The Fake
Ta rage n’est pas perdue. [1]
Je n’avais pas vu un film parcouru par une telle rage noire depuis bien longtemps. Qu’il émerge d’un cinéma coréen nous ayant proposé ces dernières années d’intéressants personnages jusqu’au-boutiste n’est pas une surprise. Dans cette veine, Breathless avait fait sensation et il partage plusieurs points communs avec The Fake.
Les habitants d’un village voué à être englouti du fait de la construction d’un barrage ont reçu une compensation pour être relogés dans un autre endroit. Un homme d’affaires, Choi, secondé par le pasteur Sung parvient à convaincre les villageois de verser l’argent ainsi reçu afin de construire une chapelle. Tous ne sont pas aussi dévots. La brebis galeuse, Min-chul vole les économies accumulée par sa fille pour payer ses études universitaires et les liquide pour s’offrir une soirée très arrosée. Il la termine au poste où sur une affiche de personnes recherchées, il reconnaît Choi qui est accusé de fraude…
Le réalisateur Sang-Ho Yeon, qui connaitra une reconnaissance mondiale avec Dernier train pour Busan, a fait le choix audacieux de faire d’un sale type le personnage au centre de son film. Dans la version coréenne, Yang Ik-june, réalisateur et premier rôle dans Breathless, fait la voix de Min-chul. Les deux personnages ont en commun d’être possédés par la rage.
Le cinéaste coréen ne fait pas de prisonniers : tout le monde en prend pour son grade, mais il est beaucoup plus sévère à l’encontre du pasteur. Son comportement est d’autant plus condamnable, qu’il est censé incarner la rectitude morale.
Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous.
Il est possible de trouver des excuses aux habitants du village car ils s’apprêtent à être déracinés. Cette perspective est d’autant plus douloureuse qu’ils sont sont nombreux à être âgés et sans grand moyen financier. Même s’ils ne vont pas se noyer avec leur village, la religion leur apparait comme un refuge. Le pasteur leur promet le salut de leur âme et ils sont perdus par leur trop grande crédulité.
L’objectif de Choi ne souffre pas d’ambiguïté. Hors de la vue des villageois, il ne dissimule pas son objectif : gagner de l’argent. Point barre. A travers lui, le cinéaste dénonce le dévoiement et la corruption du milieu des affaires.
Le pasteur Sung dispose initialement du bénéfice du doute tant il semble sincère dans ses contacts de ses ouailles. Mais la trahison de son sacerdoce va devenir de plus en plus évidente et The Fake se transforme en féroce charge anticléricale.
Min-chul revient dans son village et déboule dans cette escroquerie comme un chien dans un jeu de quille. La rage emmagasinée en lui l’a doté d’une carapace le rendant insensible au moindre sentiment humain. Même l’avenir de sa fille lui est complètement égal. Le film fait malheureusement l’impasse sur les origines de la rage de Min-chul.
Le constat brutal de The Fake prend vie sous la forme d’un graphisme brut. Les visages disgracieux des personnages traduisent leur laideur intérieure. Les tons marron, vert et caca d’oie du film éclairés parfois par l’orange et le rose du levé et du couché de soleil donnent au film une atmosphère pré-apocalyptique très réussie.
The Fake est disponible est disponible en Blu-Ray chez Spectrum Films.
Remerciements à l’éditeur.
[1] Le renard, Bérurier noir