d’enfance, sur une musique étrangement dérangeante.

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire par contre de revenir sur le personnage du pique assiette. Il n’est finalement à mon sens pas plus intéressant qu’un catalyseur chimique. On a besoin de lui pour que la réaction prenne, mais il me semble qu’il n’en reste rien à l’arrivée. Si ce n’est une porte de sortie pour Sue... Alors si, finalement merci quand même.

Il est clair que si j’avais vu ce film avant mes premiers Kim Ki-duk, j’aurais certainement crié au génie ! Il y a de la fraîcheur, de l’authenticité dans tout cela... Mais décidément non, pas de génie. C’est un film à la manière de... Mais il n’y pas autant de profondeur elliptique. Je veux dire en fait plus simplement, que si le ton y est, il manque une dose de légèreté, de non dit, d’infinité. Le film se finit, et avec lui l’histoire. On se fiche un peu de ce qu’il peut advenir aux survivants d’un tel drame.... J’aurais préféré mettre plus de temps à en sortir que ce ne fut le cas.

Si l’arbre du voisin est en toc (Plastic Tree !), la relation à trois le fut aussi (Three ! Bonjour les faux amis !). Alors que chacun surtout s’en tienne à trouver midi à sa porte... Pas à celle de l’Autre ! A bon entendeur !

Plastic Tree fut diffusé lors de la 5ème édition du festival du film asiatique de Deauville. Etant donné qu’il s’agit d’un film coréen produit par des français, il y a fort à parier qu’il connaîtra une sortie sur nos écrans dans un futur proche...

[1Visiteur Sanchoïste Lambda.

[2Lee Chan-dong à qui l’on doit notamment en plus de nombreux scénars (To The Starry Island, A Single Spark) de terribles pitits films : Green Fish, Peppermint Candy et Oasis !

[3Kyoko aurait bien aimé qu’on l’interviewe aussi à Deauville dans sa jolie robe de star, alors elle évacue son complexe d’invisibilité comme ça. C’est tout elle (dixit elle-même, car elle aime bien se citer aussi !!.)

- Article paru le lundi 24 mars 2003

signé Kyoko

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