Satomi Hakkenden
En 1983, Kinji Fukasaku réalise l’adaptation cinématographique de l’un des plus fameux contes japonais du XIXème siècle...
Avant toutes choses, sachez qu’aborder Satomi Hakkenden sans une petite idée de ses origines est plutôt difficile. Au départ, Nansô Satomi Hakkenden est une "saga fleuve" (106 volumes à l’époque !) écrite par Bakin Takizawa en 1814 ; cette fresque épique qui se déroule au XVème siècle nous conte les déboires du clan Satomi, victime d’une malédiction ; je ne reviendrais pas sur ses tenants et aboutissants - ce qui serait bien trop long ! -, mais sachez qu’elle est l’oeuvre d’une belle et cruelle femme - Tamazusa - qui juste avant de se faire exécuter par Yoshizane Satomi, eut le temps de lui infliger cette malédiction : tous ses descendants seront tels des chiens errants... Plusieurs décennies s’écoulent ; le clan Satomi est alors en guerre et Yoshizane a une fille, la princesse Fuse. Alors que les tentatives d’assassinat de leur ennemi - Anzai - échouent les unes après les autres, dans un élan de désespoir, Yoshizane promet la main de sa fille à qui lui rapportera la tête de son rival... ce à quoi ne s’attendait pas notre homme arriva pourtant : Yatsufusa, le chien de la famille rapporte la tête du vieil adversaire. Yoshizane, alors peu enclin à offrir sa fille à un chien, voit pourtant sa royale progéniture accepter, pour que l’honneur de son père soit sauf. La princesse Fuse et Yatsufusa le chien partent donc vivre ensemble dans les montagnes. Fuse fait des rêves dans lesquels elle prend conscience de la malédiction jetée par Tamazusa sur sa famille : c’est elle qui enfantera les bâtards errants prédits. Daisuke, le premier fiancé de la princesse, jaloux de cette liaison atypique, décide de tuer le chien ; il y parvient mais tuera en même temps Fuse qui s’était interposée. La malédiction peut enfin prendre place... le chapelet bouddhique de la princesse se brise, laissant huit de la centaine de perles qu’il contenait s’échapper ; ces huit perles vont aller marquer les paumes de huit bébés qui deviendront des guerriers incarnant les huit vertus confucéennes. Une fois unis, ces hakkenshi, littéralement "huit chiens guerriers", devront sauver le clan Satomi et conjurer ainsi la malédiction... l’histoire du film Satomi Hakkenden prend place lors de la rencontre de ces huit guerriers jusque là dispersés, qui vont tenter de contrer le sort diabolique et restaurer ainsi le pouvoir du clan Satomi...
Décors de carton-pâte somptueux, un nombre impressionnant de figurants, des stars en veux-tu en voilà... c’est ça les productions Kadokawa [1] des années 80 ! Bon alors autant vous le dire d’entrée de jeu : Satomi Hakkenden n’est pas un grand film, ça c’est clair ; pas un grand film dans la filmographie de Kinji Fukasaku non plus d’ailleurs, mais bon, passons... Typique donc, des produits des grands studios nippons de l’époque, Satomi Hakkenden est avant tout un film pour vendre des livres, des mangas (je rappelle que Kadokawa Shôten est l’un des plus gros groupes de presse japonais) et l’image de marque de la jeune star du studio de cette époque, Hiroko Yakushimaru (Yasei no Shomei, Tantei Monogatari). Oui car il faut bien dire que même si le casting est assez "impressionnant" puisqu’on y trouve Hiroyuki Sanada (Ring 1 et 2) connu par toute une génération de français comme étant Ayato dans la série San Ku Kai, Kenji Ôba lui-même resté dans notre cœur en tant que X-Or ( !), et Shinichi "Sonny" Chiba, que l’on ne présente plus, c’est avant tout la jeune demoiselle Hiroko qui remportait alors tous les suffrages de popularité auprès de tous les publics : grande sœur idéale, copine idéale, fille idéale... bref, la personnification du "Kawaii !!! [2]" lancé à tous bouts de champs par nos amis nippons.
Manichéisme poussé (ouh ! les méchants sont vraiment méchants !), effets spéciaux chef-d’oeuvrissimes, gros serpents en plastoc qui ne font pas flipper pour un sou, effets ri-go(re)-los (transformation de la sorcière en mille-pattes/perce-oreille géant), séquences d’actions ponctuées d’une soupe anglaise indigeste matérialisée par un pseudo rock FM abominable [3] faisant passer Bon-Jovi pour un groupe de black métal norvégien,... bref, autant de choses finalement sympathiques qui font que l’on ne peut pas véritablement s’ennuyer. On peut tout de même regretter que la partie "background" de la légende soit réduite à un simple parchemin filmé avec un éclairage qui fait flipper et des bruits de bataille, mais bon, on va dire que c’est parce que tous les japonais connaissent (du moins sont-ils censés) cette histoire...
Alors finalement, Satomi Hakkenden, s’il n’est pas le chef-d’œuvre qu’il aurait pu être, est tout simplement un excellent petit divertissement familial, légèrement daté il est vrai, mais tellement plein de bon sentiments au départ (hum ! cf. paragraphe deux - kadokawa)... et puis, je suspecte Kinji Fukasaku, réalisateur doué, intelligent et empreint d’un second degré avoué, d’avoir tenté de rendre certaines star (mais une en particulier) ridicules... en tous cas, Satomi Hakkenden c’est drôlement sympa, et tout à fait symptomatique d’une époque aujourd’hui bien révolue... Vive le cinéma !
P.S : Merci à Guillaume Morel pour ses éclaircissements quant à certaines parties de Nansô Satomi Hakkenden.
DVD | Kadokawa - Asmic | NTSC | Zone 2 | Format : 1:1:85 - 16/9 | Images : Un magnifique transfert anamorphique aux couleurs somptueuses. | Son : Stéréo d’époque ou remasterisé en 5.1 ; stéréo nickelle et un 5.1 pas hyper puissant mais suffisamment efficace pour faire cracher à vos enceintes ce qu’elles ont dans le ventre. | Sous-titres optionnels japonais (pas d’anglais... ouin !!!) | Suppléments : Bio/Filmos des principaux acteurs et de Fukasaku, trailers (international et japonais) et un petit documentaire de Fuji TV ayant pour sujet Hiroko Yakushimaru sur le tournage (16’).
Satomi Hakkenden fut distribué en video en France sous le titre La Légende des Huit Samouraïs, par Scherzo... Ahhh... souvenirs...
Info : En plus de l’édition en dix volumes de Hakkenden (uniquement en japonais) et de l’adaptation cinématographique de Fukasaku, il existe des mangas, des adaptations TV (dessins-animés, marionnettes,...) et trois excellentes séries d’OAV (Original Animation Video) réalisées par Takashi Anno et Yukio Okamoto à voir absolument.
[1] Cf. Mini dossier Yusaku Matsuda dans SdA.
[2] "Mignon(ne), joli(e)".
[3] Ce sera également le cas dans le célèbre Shogun’s Shadow (Shogun Iemitsu no Ranshin : Gekitotsu ! /1989 de Yasuo Furuhata avec Ken Ogata, Sonny Chiba et Tetsuro Tanba), dont une séquence équestre sera - malheureusement - agrémentée d’une chanson interprétée par le groupe japonais The Alfee.