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Japon

Shall we Dance ?

aka Shall we Dansu ? - Dansu wo Shimashô ka - Sharu ui Dansu ? | Japon | 1996 | Un film de Masayuki Suo | Avec Koji Yakusho, Tamiyo Kusakari, Naoto Takenaka, Eriko Watanabe, Yu Tokui, Reiko Kusamura, Hiromasa Taguchi, Hideko Hara, Akira Emoto, Misa Shimizu, Shûichirô Moriyama, Masahiro Motoki, Ren Ôsugi, Nanea Hoffman, Robert Hoffman

Masayuki Suo nous invite dans la danse de la vie...

Sugiyama, un salaryman quadragénaire, vit une vie sans le moindre soucis ; il a une femme aimante, une fille sans problème, et vient juste de faire bâtir sa propre maison dans la banlieue de Tôkyô, bref, tout va bien... ou presque. Tous les jours, Sugiyama emprunte le même trajet de train, et tous les jours il observe secrètement une belle jeune femme qui se trouve derrière les fenêtres d’un cours de danse. Freiné par sa timidité, il n’ose franchir le pas de la porte... jusqu’au jour où, presque malgré lui, il s’y inscrit...

Véritable carton historique dans l’histoire du cinéma nippon, Shall we Dansu ?, huitième film réalisé par Masayuki Suo (Hentai Kazoku - Aniki no Yomesan, Shiko Funjatta), est également - et plus étonnamment - le plus gros succès cinématographique japonais outre Atlantique, battant le record du sublime de perfection Ran du maître Kurosawa...

Analyse d’un succès...

...à vrai dire cet exercice tient de l’ordre du quasi-impossible, même si certains éléments peuvent laisser percevoir ce type de choses... L’immense Takeshi Kitano a une vision assez particulière de ce type de phénomène : "(...) pour faire un gros succès au Japon, vous devez cibler votre film et, pour cela, vous n’avez le choix qu’entre deux types de spectateurs : les enfants et les femmes au foyer. Du coup, ce sont des films comme Shall we Dansu ? qui cartonnent. Mais ces productions sont faites pour un public incapable de comprendre une expression cinématographique un tant soit peu complexe, encore moins une quelconque symbolisation artistique (...)" [1]... Soit, dans un sens il n’a pas tort - il a même tout à fait raison ! -, mais là où ce génie du 7ème Art se trompe - à mon sens -, c’est justement dans approche un peu réduite d’un film comme Shall we Dansu ?...

...bon évidemment, lorsque j’ai lu cette interview de Beat Takeshi il y a un peu moins de six ans, je n’avais pas vu le film de Suo, et il est également vrai que lorsque je parlais du cinéma de leur pays à des japonais - en l’occurrence à des japonaises -, Shall we Dansu ? revenait à toutes les sauces... Vous savez pertinemment comme moi que l’avis émis par quelqu’un que l’on respecte influence notre inconscient. Inutile de vous dire donc, que cet objet cinématographique est devenu quasi-immédiatement le cadet des mes soucis...

...puis le temps passe... on évolue, et finalement on se dit qu’il est intéressant de tout voir, sans spécialement faire une sélection au départ... on verra bien après ! Et puis il s’agit d’un film réalisé par Masayuki Suo, qui me fit passer un très bon moment avec son Shiko Funjatta (Sumo do, Sumo don’t /1992) quelques années auparavant, lui dont le premier film est le monumentalement barré Hentai Kazoku - Aniki no Yomesan (Abnormal Family /1983)...bref, je me jette, et après sept ans de réflexion ( !) je me décide à enfin visionner ce Shall we Dansu ?...

