Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Hors-Asie

Ravenous

aka Vorace | USA | 1999 | Un film de Antonia Bird | Avec Guy Pearce, Robert Carlyle, David Arquette, Jeremy Davies, Jeffrey Jones, John Spencer, Stephen Spinella, Neal McDonough

Il est des promotions dont on se passerait bien... Au cours de l’une des dernières batailles de la guerre Mexico-Américaine, le capitaine John Boyd (Guy Pearce) a réussi à saisir, seul, un fort au-delà des frontières ennemies. Comment est-il parvenu à un tel exploit ? En se faisant passer pour mort, par couardise pure et dure, alors que ses compatriotes mourraient à ses côtés... "Nous devrions vous exécuter, mais..." - effectivement, au vu des conséquences de cet acte pour le moins disgracieux, l’armée américaine pourrait difficilement expliquer la sanction de celui qui, aux yeux de la Nation, est devenu un héros de guerre. Qu’à cela ne tienne, ses supérieurs dégoûtés envoient Boyd passer l’hiver en Californie, à Fort Spencer - refuge d’un bon nombre de reclus de l’Etat-Major sous les ordres du Colonel Hart (Jeffrey Jones). De Reich (Neal McDonough), véritable Rambo avant l’heure, au Major Knox (Stephen Spinella) qui n’a "jamais rencontré une bouteille qu’il n’aimait pas" en passant par le "surmédicamenté" Cleaves (David Arquette), Fort Spencer abrite en effet une galerie militaire pas piquée des hanetons.

L’arrivée d’un certain Colqhoun (Robert Carlyle) au Fort vient tromper l’ennui des soldats qui y regardent défiler les journées enneigées. Celui-ci, dans un sale état, aurait passé trois mois dans la nature sans nourriture, après avoir vécu une histoire plutôt effrayante : Colqhoun faisait partie d’un convoi de six personnes qui s’est égaré dans la montagne. Immobilisée par le mauvais temps, la troupe se réfugie dans une grotte, au fond de laquelle ils arrivent vite à bout de leurs vivres. Les chevaux, les lacets de leurs chaussures, leurs ceintures... tout devient bon à manger. Jusqu’au corps de l’un des leurs, décédé de malnutrition. Un cannibalisme forcené se serait dés lors emparé du Colonel Ives, prêt à tuer ses prochains pour se nourrir. Colqhoun s’est échappé avant que ce soit son tour, laissant une femme seule avec l’affamé. L’équipe de Fort Spencer se met donc en route avec le rescapé pour tenter de sauver la malheureuse, si toutefois celle-ci est toujours en vie...

Difficile de classer Ravenous dans un genre cinématographique bien précis... Comédie horrifique, film gore soft ou western hardcore ? Antonia Bird flirte avec une multitude de tons dans ce qui reste sa dernière réalisation en date pour le grand écran. Originaire du monde de la télévision où elle travaille sur bon nombre de séries de 1985 à 1993 (EastEnders, Inspector Morse, South of the Border,...), Antonia Bird se fait remarquer cette même année avec son premier long métrage, Safe (à ne pas confondre avec le film homonyme de Todd Haynes tourné en 1995), sombre constat de l’état des sans-abris à Londres, au générique duquel on retrouve déjà Robert Carlyle. Dépressif et presque malsain dans son exploration (in)humaine des exclus de la société londonienne, Safe n’en demeure pas moins un film juste et remarquable. A l’exception de Mad Love (1995), comédie romantique avec Drew Barrymore et Chris O’Donnell, les films suivants de la réalisatrice ont tous Robert Carlyle comme interprète principal. Ce sont l’excellent Priest (1994) et surtout Face (1997), polar social couronné du Grand Prix au Festival du Film de Cognac en 1998.

Comédie, polar, drames social et religieux, et puis enfin... Ravenous. Pour nous, fans de films de genre, ce film constitue bien sûr le zénith de la carrière de cette réalisatrice hors du commun. A mille lieux de la vague de films de cannibales lancée par l’incroyable Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato en 1979 et poursuivie par Umberto Lenzi et ses amis italiens, Ravenous aborde le mythe de l’anthropophagie sous un angle nouveau, délaissant le film d’exploitation pour une oeuvre plus ambitieuse et moins craspec. Ici, il est question des véritables mythes fondateurs de l’acte cannibal et de ses effets sur ceux qui le pratiquent : ainsi, l’intérêt n’est pas de nous emmener au fond de notre sac à vomi avec une succession de festins repoussants, mais de s’attarder sur cette force que procure l’absorption de la chair humaine, et sur la crise de conscience qu’un tel "choix de vie" peut entraîner.

Dans le rôle du sceptique (qui a pourtant déjà mis ses doigts dans les plaies), Guy Pearce évolue parfaitement de la mauviette au surhomme ; tandis que Carlyle joue avec classe le rôle du "Maître d’Hôtel", naviguant brillament entre la folie incontrôlée et la violence suavement calculée. A l’image de la prestation de ce dernier, la réalisation de Antonia Bird passe du comique à l’horreur pure, pour culminer sur un duel barbare où s’affrontent deux êtres à la frontière de l’humain.

Tout en finesse, Antonia Bird parvient à faire de Ravenous un film surprenant de bout en bout, à la fois drôle, flippant, spectaculaire... et avant tout crédible. Car la réalisatrice conserve suffisament de retenue pour ne jamais tomber dans un Grand Guignol sympa mais ridicule. Le duel final de l’histoire, qui aurait très bien pu jouer une surenchère de combats, en est une parfaite illustration et résume à lui seul la force de ce film malheureusement mesestimé : une oeuvre cynique au croisement de tous les cinémas - sur une base tout de même horrifique, qui saura - je crois - rallier les spectateurs les plus divers, qu’ils soient fans de films de genre ou pas. Une réussite très "démocratique", en quelque sorte, à consommer sans modération !

Ravenous est disponible en DVD zone 1 et zone 2.

- Article paru le dimanche 5 mai 2002

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