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Japon

Printemps tardif

aka 晩春 - Banshun | Japon | 1939 | Un film de Yasujirō Ozu | Avec Chishu Ryu, Setsuko Hara, Yumeji Tsukioka, Haruko Sugimura, Hohi Aoki, Jun Usami, Kuniko Miyake, Masao Mishima

Noriko vit seule avec son père et l’harmonie règne dans la maisonnée. Il pense cependant qu’il est grand temps pour elle de se marier. Mais sa fille s’y oppose vivement, satisfaite de l’arrangement actuel et inquiète à l’idée de le voir vivre seul. Sa mère étant décédée, Noriko s’occupe de la maison et prend soin de son père. La pression de sa tante et de l’une de ses amies va se renforcer pour que, conformément à la tradition, elle revête un kakeshita [1].

Printemps tardif a été tourné en 1949 et Yasujirō Ozu est au sommet de son art. La vie au Japon se normalise après les difficiles années de conflit et de l’après reddition. Le cinéaste le sous-entend en évoquant la guérison de Noriko, dont la santé a pâti des épreuves connues pendant le conflit. A ce stade de sa carrière, l’évolution de la famille japonaise dans l’après-guerre devient l’un des thèmes fétiches du réalisateur.

Les vie de Noriko et son père restent traditionnelles : elle participe à la cérémonie du thé, ils assistent à une pièce de théâtre No... Mais le monde autour d’eux a changé et les mœurs ont évolué.

Un insert, si propre au style du cinéaste, dévoile une publicité pour Time Life sur un immeuble tandis qu’un peu plus tard un panneau Coca-Cola en bord de route, rappelle que le Japon reste sous occupation américaine, dont l’influence se fait sentir. Le cinéaste intègre cette publicité dans un cadre parfaitement soigné, dont il a le secret. Il est bien trop raffiné pour se lancer dans une dénonciation de cette influence.

Fiancé, mariés, veuf, veuves divorcée, remarié : les expériences maritales de leurs amis de la famille sont très diverses, certaines restent dans le cadre traditionnel et d’autres en sortent. Les temps changent est un des leitmotiv du film.

Si les mœurs évoluent, les tensions entre ses propres désirs et les contraintes sociales sont toujours présentes. Yasujirō Ozu parvient très bien à les faire ressentir en donnant à son film un ton de mélancolie joyeuse.

La première partie marquée par l’entente parfaite entre le père et la fille est illuminée par la joie solaire de Setsuko Hara, qui interprète cette dernière. La pression qui se renforce afin qu’elle se marie va jeter une ombre sur l’harmonie familiale. Elle est surtout exercée par la tante, gardienne de la tradition, tandis que son père parle d’expérience – il raconte ainsi à sa fille les débuts difficiles de son couple et comment ils sont parvenus à les surmonter - mais veut aussi le bien de sa fille. A la différence de son amie divorcée, Noriko ne travaille pas et son père s’inquiète déjà de ce qu’il adviendra d’elle après sa disparition. La confession du père est l’un des plus beaux moments du film, qui n’en est pas avare. Noriko est tiraillée entre ses désirs et son côté traditionnel. Elle a ainsi trouvé dégoutant l’ami de son père, qui a osé se remarier et l’a fait savoir à l’intéressé.

Le cinéma d’Ozu fascine dans sa capacité à montrer la banalité du quotidien d’une famille japonaise via une mise en scène à la fois sophistiquée et épurée. Une fois devenu familier avec son univers, un amoureux du cinéma ne peut qu’en redemander.

Même si le mariage de Noriko est au centre du film, il ne montre jamais le futur époux à l’écran. Un choix audacieux, mais logique car son film est centré sur la relation père-fille.

Ses plans sont composés avec un soin extrême mais leur équilibre interne les rend très naturels. Ses compositions ne sont jamais totalement symétriques. L’un des derniers plans de Printemps tardif montrant le père assis seul sur une chaise et pelant une pomme contient toute l’humanité et la poésie d’Ozu. Aucune parole n’est prononcée, mais tout est dit sur les sentiments de cet homme. Du grand art. Poignant. Printemps tardif s’achève sur des vagues en mouvement : la vie continue.

Printemps tardif est l’un des 20 films présents dans l’indispensable box Carlotta Films disponible en Blu-ray et DVD.
Remerciements à l’éditeur.

[1Kimono de mariage

- Article paru le vendredi 20 décembre 2019

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