The Guard Post
Cela fait plusieurs heures que le poste de garde 506, bunker labyrinthique qui se dresse, comme tant d’autres sur la DMZ [1], en vestige de la Guerre Froide, ne donne plus signe de vie. A l’intérieur de la pièce centrale du bunker désert, l’équipe dépêchée en pleine nuit fait une sanglante découverte : un soldat hystérique, une hache encore dans les mains, se tient au milieu des cadavres outragés de ses camarades. Puisque cette équipe comptait en ses rangs un soldat à la paternité hautement hiérarchique, l’inspecteur militaire Noh est envoyé sur place pour tirer l’horreur au clair. Pour cela, il n’a que jusqu’au lever du soleil : à 6 heures le lendemain matin, l’affaire sera étouffée, toute preuve effacée. Rapidement, Noh se rend compte que sur les 21 soldats affectés au poste, 19 ont été retrouvés morts, tandis que le vingtième, coupable évident du nom de Kang, est dans le coma après l’intervention armée de l’équipe d’investigation. Le vingt-et-unième n’est autre que le lieutenant Yoo, caché dans les méandres du bunker, qui rechigne à expliciter les évènements qui ont mené au massacre et ne souhaite qu’une chose : fuir le GP506. Peut-être le gradé sait-il quelque chose, de ces irritations purulentes qui apparaissent sur les corps de certains membres de la relève forcée, et de leur lien avec quelques comportements étranges ?
Certainement déçu par un trop grand nombre de films d’horreur coréens, j’avais en 2004 fait l’impasse sur l’un de ceux qui récoltait pourtant à l’époque le plus de louanges, R-Point. Je sais toutefois que son auteur-réalisateur, Kong Soo-chang - que l’on se doit de respecter pour son travail sur le scénario de Tell Me Something – s’y plaisait à mêler horreur et treillis, cocktail très en vogue depuis quelques années qu’il nous ressert avec The Guard Post, fort d’une unité de lieu, bunker cinégénique, propice à la claustrophobie et la paranoïa. Rajoutez à cela un soupçon de virus qui transforme sporadiquement les soldats en pseudo-zombies, et une structure réminiscente de JSA, et le tour est joué.
Sur papier du moins, parce qu’à l’écran malheureusement, l’affaire est plus complexe. On sent bien que le réalisateur veut jouer le jeu de la course contre la montre et la mort, qu’il veut créer une certaine progression horrifique dans le télescopage de narrations croisées, entre le récit des événements qui ont conduit Kang à la folie meurtrière, et la contamination de l’équipe d’investigation, par la peur et la maladie. Toutefois, c’est ce dispositif, fausse linéarité narrative, qui, alors qu’il devait donner son intérêt au film, le dessert : le suspense est sans cesse interrompu par une gestion hasardeuse des allers-retours, inutilement cryptiques car étirés en longueur autour d’un twist gratuit. A vouloir trop jouer le jeu de l’enquête, The Guard Post perd de plus paradoxalement un autre de ses atouts potentiels : celui de renier l’explication à tout prix, au profit d’un inconfort qui puise justement sa force, dans une violence retenue, crasse, insaisissable. A ce titre, certaines scènes du film sont très réussies, lorsque Kong Soo-chang parvient à trouver un équilibre juste, entre ce que l’on voit et ce que l’on parvient à appréhender ; clé d’un hors-champ pernicieux, qui s’installe alors dans l’imagination du spectateur, et qui doit beaucoup à la superbe photographie des intérieurs du bunker, et des répugnants symptômes des contaminés.
Si le film n’explique rien, s’il échoue à susciter une véritable appréhension en raison de sa longueur artificielle et de son incapacité à créer une résonance fluide entre les événements passés et présents, on peut tout de même s’amuser à y entrevoir une allégorie sur la nature maléfique de cette frontière entre les deux Corées, qui pousserait inexplicablement un groupe uni, par la nationalité et la culture, à se scinder en deux et s’entretuer. Dans The Guard Post, les malades sont les plus à plaindre et les épargnés les bourreaux ; puisque les seconds, dans un désir d’ignorance entraîné par la peur, transforment la menace latente des premiers – potentiellement éphémère – en adversité mortelle. L’issue du film, qui a au moins le mérite d’être logique et donc, d’une certaine façon, satisfaisante, est alors évidemment sans surprise, quelque peu pessimiste quant à la possibilité d’une Corée réunifiée.
The Guard Post sortira en DVD et Blu-ray le 22 septembre 2010 chez WE Productions.
Remerciements à Julie Fontaine.
[1] Zone qui sépare la Corée du Nord et la Corée du Sud.