Masayuki Suo nous décrit (il est également le scénariste du film) donc le quotidien de Sugiyama, archétype du parfait salaryman ayant réussi sa vie tant professionnelle que familiale, tout du moins dans l’inconscient collectif... car Sugiyama souffre. De quoi ? D’un enfermement dans une vie sans rêve, une vie passée à travailler et à réussir tout ; réussir ses études, réussir dans son travail, réussir son mariage, réussir ses enfants... autant de tâches qui sont autant d’étapes "obligatoires" dans la vie d’un homme... Seulement, Sugiyama bouillonne au fond de lui, et rêve d’une nouvelle vie. Lorsqu’il décide d’entrer dans ce cours de danse, il est assailli par la honte... mais il passe outre, non sans difficultés, en se cachant, si bien que son épouse croit qu’il entretient une liaison avec une autre femme, et elle emploie un détective afin de le faire suivre...

Sugiyama se consacre tous les jours à cette nouvelle passion ; il sue, souffre, s’amuse, est excité par la situation, et gagne une certaine confiance en lui... Intelligemment, Suo utilise la danse comme parabole de la midlife crisis... Quoi de mieux que la danse, discipline qui peut être d’une sensualité torride, voir même faire ressortir une sexualité bestiale, pour imager cette phase de la vie d’un homme, face à lui-même et à ses questions ? La danse, personnifiée ici par la jolie prof Mai - du verbe "mau" qui signifie "danser" en japonais -, est l’objet de désir de cet homme, ce par quoi l’émancipation va peu à peu se dessiner à l’horizon. L’apprentissage va s’avérer être un révélateur pour Sugiyama, et Suo s’en donne à cœur-joie dans les descriptions comiques de la situation... tout en restant ému par ses personnages hauts en couleurs...

...et oui ! De vrais personnages, ou plutôt des personnalités ! Pour recréer tout ce microcosme qui évolue autour de Sugiyama, Suo s’est entouré d’excellents comédiens. Aus côtés de Koji Yakusho (Kamikaze Taxi, Shitsurakuen) qui prête ses traits à Sugiyama, on retrouve au hasard et dans le désordre la belle danseuse de ballet Tamiyo Kusakari, qui pour son unique rôle au cinéma s’en tire avec les honneurs, mais aussi Eriko Watanabe (Kanzen Naru Shiiku), Yu Tokui (Keizoku/Eiga - Beautiful Dreamer), Hiromasa Taguchi (Rajio no Jikan) du groupe comique Tension (Tenshon), Akira Emoto (Revolver), Misa Shimizu (Mirai no Omoide - Last Christmas), deux cameos de luxe de Masahiro Motoki (Chûgoku no Chôjin) et Ren Ôsugi (Hana-bi)... mais c’est surtout l’excellent Naoto Takenaka (Tôkyô Biyori) qui nous fait un show grandiose, où toute sa "folie" peut éclater pour le bonheur du spectateur !

...finalement, malgré mes à priori négatifs - enfin, le terme est un peu fort -, je dois avouer que je me suis laissé entraîner par ces personnages sympathiques, très "humains", avec leurs défauts et leur qualités, et que je me suis complètement pris au jeu de ces danseurs. Chacun peut vivre ses rêves, tant qu’on s’en donne les moyens... Véritable bouffée d’air frais, le film de Masayuki Suo est avant tout un grand moment de passion partagée, une passion dévorante symbolisée par la danse. Que vaut une vie sans rêves... et que valent les rêves sans amour ?... Shall we Dance, messieurs dames ?

Au Japon en VHS ([1:85] - Stéréo Dolby Surround). Le Laserdisc est aujourd’hui épuisé...

VCD (HK pas vu) | Epuisé, contient des sous-titres anglais et chinois, et - a priori - au format.

VCD (Coréen pas vu)... également épuisé ! Ne contient en revanche que des sous-titres coréens.

Il existe aussi une VHS aux USA, qui contient des sous-titres anglais, en Dolby Surround... mais en plein cadre, et amputée de 18 minutes(!)...

La musique du film, composée par Yoshikazu Suo, est disponible sur CD au Japon (réf. TKCA-70809).

Bonus
Site Officiel de Yoshikazu Suo: http://www.y-suo.com

[1Propos recueillis par Gérard Delorme, Léonard Haddad et STL, parus dans le magazine HK n°5, en décembre 1997.

- Article paru le dimanche 25 mai 2003

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