Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Taiwan

Raining in the Mountain

aka 空山灵雨 - Kong shan ling yu | Taïwan | 1979 | Un film de king Hu| Avec Hsu Feng, Sun Yueh, Tien Feng, Tung Lam,Wu Jia-xiang, Shih Chun, Lu Chan, Paul Chun, Si Ming Tsai

Le supérieur du monastère bouddhique des Trois Joyaux doit choisir un successeur et invite 3 hauts dignitaires pour l’assister dans cette tâche : le riche marchand Wen, le général Wang responsable de la région et un maître bouddhiste laïc, Wu Wai. Le temple possède un parchemin d’une valeur inestimable sur lequel les soutras du Mahayana ont été copiés par Xuan Zang, un moine célèbre pour ses traductions de textes bouddhiques. [1]. Il suscite les convoitises des deux notables, qui sont respectivement venus accompagnés de deux voleurs, Serrure d’or et Renarde blanche, et le commandant Chang au passé trouble. Deux moines convoitant la place du Supérieur se sont alliés à Wen et Wang. Au même moment, un homme faussement accusé de vol choisit de suivre sa vocation en devenant moine au lieu de purger sa peine.

A l’origine, le cinéma se distinguait des autres arts par sa reproduction du mouvement et King Hu est l’un des cinéastes qui a le plus apporté à sa mise en scène à une époque récente. Il s’est inspiré de la peinture chinoise où, à la différence de la tradition occidentale, le vide est aussi important que les parties peintes. La suppression de certaines images d’un plan accentue le dynamisme des scènes d’action sans pour autant les rendre moins lisibles.

Lui-même dessinateur et calligraphe, il s’inspire de cet art reposant sur le maniement du pinceau. Aussi gracieusement que le pinceau sur la toile, les combattants se déplacent sur l’écran, autre toile où un faisceau lumineux réinvente la vie. Les personnages de King Hu semblent s’affranchir de toute pesanteur. Les combats sont stylisés car l’élégance prime - d’où son goût pour les héroïnes – de même que la trajectoire des corps dans l’espace.

Raining in the Mountain est un film de flux, aboutissement des expérimentations du cinéaste chinois dans ce domaine. Regarder Serrure d’or et Renarde blanche se déplacer subrepticement dans le monastère, sauter gracieusement un mur, effectuer un saut périlleux arrière pour se cacher des moines… est un délice.

King Hu met tout en œuvre pour magnifier le mouvement : coupes dans les plans, mouvement brusque en panoramique, multiplicité des angles, jeu sur la profondeur de champs…

Dans les rares véritables combats, les échanges de coups sont eux essentiellement filmés sans coupe !

Dans l’avant dernière séquence, les combattantes drapées dans leurs costumes orange et rouge, rebondissant sur d’énormes rochers ou tombant des arbres font penser à un peintre projetant de la peinture sur sa toile. Le film bascule alors dans une certaine abstraction.

15 ans plus tard, Wong Kar-wai tentera une autre expérimentation extrême de la représentation du mouvement dans son wu xia pian, Les Cendres du temps, avec à la manœuvre Christopher Doyle à la caméra et le duo, William Chang et Patrick Tam, au montage.

Aux mouvements physiques des personnages de Raining in the Mountain répondent ceux de leur cœur. Pour reprendre la citation sur l’affiche française du film de Wong Kar-wai : "Lorsque le vent arrête de souffler, l’étendard s’affaisse, mais le cœur de l’homme continue de bruler". A l’instar du cœur de l’homme, le monastère n’est paisible qu’en apparence.

La désignation d’un nouveau supérieur révèle la cupidité des hommes, qui déchainent leurs bas instincts. Elle suscite la trahison, le vol et le meurtre.
La convoitise, du pouvoir ou de biens matériels précieux, est dépeinte avec dérision, ainsi qu’en témoigne le choix du nouveau supérieur et le sort du parchemin, et est destructive.

Le commandant Chang et le marchand sont les seuls personnages, dont le rachat est impossible. Dans cette galerie de notables cupides, de voleurs et de prêtres aux dents longues, ils sont les plus faux, les plus dissimulateurs. Toute voleuse qu’elle soit, la renarde blanche, jouée par Hsu Feng, fait preuve malgré tout à plusieurs reprises de magnanimité et ne partagera pas leur sort.

Reprenant un schéma adopté dans ses différents films, aussi bien Dragon Inn que Touch of Zen, les intrigues nouées dans un endroit clos, une auberge ou un village, remplacés ici par le monastère, trouvent leur dénouement dans des combats en pleine nature. Elle semble être l’endroit où la véritable nature de l’homme se dévoile.

Dans toutes ses œuvres, la nature est remarquablement bien filmée. La marche d’arrivée au monastère de Wen et de ses sbires en ouverture de Raining in the Mountain est d’une beauté extraordinaire.

Les mêmes lieux de tournage en Corée du Sud seront utilisés pour Legend of the Mountain ; les deux films étant conçus dans la foulée.

Raining in the Mountain ressort sur les écrans français le 19 août dans une version restaurée 2K grâce à Splendor Films.
Remerciement au distributeur.

[1Son voyage en Inde d’où il ramènera des écrits bouddhiques et en Asie centrale est devenu légendaire

- Article paru le mercredi 19 août 2020

signé Kizushii

Corée du Sud

The Room Nearby

Iran

It’s a Dream

Singapour

Eric Khoo

Hors-Asie

Man of the House

Japon

Après la tempête

Indonésie

Solo, Solitude

articles récents

Chine

Jeunesse : Les Tourments

Hong Kong

Life Is Cheap... But Toilet Paper Is Expensive

Japon

La Harpe de Birmanie

Japon

La Vengeance de la sirène

Japon

Le Pavillon d’or

Chine

Les Feux sauvages