Rape Trap
Dans un procédé qui renvoie à une conception désormais omniprésente du suspense télévisuel, Rape Trap commence par la fin de son histoire, à savoir la condamnation à mort de Li Shan Shan. La mission de Steve Cheng consiste alors à remonter le temps de façon plus ou moins aléatoire pour dresser le sombre tableau du piège qui a conduit la demoiselle dans cette impasse... Avant d’être accusée de meurtre, Shan Shan est propriétaire d’un magasin de mobilier occidental façon country living, que son petit ami Hwa l’aide à faire tourner. Seulement Hwa n’a pas envie d’être un simple employé toute sa vie : son rêve, c’est de s’associer à son ami John pour monter un restaurant. Mais comment faire, sans argent de côté ? Hwa a une super idée, ce qui explique qu’il présente Ted Hwang à sa belle. Ted, qui ne peut toucher un bel héritage qu’à condition d’être marié, et qui accepterait de partager avec le couple son argent si Shan Shan s’unissait à lui, au moins devant la loi. Forcément, Shan Shan ne prend pas trop bien la chose, mais elle finit tout de même par accepter par amour pour Hwa, sans se douter un seul instant du piège qui est en train de se refermer sur elle...
Attendez, j’oubliais un détail important : Ted Hwang est incarné par Anthony Wong (qui en est fier visiblement, puisqu’il ne signe pas sa prestation en tant qu’Antonio, cf. Phantom Call). Ada Choi n’a-t-elle jamais vu un Cat III de sa vie ? Et pour vous, qu’en est-il exactement ? Cette question a son importance, car, en dépit de sa construction alambiquée et de quelques astuces scénaristiques, la réussite ou l’échec de Rape Trap sont intimement liés à votre passif cinéphile. Exploser la narration ne suffit pas à dissimuler que, derrière ce Category IIB teinté de drame humain, se cache un vrai-faux Category III on ne peut plus classique, mais timoré. Et la présence d’Anthony Wong au générique, forcément, n’arrange rien.
Car même sans connaître le titre du film, même sans avoir vu le meilleur acteur HK de tous les temps allongé à l’hôpital aux côtés de l’héroïne et susciter en elle une peur panique, au cours du premier flash back, Anthony Wong aka Ted Hwang fait une arrivée bridée mais évidente de perversité. Sa façon de se tenir, la nonchalance faussement gentille avec laquelle il aborde Shan Shan... On a constamment l’impression qu’Anthony Wong se retient pour ne pas rigoler ou être immonde, au choix, et révéler ainsi trop rapidement le dessein qui est le sien. Steve Cheng, globalement sérieux, se fend en plus d’une séquence - la seule censée explicitée le potentiel dangereux de Hwang, pour les néophytes qui s’y perdront en émerveillement malsain - un peu trop proche du Cat III justement. Au restaurant avec Shan Shan pendant que Hwa, co-conspirateur évident dès les premières minutes (et lui aussi victime non seulement d’un délit de sale gueule, mais de passif filmographique), s’envoie en l’air avec une Diana Pang à la fois plus belle et plus sexuellement agressive qu’à l’habitude, Hwang fait un détour par les toilettes. En route, il est accosté par un businessman émêché qui tente de le faire boire avec lui, et qui ne tarde pas à le rejoindre aux WC pour purger sa peine. Précédé de plusieurs minutes par Hwang, l’homme ressort couvert d’excréments, hurlant pour demander qui lui a balancé de la merde dessus. Un moment de poésie dans un film qui se veut pourtant dans l’ensemble, d’une certaine retenue.
Le reste tient de l’innommable restreint et classique, puisque le mariage bidon permet à Hwang de violer Shan Shan en toute impunité. Forcément, il finit par se retrouver avec un couteau dans le ventre et le reste fait partie de l’Histoire, puisque le pré-générique nous a déjà mis au courant. Rape Trap est tout de même plutôt bien réalisé, avec une multiplication de points de vue pertinente, surtout lorsque la caméra emprunte le regard de Shan Shan sur cette humanité qu’on lui retire peu à peu. Ada Choi est superbe et fait pencher la balance du bon côté, tout comme le personnage de l’avocat qui tente de la sauver. Mais Rape Trap a du mal à ne pas sombrer dans le sordide non assumé, en dépit des tentatives de Steve Cheng de compliquer l’histoire avec une affaire de transfusion entre la victime et son bourreau. Tout ça, c’est la faute à Anthony Wong, c’est clair, mais aussi peut-être un peu à une frilosité de l’industrie HK tout juste post-97. Car - vous me trouverez sans doute un tantinet malade - Rape Trap aurait certainement gagné à pimenter son drame humain d’une violence nettement plus honnête et racoleuse. Anthony était là, Pang Dan aussi, et la trame s’y prêtait évidemment bien. Et cela aurait certainement permis au film de trouver un intérêt autre que sa seule narration, qui tente bien de devenir un objectif en elle-même, mais ne parvient jamais à combler l’anticipation artificielle qu’elle construit dans les premières minutes.
Rape Trap est disponible en DVD et VCH HK chez Universe.



